Il était surprenant que la France, à une époque où le patrimoine des entreprises prend une forme de plus en plus immatérielle, ne se soit pas dotée plus tôt d’une législation visant à protéger les informations et données stratégiques. C’est désormais chose faite (ou presque) la confirmation prochaine des sénateurs laissant peu de place au doute. La proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires a été discutée et adoptée hier soir (lundi 23 janvier) à l’Assemblée nationale.
Au cours de la dernière décennie, les atteintes au secret des affaires se sont multipliées. Présentant la loi qu’il a initiée devant l’hémicycle, le député Bernard Carayon s’est réjoui du large consensus rencontré pour l’adoption d’un texte non partisan. Il a insisté sur l’importance de créer une infraction nouvelle venant enfin protéger le secret des affaires et permettant ainsi d’éviter que des préjudices considérables soient causés aux entreprises. Car en effet, est-il nécessaire de rappeler les sombres affaires Valeo ou Michelin pour constater que notre arsenal juridique était jusqu’à présent lacunaire ? L’absence de définition de la notion de secret des affaires empêchait d’incriminer et de condamner de manière satisfaisante le salarié « indélicat » coupable d’espionnage économique.
De nombreuses pistes judiciaires auront été explorées partant de l’infraction de vol, de recel, d’intrusion dans un système informatique, de violation du secret professionnel, d’espionnage ou encore d’abus de confiance. Aucune d’entre elles n’aura été jugée satisfaisante pour protéger les données stratégiques et réprimer un comportement économique agressif, et ce malgré les efforts et la souplesse de la jurisprudence. Pour ces raisons, il devenait indispensable d’octroyer au secret des affaires une définition et de lui conférer une véritable valeur juridique, au même titre que le secret-défense.
Les députés ont tenu à féliciter Bernard Carayon pour son travail et pour sa détermination dans l’élaboration d’un texte nécessaire et attendu. Initiant la discussion générale, le ministre Eric Besson a salué le renforcement de la protection de notre patrimoine économique, scientifique et technologique. Rappelant le travail effectué depuis 2007, il a estimé que la « France conquérante » doit s’appuyer sur la maitrise de l’information stratégique pour ne pas être victime de la guerre économique. Il a affirmé son entier soutien à la création d’une protection opportune venant combler les lacunes du droit français.
Le droit international, par le biais des accords ADPIC, et le Traité UE dans son article 339 protègent déjà le secret des affaires. De manière concrète, le nouveau texte propose d’instaurer un « Espionage Act » à la française afin de combler un vide juridique et de garantir la sécurité économique des entreprises. L’article 1er pose une définition large et exhaustive de la notion de secret des affaires et introduit une peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende dans le Code pénal. Le deuxième article du texte propose de réformer la loi du 26 juillet 1968, dite Loi de blocage, afin de faire face aux procédures judiciaires étrangères agressives et représentant un risque pour les données stratégiques (notamment la discovery américaine). L’article 3 enfin vise à protéger les journalistes détenant des informations secrètes et souhaitant protéger leurs sources.
Si la proposition de loi a rencontré un large consensus, certaines réserves ont tout de même été émises. Le groupe socialiste a ainsi regretté que la définition de l’article 1er soit « floue » et manque de précision. La gauche de la gauche s’est, quant à elle, inquiétée d’une atteinte au droit à l’information et d’une protection insuffisante des journalistes. Le député UMP Verchère s’est par ailleurs interrogé sur la possibilité de prévoir une saisine accélérée des juridictions, d’instaurer un huis clos compte tenu de la nature secrète des informations concernées mais également sur la mise en place d’une retenue en douane des biens créés grâce aux données dérobées. Le député Urvoas enfin a estimé que la protection du secret des affaires parait plus accessible aux grandes entreprises et firmes stratégiques qu’aux PME et TPE qui sont encore peu sensibilisées à ces questions et pour qui le texte risque d’être trop rigide.
D’autres aspects restent encore suspens comme la question de savoir quelle autorité policière et quelles juridictions seront en charge de ces dossiers. En effet, beaucoup ne souhaitent pas voir leurs affaires confiées à des autorités « profanes » dont la culture économique et sécuritaire laisse bien souvent à désirer. La sécurité juridique des salariés doit également être examinée s’il s’agit d’insérer des clauses relatives au secret des affaires dans les contrats de travail.
En tout état de cause, l’adoption de ce texte par la représentation nationale semble apporter enfin une réponse aux difficultés quotidiennes rencontrées par les entreprises détenant des informations sensibles. La nouvelle loi doit permettre de soutenir la compétitivité de nos entreprises et de renforcer l’influence française. Elle doit garantir la sécurité économique et éviter l’ingérence de puissances concurrentes offensives. L’expression « Guerre économique » semble être passée de tabou à réalité acceptée en quelques années. Il aura fallu bien des exemples, ô combien regrettables, avant que des mesures opportunes soient adoptées permettant de lutter à armes égales et sans paranoïa dans la compétition internationale.
Doriane de Lestrange
Au cours de la dernière décennie, les atteintes au secret des affaires se sont multipliées. Présentant la loi qu’il a initiée devant l’hémicycle, le député Bernard Carayon s’est réjoui du large consensus rencontré pour l’adoption d’un texte non partisan. Il a insisté sur l’importance de créer une infraction nouvelle venant enfin protéger le secret des affaires et permettant ainsi d’éviter que des préjudices considérables soient causés aux entreprises. Car en effet, est-il nécessaire de rappeler les sombres affaires Valeo ou Michelin pour constater que notre arsenal juridique était jusqu’à présent lacunaire ? L’absence de définition de la notion de secret des affaires empêchait d’incriminer et de condamner de manière satisfaisante le salarié « indélicat » coupable d’espionnage économique.
De nombreuses pistes judiciaires auront été explorées partant de l’infraction de vol, de recel, d’intrusion dans un système informatique, de violation du secret professionnel, d’espionnage ou encore d’abus de confiance. Aucune d’entre elles n’aura été jugée satisfaisante pour protéger les données stratégiques et réprimer un comportement économique agressif, et ce malgré les efforts et la souplesse de la jurisprudence. Pour ces raisons, il devenait indispensable d’octroyer au secret des affaires une définition et de lui conférer une véritable valeur juridique, au même titre que le secret-défense.
Les députés ont tenu à féliciter Bernard Carayon pour son travail et pour sa détermination dans l’élaboration d’un texte nécessaire et attendu. Initiant la discussion générale, le ministre Eric Besson a salué le renforcement de la protection de notre patrimoine économique, scientifique et technologique. Rappelant le travail effectué depuis 2007, il a estimé que la « France conquérante » doit s’appuyer sur la maitrise de l’information stratégique pour ne pas être victime de la guerre économique. Il a affirmé son entier soutien à la création d’une protection opportune venant combler les lacunes du droit français.
Le droit international, par le biais des accords ADPIC, et le Traité UE dans son article 339 protègent déjà le secret des affaires. De manière concrète, le nouveau texte propose d’instaurer un « Espionage Act » à la française afin de combler un vide juridique et de garantir la sécurité économique des entreprises. L’article 1er pose une définition large et exhaustive de la notion de secret des affaires et introduit une peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende dans le Code pénal. Le deuxième article du texte propose de réformer la loi du 26 juillet 1968, dite Loi de blocage, afin de faire face aux procédures judiciaires étrangères agressives et représentant un risque pour les données stratégiques (notamment la discovery américaine). L’article 3 enfin vise à protéger les journalistes détenant des informations secrètes et souhaitant protéger leurs sources.
Si la proposition de loi a rencontré un large consensus, certaines réserves ont tout de même été émises. Le groupe socialiste a ainsi regretté que la définition de l’article 1er soit « floue » et manque de précision. La gauche de la gauche s’est, quant à elle, inquiétée d’une atteinte au droit à l’information et d’une protection insuffisante des journalistes. Le député UMP Verchère s’est par ailleurs interrogé sur la possibilité de prévoir une saisine accélérée des juridictions, d’instaurer un huis clos compte tenu de la nature secrète des informations concernées mais également sur la mise en place d’une retenue en douane des biens créés grâce aux données dérobées. Le député Urvoas enfin a estimé que la protection du secret des affaires parait plus accessible aux grandes entreprises et firmes stratégiques qu’aux PME et TPE qui sont encore peu sensibilisées à ces questions et pour qui le texte risque d’être trop rigide.
D’autres aspects restent encore suspens comme la question de savoir quelle autorité policière et quelles juridictions seront en charge de ces dossiers. En effet, beaucoup ne souhaitent pas voir leurs affaires confiées à des autorités « profanes » dont la culture économique et sécuritaire laisse bien souvent à désirer. La sécurité juridique des salariés doit également être examinée s’il s’agit d’insérer des clauses relatives au secret des affaires dans les contrats de travail.
En tout état de cause, l’adoption de ce texte par la représentation nationale semble apporter enfin une réponse aux difficultés quotidiennes rencontrées par les entreprises détenant des informations sensibles. La nouvelle loi doit permettre de soutenir la compétitivité de nos entreprises et de renforcer l’influence française. Elle doit garantir la sécurité économique et éviter l’ingérence de puissances concurrentes offensives. L’expression « Guerre économique » semble être passée de tabou à réalité acceptée en quelques années. Il aura fallu bien des exemples, ô combien regrettables, avant que des mesures opportunes soient adoptées permettant de lutter à armes égales et sans paranoïa dans la compétition internationale.
Doriane de Lestrange