Un reportage à contrecourant du plaidoyer pro-taliban

Les reportages des journalistes français, pigistes postés à Kaboul, sur l’Afghanistan sont généralement imprégnés d’une pesanteur talibane. L’explication est simple. Ils doivent dialoguer pour ne pas être black lister par les porte paroles talibans et de ce fait « afficher une certaines neutralité » dans leur compte rendu de la situation. Lorsqu’ils souhaitent faire des reportages, ils doivent payer des intermédiaires pro-talibans qui les mettent en rapport avec les groupes qui opèrent contre l’armée afghane et les forces de l’Otan.

 

Même si leurs propos ont été filtrés, le résultat est plus proche de la réalité que les reportages dans le camp ennemi avec l’assentiment des talibans. Ces derniers ne parlent pas, ne font que des commentaires orientés en termes de propagande. Maxime et Tony ne pratiquent pas la langue de bois. Ils n’hésitent pas à dire qu’ils ne sont pas contents de la manière dont la hiérarchie militaire les a traités à leur retour. On assiste aussi à une scène qui sort des sentiers battus de la communication de l’Otan : un hélicoptère américain tire par erreur sur des éléments français et blesser trois de nos soldats. Montrer la guerre à partir d’images prises sur le vif, c’est réussir à sortir des stéréotypes du journaliste qui demande à un soldat américain durant l’offensive du Têt : « Avez-vous peur ? ». Dans le reportage de France 2, on découvre des soldats français pris sous le feu de l’ennemi et qui ne sont pas figés dans la peur.

La volonté de se battre, de faire la guerre est une image qu’on avait perdue de vue dans la psychologie occidentale depuis la guerre d’Indochine. Les soldats Maxime et Tony ne sont pas dupes de la sauvagerie talibane. Ceux qu’on qualifie dans les points presse d’insurgés sont d’abord et avant tout des ennemis qui cherchent à les tuer ou à les blesser. Les talibans recourent systématiquement aux boucliers humains en fuyant pour trouver un abri dans les villages afin de gêner les tirs d’hélicoptère ou les frappes aériennes. Un bouclier humain mort, c’est une famille de plus qui s’opposera aux forces d’occupation.

Les camarades de Maxime et Tony ont aussi des réflexions cyniques sur les Afghans, le régime et son armée. Ces attitudes contreproductives en termes de propagande sont conformes à ce que les maoïstes nommaient pudiquement au temps de la guerre froide les contradictions au sein du peuple. On imagine les commentaires des familles afghanes qui assistent aux massacres ou aux règlements de compte entre clans et factions opposées de leur pays.