SNCF - IBM : les fluctuations d’un partenariat touché par une attaque informationnelle

Après de longues pérégrinations, IBM se retire de la joint-venture, nommée  NoviaServ, qu’elle avait créée avec la SNCF. Les résistances internes ont été plus fortes. Néanmoins, si IBM disparait de la direction de NoviaServ, l’outsourcing continue.
Ulysse : c’est le nom que la SNCF a choisi en interne pour son projet de joint-venture avec IBM. Avec cette co-entreprise, la SNCF confiait au géant américain la gestion de la sous-traitance de ses prestations informatiques. Ce contrat, devant s’étaler sur 6 ans pour un montant de 1,6 milliard d’euros, aurait du permettre à la SNCF de réaliser une économie de 290 millions d’euros la première année puis 500 millions d’euros par an les années suivantes. Derrière ce projet, les cheminots ont pensé à une compensation pour le contrat entre Geodis, la branche transport de la SNCF, et IBM signé en 2008.
Le montage de ce projet s’est traduit dans les faits par une filiale 100% SNCF, Stelsia, en charge de passer les commandes à NoviaServ (la joint-venture à 49% IBM et 51% SNCF). L’économie promise sera réalisée via la mise en place de centres de services offshore et nearshore (Inde, Roumanie, Maroc), la réduction du nombre de sous-traitants et l’industrialisation/mutualisation de la sous-traitance. Les entreprises sélectionnées pour la mise en place de ces centres de services sont IBM, Cap Gemini (et sa filiale Sogeti) et Sopra Group.
Depuis sa création en catimini le 23 décembre 2009, le partenariat SNCF-IBM dérive. Le volume d’affaires promis à la signature n’est pas au rendez-vous. La mise en place des centres de services offshore et nearshore patine. Les résistances internes, au-delà même des syndicats, ont été très fortes comme le montre le blog www.cortis.fr, dédié à dénoncer cet accord, créé par un informaticien de la SNCF. Après des négociations non concluantes ces derniers mois, le 7 décembre 2011, un communiqué de la direction de la joint-venture a annoncé la sortie officielle d’IBM du partenariat. La question aujourd’hui porte sur le montant des pénalités demandées par IBM à la SNCF.
Les craintes du personnel portaient essentiellement sur la perte de savoir-faire, la délocalisation d’emplois et sur  la possible création d’une SSII du rail. Cette société  aurait pu revendre l’expérience récupérée auprès de la SCNF à toutes les entreprises rentrant bientôt sur le marché du transport ferroviaire. Prenant en compte le statut d’EPIC (Etablissement Public à caractère industriel ou commercial), les employés et syndicats y voyaient également le risque d’un cas d’école dans le domaine de l’outsourcing pour les autres structures informatiques de l’Etat.
C’est au travers de ces axes qu’a été organisée l’attaque informationnelle contre Big Blue par l’auteur du blog www.cortis.fr. Cette attaque s’appuie sur le passé d’IBM dans des dossiers similaires (BNP Paribas, CMA-CGM). L’attaque se fait en toute légitimité, tant on se demande pourquoi un EPIC pourrait livrer son informatique à une entreprise étrangère. On se demande également pourquoi les pouvoirs politiques français n’interviennent pas quand il s’agit de la délocalisation de plusieurs centaines, voire de milliers d’emplois.
Mais si cette attaque a en partie touché au but, il reste à déplorer que son auteur (www.cortis.fr) ne l’ait pas poussée plus loin. Notamment en insistant sur la délocalisation en cours qui, malgré la sortie d’IBM de NoviaServ, n’est pas remise en cause.