La défaite en rase campagne d’une PME « sensibilisée » à l’IE

En 1997, éclate l’affaire belvédère. Une PME est attaquée par la guerre de l’information par un concurrent américain. Ce cas a été révélé par le quotidien Le Monde. En juillet 2008, Belvédère a été placé en procédure de sauvegarde afin de rééchelonner sur dix ans la dette du groupe, évaluée à près de 580 millions d'euros fin 2009. Début 2011, les créanciers de Belvédère ont saisi la justice française, estimant que le groupe ne respectait pas le plan de sauvegarde négocié en 2008.
D’après l’Usine nouvelle, « la cour d'appel de Dijon a confirmé le 7 juin dernier la fin du plan de sauvegarde. Le 1er juillet, le tribunal de commerce de Nîmes décide d'étendre une procédure de sauvegarde concernant une filiale de Belvédère, la maison de vins Moncigale à Beaucaire (Gard), au groupe lui-même. Ce même tribunal, deux mois et demi plus tard, a décidé de placer Belvédère dans son ensemble en redressement judiciaire».

Résumé de l’affaire :
A l’époque, la Société Belvédère implantée en Bourgogne. Elle fabrique des bouteilles, plus particulièrement de vodka, pour une distillerie polonaise qui est la Polmos Zirardow (Varsovie). La Millenium Import Company (MIC), importatrice des bouteilles aux États-Unis,  considèrera que les droits de Belvédère S.A. avaient été octroyés illégalement car sans échange de contrepartie d'actifs et que c'est à bon droits qu'elle pouvait contester la propriété de la-dite marque. Une véritable guerre commerciale opposa Belvédère S.A à la MIC qui fut à l’origine d’une vingtaine de procès contre Belvédère aux États-Unis.
La Millenium décida de confier la mission à la société américaine de management de crise, Edelman, afin de réaliser un site Internet pour informer les actionnaires des malversations de Belvédère S.A. en Pologne. Le site a été lancé le jour même de la présentation des comptes semestriels de Belvédère S.A. et de la mise en cotation en continue de son titre au second marché (ndlr : plus forte progression en 1997). Ce site a été diffusé grâce à la base de données aux décideurs (côté vendeur), aux actionnaires et aux organes de presse comme la Tribune et les Échos. En quelques jours, le titre de belvédère perdit une grande partie de sa valeur en passant de 1430 FRF à 470 FRF. Cette étude de cas fut présentée au premier colloque organisé par l’Ecole de guerre économique à l’UNESCO au cours duquel le patron de Belvédère vint exposer son cas.
Les étudiants de l’EGE qui travaillèrent sur cette étude de cas constatèrent que la communication de Belvédère S.A. était inefficace et ce pour de multiples raisons. Jacques Rouvroy, dirigeant de Belvedere S.A. a considéré qu'il était inopportun d'utiliser internet comme outil de contre argumentation. Pourtant, la création d'un site officiel aurait pu éviter la chute des cours et servir de relais aux journalistes. Quinze ans plus tard, le PDG de Belvédère explique sa défaite en accusant de nouveau la concurrence. "Ce n'était pas notre souhait. Belvédère se porte bien. Notre marque de vodka Sobieski progresse en Pologne, mais nous sommes victimes de la guerre économique que nous livre notre concurrent OakTree Capital, un hedge fund américain qui a racheté une partie de notre dette à 20% de sa valeur et veut désormais saisir nos actifs". Mais il a perdu. L’analyse de la défaite mérite d’autres éclairages. Belvédère a échoué parce que cette entreprise n’a pas su se donner les moyens de se battre dans un rapport du faible au fort. Son patron aurait pu bénéficier d’un élan réel de sympathie dans un certain nombre de milieux qui n’attendaient qu’un signe pour l’aider. Il ne s’est pas tourné vers ce soutien alors que son affaire était un cas d’école.