Les bios cosmétiques, un choix de consommation controversé

L’engouement des Français en matière d’écologie et de bien être n’est plus à démontrer ; il ne se passe pas un jour sans que les maitres mots qualité, produits naturels, transparence, respect de la biodiversité soient prononcés. L’intérêt pour la protection de l’environnement et la consommation de produits naturels ou issus de l’agriculture biologique ont permis le développement d’un marché en croissance de 15% par an, depuis 2001, et qui représente 2 % du marché de l’alimentaire en France. Devant le succès du concept bio, le secteur de la beauté a naturellement investi dans des produits  « bio et durable ». A titre d’illustration, l’Oréal a racheté le laboratoire drômois Sanoflore (15 millions d’euros de CA) avec l’ambition de l’amener à l’égal de La Roche Posay (plus de 300 millions de CA). L’association « bio » et « produits de beauté » est un nouvel Eldorado. Relativement deux fois plus grand que le marché des produits alimentaires écologiques, le marché de niche des bios cosmétiques progresse de 20% par an en Europe et positionne la France comme étant le troisième principal débouché en Europe.
Initialement prévu pour des consommateurs qui souffraient d’allergies ou d’irritations et qui donc recherchaient des produits naturels, exempts de conservateurs tels que le parabens ou le phénoxyéthanol, voire sans émulsifiant du type polypropylene glycol qui est connu pour sa toxicité pour l’environnement, les bios cosmétiques se sont vu attribuer des vertus de soins et de préservation des écosystèmes biologiques. La plupart des cosmétiques conventionnels sont fabriqués à partir d’ingrédients synthétiques ou, parfois, d’origine animale. Outre les éventuels effets néfastes pour l’être humain, les différents procédés utilisés pour la fabrication des cosmétiques issus de la pétrochimie nuisent gravement à l’environnement. Dans ce contexte d’insécurité sanitaire, les cosmétiques biologiques répondent à un besoin de tranquillité et d’assurance qualité des consommateurs. Les marques et les pouvoirs publics ayant bien compris le message ont proposé des certifications et des labels verts pour garantir le contenu et l’attractivité des produits.
Pour éviter les soupçons traditionnels pesant sur les cosmétiques ainsi que pour repositionner les marques, les entreprises n’ont pas échappé à ce besoin de mettre en avant leur différence à travers notamment des références, des logos et des labels de types Ecocert ou Cosmébio en France. Cette tendance a gagné tous les pays européens qui ont aussi leur propre label : Soil Association (Royaume-Uni), Eco Garantie (Belgique), AIAB (Italie) et BDIH (Allemagne). Le marché unique européen a permis l’arrivée de produits cosmétiques écologiques provenant de tous les pays européens.
Pour des raisons de coûts, chaque entreprise arrive sur un marché étranger donc, avec son portefeuille de produits labellisés nationalement, sans que les consommateurs locaux puissent avoir un moyen de comparaison ni même posséder des garanties  portant sur la présence de principes actifs à plus de 5%, de corps gras issus du végétal, d’émulsionnants dérivés de sucres et de matières premières, ainsi que des  conservateurs naturels avec un affichage lisible…. Cette situation résulte du fait que les cahiers des charges d’organismes certificateurs  sont loin d’être identiques d’un pays à l’autre, si bien que l’on ne peut pas savoir si un produit estampillé bio comprend ou pas des ingrédients bios. Et s’il en comprend, il n’est pas toujours possible de différencier les proportions de ces mêmes ingrédients, au risque pour le consommateur d’être abusé et d’acheter un produit utilisant à plus de 95% de l’eau et du sucre naturel (principal ingrédient biologique) avec moins de 5% de principes actifs bien qu’il se présente comme étant écologique ce qui est la caractéristique qui justifie un prix deux à trois fois supérieur à celui d’un cosmétique conventionnel.
Au surplus, contrairement aux médicaments, les bios cosmétiques ne sont pas soumis à autorisation de mise sur le marché, ni d’ailleurs les cosmétiques standards. L’entreprise productrice est seulement tenue de ne pas utiliser les substances figurant sur une liste décidée par les autorités sanitaires. Si  bien qu’aucun test de toxicité chronique ou d'effet de perturbation liée aux équilibres hormonaux n'est obligatoire, sauf cas particulier pour certaines substances utilisées. Et plus encore, Il n'y a pas non plus d’obligation de considérer de façon spécifique les risques pour les enfants notamment les moins de 3 ans et pour lesquels on peut craindre des effets retardés et dissimulés sur leur santé arrivés à l’adolescence.
Si les cosmétiques bios apparaissent comme une alternative aux besoins des consommateurs et à la réduction des impacts de nuisance en termes de santé et de protection de l’environnement, les industriels du secteur  gagneraient à agir pour une harmonisation de la réglementation concernant les labels verts et à communiquer sur la prise en compte des risques sanitaires pour éviter l’émergence d’effets de leurs produits au niveau de la santé des consommateurs ainsi que sur la réputation de leurs capital marque.