Les médias français ont cette étonnante capacité de croire sur parole la pensée des gourous des temps modernes. L’américain Jeremy Rifkin est sur ce point en train de devenir un cas d’école a occupé le terrain ces dernières semaines, en particulier sur les radios comme l’émission de Stéphane Paoli sur France Inter ou celle d’Alexandra Bensaid qui nous a pourtant habitué à une certaine clairvoyance. Jeremy Rifkin a une approche critique intéressante des inerties logiques générées par les révolutions industrielles précédentes et soulève avec pertinence la question essentielle de la nécessité de la transversalité et de la décentralisation. En revanche ses propositions pour la France relèvent d’une certaine fantaisie qui a échappé aux journalistes. Dans ces entretiens avec Stéphane Paoli et Alexandra Bensaid, Jérémy Rifkin insiste énormément sur les nouvelles innovations développées dans le BTP français. Le groupe Bouygues a inventé une technique de construction de bâtiments qui garantissent une autonomie de chauffage sans avoir recours à une source d’énergie extérieure. Jeremy Rifkin en conclut un peu trop rapidement que cette innovation serait l’ossature d’une troisième révolution industrielle pour relancer l’économie française. Les deux journalistes n’ont pas réagi à cette proposition révolutionnaire très séduisante. Mais Stéphane Paoli et Alexandra Bensaid ont oublié un petit détail à propos de l’innovation de Bouygues. Ce pas franchi dans les économies d’énergie porte sur la construction de nouveaux logements. Autrement dit, pour en bénéficier, il faudrait détruire les bâtiments anciens pour les remplacer par de nouvelles constructions. Jeremy Rifkin est américain et réfléchit à partir de sa grille de lecture culturelle. Aux États-Unis, il est normal de détruire des bâtiments pour les remplacer par d’autres. C’est une tradition de l’Amérique du Nord et de pays d’Europe du Nord comme la Suède. En revanche, ce n’est pas le cas en France. Il est illusoire de croire que l’on puisse raser des villes entières et même des villages. Prenons simplement le cas de Paris et imaginons l’application des idées de Jeremy Rifkin. C’est tout simplement impossible à cause de la configuration du marché de l’immobilier et de l’attachement à une certaine pérennité de l’existant. Comment expliquer cette défaillance journalistique ? On attendait de Stéphane Paoli et Alexandra Bensaid qu’ils recoupent l’information en demandant aux experts de Bouygues quelles étaient les contraintes de l’application de cette nouvelle technologie. Ils ne l’ont pas fait et ont de fait désinformé leurs auditeurs.