L’émission de France Culture, "La rumeur du monde" diffusée le dimanche 4 décembre comportait une information qui mérite d’être soulignée. Jean Marie Colombani qui est l’un des animateurs de l’émission et a été dans le passé un dirigeant du journal Le Monde, n’avait pas jusqu’à présent la réputation d’appliquer une grille de lecture géoéconomique très critique à l’égard des États-Unis. Son invité était l’ancien Président de la République Valéry Giscard d’Estaing à qui il a demandé s’il existait une guerre des monnaies entre les États-Unis et l’Union européenne. Pour introduire sa question sur la guerre des monnaies, Jean Marie Colombani a fait un rappel sur la stratégie que les États-Unis ont appliqué au Japon dans les années 90 afin de limiter son influence économique et monétaire. A cette époque, le Japon est la deuxième économie mondiale. Il a pris des parts de marché importantes sur le marché intérieur américain et sa monnaie, le yen, peut prétendre à un statut de monnaie de réserve. Libérés des contraintes de la guerre froide (éviter que le Japon ne bascule du côté soviétique), les États-Unis déclenchèrent des mesures de rétorsion à l’égard du Japon qui est entré dans une phase de stagnation de 20 ans, et dont sa monnaie, le yen, a été marginalisée sur la scène internationale. Comme les États-Unis ne peuvent se permettre d’avoir une Union européenne qui menace leur statut de superpuissance économique, Jean Marie Colombani établit un parallèle avec la situation actuelle en demandant à Giscard d’Estaing si les Etats-Unis ne nous appliquent pas la même recette qu’au Japon : pratiquer une politique du dollar très faible, minorer la part de l’euro et renforcer l’agressivité commerciale. La réponse de Giscard d’Estaing qui fut un président très atlantiste, est intéressante car il reconnait que les milieux bancaires américains cherchent à affaiblir l’euro. Cette réponse ambigüe souligne le changement de relation qui est en train de s’opérer entre les deux zones pivots du monde occidental. Comme en guerre militaire, un empire ne peut se battre sur deux fronts en guerre économique du temps de paix. Les États-Unis préfèrent concentrer leur attention sur la Chine et ne pas avoir l’Union européenne dans le dos en la marginalisant par une déstabilisation de l’euro et en entretenant un débat permanent sur les risques générés par la dette des pays d’Europe du Sud. C’est un jeu dangereux qui risque de leur coûter très cher à moyen terme et effacer les traces positives de leur contribution essentielle à la libération de l’Europe du joug nazi.