La Sonangol et les enjeux du pétrole angolais

Aux vues des ressources naturelles que possède le continent,  l’Afrique est de plus en plus convoitée. Depuis que l’Angola connaît une relative stabilité politique, les compagnies étrangères, sous supervision de la Sonangol, se pressent pour profiter du pétrole angolais.

Sonangol un État dans l’État

La compagnie Sonangol a vu le jour au lendemain de l’indépendance de l’Angola en 1976. Construite à partir de la nationalisation d’entreprises occidentales déjà présentes, Sonangol devient une entreprise publique avec pour mission de valoriser les ressources en pétrole et gaz naturel de l’Angola. Sonangol joue le rôle à la fois de compagnie pétrolière et de concessionnaire représentant les intérêts du pays. Elle est responsable à elle seule de prés de 45 % des exportations du pays et 1/3 du PIB angolais. Il s’agit de la plus importante compagnie du pays et d’une des entreprises les plus influentes d’Afrique prenant de plus en plus d’importance à l’étranger comme l’illustre sa politique de diversification dans les pays lusophones. L’organisation de l’entreprise est relativement compliquée ; elle est décrite par plusieurs observateurs comme très peu transparente. D’une manière générale, Sonangol EP (EP étant l’acronyme pour entreprise publique) est le premier client d’une trentaine de filiales spécialisées (logistique, exploration, investissement…). De plus les sociétés étrangères ne pouvant pas investir directement dans le pays celles-ci sont obligées de créer des coentreprises permettant à Sonangol de toujours rester majoritaire.

Le centre décisionnel de l’entreprise est son conseil d’administration. Composé de six administrateurs et d’un président, le CA est désigné par le conseil des ministres sur recommandation du ministre du Pétrole et du ministre des Finances. Il est admis des observateurs que les nominations au conseil d’administration de Sonangol ont toujours plus d’importance que les nominations ministérielles. Il est en effet possible d’observer que l’entreprise à bien plus de pouvoir que les acteurs politique. Les transferts de poste se font quasiment tous de Sonangol vers l’appareil de l’État renforçant à chaque fois la main mise de l’entreprise publique sur le pays. Comme l’illustre la nomination de  Syanga Abilío alors vice-président de Sonangol au poste de vice -ministre de l’Environnement lors de la dernière modification du CA en 2008. Mais le meilleur exemple reste celui du Manuel Vicente l’actuel président du conseil d’administration de Sonangol. Bien qu’étant accusé d’avoir, en 2008,  transféré 1 % de Sonangol EP en son nom propre, opération interdite par la loi angolaise, sans aval du conseil d’administration et officieusement réprimée par le président actuel du pays José Eduardo dos Santos, ce dernier, à la tête du pays depuis 32 ans et qui a réussi à faire changer la constitution pour continuer à le diriger jusqu’en 2022, à finalement intronisé début septembre Manuel Vicente comme son successeur pour les élections présidentielles de 2012.

CIF : le visage de la Chine en Angola

La Chine est depuis longtemps présente politiquement en Angola. Dés 1983 Pékin organise une coopération économique en s’appuyant sur un discours de commerce entre pays émergents. Ainsi malgré la présence des majors pétrolières occidentales la SINOPEC, une des principales compagnies pétrolières chinoises,  a réussi en 2006 à entrer en Angola. Produisant aujourd’hui près de 23 % du pétrole angolais, le pays est le premier fournisseur de pétrole brut de la Chine. En parallèle des habituels “soft loan” attribués par la Chinese Export Import Bank et de la capacité industrielle de la SINOPEC, cette remarquable progression de la présence chinoise en Angola est en grande partie due à un acteur peu connu du grand publique : la China International Fund (CIF) ayant son siégé social au 88 Queensway à Hong-Kong.
Le « Quensway 88 » est une nébuleuse où plus d’une centaine de sociétés sont enregistrées. L’opacité est telle que le Congrès américain a récemment lancé une enquête à son sujet. L’un des personnages clés de cette structure est un certain M. Sam Pa. En 2002, à la sortie de la guerre civile, l’Angola ne voulant pas se voir imposer des élections libres et démocratiques ou bien les règles libérales prônées par le FMI, et se tourne vers la Chine. C’est à ce moment-là que M. Sam Pa et Manuel Vincente vont planifier la présence chinoise en Angola pour les années à venir. Un montage financier est réalisé afin que dés 2005, la quasi-totalité du pétrole angolais soit réservé à la Chine. Le pétrole est donc acheté au prix de 2005 soit 55 $ le baril et revendu à la Chine par l'intermédiaire du CIF au prix du marché –prix de vente qui a depuis connu une importante augmentation-. En échange et grâce à ces profits faramineux, le CIF finance des travaux colossaux (des milliers de kilomètres de routes, trois chemins de fer, deux ports, des milliers de logements…). Rien qu’en 2010 il est estimé que près de 20 milliards de dollars de pétrole ont ainsi transité entre M. Vincente et M. Sam Pa. Finalement, il est intéressant de noter que le CIF n’est pas un appareil l’État chinois : certains officiels Chinois ne le soutiennent pas et vont même jusqu'à le critiquer, et ce bien que cette organisation soit incroyablement puissante pour promouvoir la présence chinoise en Angola et en Afrique en général.


Le Brésil entre histoire et modernité

La stratégie du Brésil en Angola vise d’une part à sécuriser ses approvisionnements, assurer des débouchés pour son économie, mais aussi à garantir la sécurité de l’Atlantique Sud (plate forme pétrolière, ligne de communication, marine…). À travers l’entreprise Petrobras, le Brésil s’affirme petit à petit comme un acteur important en Angola. Dans un premier temps, Brasilia à mis en place une politique Sud/Sud. Le Brésil se veut un acteur global défendant les intérêts des pays du Sud face aux puissances européennes, américaine et chinoise. Aussi sa place d’outsider en Angola par rapport aux autres puissances étrangères ne lui est que favorable. Cette politique fonctionne bien en Afrique, particulièrement dans les pays de langue lusophones (Angola, Cap-Vert, Mozambique, Guinée-Bissau, São-Tome et Principe). En Angola, le Brésil met en avant ses liens historiques et culturels avec le pays en avançant que les deux pays ont dans le passé fait face aux mêmes épreuves et que maintenant il est logique de se soutenir mutuellement.  De plus, la maîtrise des dernières technologies de forage permet à Petrobras d’être un acteur sérieux dans la couse à l’or noir angolais. La compagnie s’est montrée intéressée par les champs pétrolifères en eau profondes et ultra profondes au large des côtes angolaises qui représentent un des principaux enjeux dans un futur proche.


La France malgré tout présente

La relation entre Luanda et Paris par l’intermédiaire de Total est un parfait exemple de stratégie d’obtention de puissance grâce aux ressources naturelles. L’affaire de l’Angolagate mise à  jour en France a sérieusement détérioré les relations entre les deux pays ; ainsi l’Angola a tout simplement retiré à Total le droit d’exploitation de l’important bloc 3/80 –bloc que la compagnie française détenait depuis 20 ans- pour le donner à la SINOPEC. Rappelant ainsi aux Français que l’Angola est devenu leur premier fournisseur en pétrole en Afrique subsaharienne représentant approximativement 10% de leurs importations. Néanmoins, Total assure toujours 17% de la production angolaise, se classant troisième derrière Chevron et Sinopec. L’entreprise française est capable de garder un rôle significatif, et ce pour plusieurs raisons : la promesse de création d’infrastructures dans le pays -en particulier des écoles et hôpitaux-, la présence d’un réseau de diplomates et d’hommes d’affaires ayant toujours entretenu des relations entre les deux pays et qui malgré l’épisode de l’Angolagate est de nouveau encouragé à revenir investir dans le pays comme l’illustre la visite organisée par le Medef le 14 octobre dernier et évidement l’avancé technologique que la multinationale française possède lui permettant d’opérer efficacement en grande profonde comme le montre le démarrage en avance de la production du prometteur champ pétrolier Pazflor.