Les ambiguïtés du positionnement de Bombardier en France

Le Groupe canadien Bombardier est leader mondial de l'industrie ferroviaire. Longtemps contenu en France par son concurrent local Alstom, Bombardier a depuis 2006 obtenu des résultats significatifs ayant émus les défenseurs des intérêts économiques nationaux.  Des résultats qui doivent conduire à s'interroger sur la pertinence de la stratégie et des politiques menées sur le territoire national pour assurer l'avenir de la filière ferroviaire française. La toute prochaine attribution du marché de la rénovation du Tramway de Lille fournira un nouvel indicateur dans ce domaine. Alstom, domine encore largement le marché du matériel ferroviaire français sur la majorité des segments de marché, grandes lignes, grande vitesse, ferroviaire urbain, RER et Tramways. Dominer son propre marché national constitue naturellement pour un acteur comme Alstom une condition nécessaire pour être légitime et crédible à l'exportation.
Aussi lorsqu’en 2006  le marché du Transilien (1,8 milliard d’euros) est attribué à Bombardier au détriment d'Alstom, Bernard Carayon qualifie cette décision "d'antipatriotisme économique". Depuis cette interpellation, et malgré les innombrables incidents techniques subis par les usagers depuis la mise en circulation de la première rame en 2009, la SNCF semble se fixer comme règle de conduite une répartition de ses marchés entre les deux acteurs : A Alstom le marché des TER à un niveau (octobre 2009), à Bombardier celui des TER à deux niveaux (février 2010, pour un marché estimé à 8 milliards d'euros).
Pour Bombardier, la greffe sur le marché français semble avoir définitivement pris.
Il est légitime de s'interroger sur la pertinence de la stratégie menée depuis 2005 dans le domaine ferroviaire par les responsables politiques et économiques, locaux et nationaux.
Cette stratégie consiste à ouvrir systématiquement à ce constructeur Nord Américain les portes de l'ensemble des programmes d’études et de recherche sur l'avenir du ferroviaire français.
Initiée avec la participation de Bombardier dès 2005 au pôle de compétitivité mondial i-Trans situé dans les régions Nord Pas de Calais et Picardie, cette démarche s'est régulièrement poursuivie jusqu'aux deux exemples les plus récents:

  • Juin 2011 : proposition de plusieurs parlementaires français, de droite comme de gauche, de créer un « géant Européen du ferroviaire » incluant Bombardier.

  • Septembre 2011: tenue des assises du  ferroviaire, organisées par le ministère de l’Écologie, du Développement durable, du Transport et du Logement visant à ouvrir un débat national sur l'avenir du modèle français. Bombardier est à nouveau associé aux travaux.


Si cette démarche facilite naturellement l’immersion locale de Bombardier, constitue-t-elle la meilleure façon de favoriser les intérêts des industriels ferroviaires français? N’a-t-elle pas pour résultat de brouiller les références en donnant progressivement à Bombardier toutes les apparences d’un constructeur « français » ?
Dans les tous prochains jours devrait être connu le résultat de l'appel d'offre de la rénovation du tramway de Lille, "le Mongy".
Bombardier n'est que faiblement implanté sur le marché français du tramway, largement dominé par Alstom. Il a donc décidé de viser le marché de la rénovation de matériels concurrents et s'est associé pour cela à deux PME françaises locales. Sur cet appel d’offre il fait notamment face à Alstom, représenté par sa filiale Brissonneau et Lotz, concepteur du Mongy. Pour Bombardier la démarche est claire « le tramway de Lille est un premier marché qui en appellera d’autres et qui nous permettra d’élargir le périmètre au-delà du Nord-Pas-de-Calais pour faire de ce trio un champion national, voire international, du marché de la rénovation ».
Les prochains jours diront si la perspective de voir un jour, sur le sol français, un futur « champion national » nord américain est envisageable.