Le 10 août 2011, consécutivement à une rumeur véhiculée sur Twitter et dans la presse, l'action Société Générale perd 14,7% à la Bourse de Paris. Digne de la rumeur d'Orléans, celle dont est victime la Société Générale est particulièrement redoutable dans le contexte actuel. Si la rumeur n'est autre qu'une information répandue et amplifiée jusqu'à en devenir une vérité acceptée, elle aussi est une forme de tromperie, aux conséquences parfois dévastatrices.
En avril 1969, une rumeur abracadabrante se fait jour dans la ville d'Orléans : celle-ci concerne la disparition de jeunes filles. Plusieurs magasins de lingerie féminine auraient des cabines d'essayage piégées dans lesquelles les clientes sont enlevées pour être livrées à un réseau de prostitution. Bien entendu, ces magasins étaient tous tenus par des commerçants juifs! Mais la rumeur ne s'arrête pas là : les clientes captives sont embarquées à bord d'un sous-marin qui plonge dans les profondeurs de la Loire vers une destination inconnue. Grâce au bouche à oreille dans un premier temps, la rumeur eut ses heures de gloire dans la presse, tant locale que nationale. Les explications sont ensuite venues conforter les thèses les plus diverses : le complot antisémite, le sentiment de culpabilité catholique, le culte de la « pucelle » d'Orléans et même la démission de Charles de Gaulle! Le sociologue Edgar Morin y voit, quant à lui, une réaction à l'émancipation sexuelle issue des revendications de mai 1968. Quarante ans plus tard, en mai 2009, Edgar Morin est à nouveau interrogé pour Le Point (La rumeur d'Orléans, quarante an après). Pour ce dernier, la rumeur catalyse l'angoisse. L'angoisse amène donc la rumeur qui elle-même engendre un sentiment de peur, à son tour générateur d'angoisse : une sorte de spirale amplificatrice du phénomène. A ce titre, une dame s'exprimait ainsi quant à la rumeur d'Orléans dans un commentaire relatif à l'article susmentionné : « A l'époque, j'arrivais dans cette ville. Immédiatement, on essaya de me faire peur avec ces rumeurs » La vérité acceptée, née de la rumeur, faisait donc partie intégrante de l'imaginaire collectif local au point d'être inculquée aux nouveaux arrivants!
Cette digression sur la rumeur d'Orléans reprend aujourd'hui, en août 2011, un caractère tout à fait actuel. Grande banque française, la Société Générale se retrouve confrontée à la rumeur et son titre décroche de plus de 14% en une journée à la Bourse de Paris. L'explication se trouve dans un article de l'édition dominicale du journal britannique « Daily Mail », le « Mail on Sunday » du 07 août 2011. Cet article, retiré le 08 août 2011, indiquait que la Société Générale était « au bord du désastre après d'énormes pertes » en Grèce. Cette information serait issue d'une « fiction politique » publiée dans le journal « Le Monde », intitulée « Terminus pour l'euro ». Le tout, bien entendu, diffusé à grande échelle par échanges de « twitt »! Ainsi, deux hypothèses peuvent être mises au jour : soit le rédacteur de l'article du « Mail on Sunday » a pris son rôle à la légère et a tout simplement repris une information sans en vérifier la source, soit il s'agit d'une réelle attaque informationnelle ayant pour cible la Société Générale. Quelle que soit l'hypothèse retenue, le résultat est éloquent : un décrochage impressionnant du titre en Bourse.
La rumeur est une arme de guerre économique à part entière et c'est la Société Générale qui, cette fois, en a fait les frais. Le développement des moyens de communication, la rapidité de transmission de l'information et l'immédiateté des réponses à l'information reçue font de la rumeur une arme redoutable. A l'instar de la rumeur d'Orléans, la rumeur qui a touché la Société Générale s'inscrit dans un contexte d'angoisse et de peur quant aux marchés financiers. La rumeur, ainsi perçue par le plus grand nombre, c'est transformée en vérité acceptée entraînant une réaction en chaîne conduisant à la chute du cours de l'action. L'instantanéité de cette réaction est difficile à contrecarrer pour une entreprise. Il s'agit d'une vulnérabilité des plus critiques que tous les dispositifs d'intelligence économique ont à prendre en compte, malgré sa « volatilité ». Toute la difficulté est que les actions préventives relatives à la rumeur ne peuvent reposer que sur un dispositif de détection des signaux faibles. Bien qu'un tel dispositif soit nécessaire, la gestion de la rumeur relève plus particulièrement du plan de gestion de crise et de la gestion de crise elle-même.
Quelle que soit l'origine de la rumeur dont à été victime la Société Générale, elle a constitué une atteinte à l'entreprise. La rumeur a trouvé, et continuera de trouver, dans l'angoisse et la peur (engendrées aujourd'hui par la diffusion d'informations financières) un terreau fertile dans lequel elle se développe avec aisance et rapidité. La vigilance s'impose...
Stéphane Mortier
En avril 1969, une rumeur abracadabrante se fait jour dans la ville d'Orléans : celle-ci concerne la disparition de jeunes filles. Plusieurs magasins de lingerie féminine auraient des cabines d'essayage piégées dans lesquelles les clientes sont enlevées pour être livrées à un réseau de prostitution. Bien entendu, ces magasins étaient tous tenus par des commerçants juifs! Mais la rumeur ne s'arrête pas là : les clientes captives sont embarquées à bord d'un sous-marin qui plonge dans les profondeurs de la Loire vers une destination inconnue. Grâce au bouche à oreille dans un premier temps, la rumeur eut ses heures de gloire dans la presse, tant locale que nationale. Les explications sont ensuite venues conforter les thèses les plus diverses : le complot antisémite, le sentiment de culpabilité catholique, le culte de la « pucelle » d'Orléans et même la démission de Charles de Gaulle! Le sociologue Edgar Morin y voit, quant à lui, une réaction à l'émancipation sexuelle issue des revendications de mai 1968. Quarante ans plus tard, en mai 2009, Edgar Morin est à nouveau interrogé pour Le Point (La rumeur d'Orléans, quarante an après). Pour ce dernier, la rumeur catalyse l'angoisse. L'angoisse amène donc la rumeur qui elle-même engendre un sentiment de peur, à son tour générateur d'angoisse : une sorte de spirale amplificatrice du phénomène. A ce titre, une dame s'exprimait ainsi quant à la rumeur d'Orléans dans un commentaire relatif à l'article susmentionné : « A l'époque, j'arrivais dans cette ville. Immédiatement, on essaya de me faire peur avec ces rumeurs » La vérité acceptée, née de la rumeur, faisait donc partie intégrante de l'imaginaire collectif local au point d'être inculquée aux nouveaux arrivants!
Cette digression sur la rumeur d'Orléans reprend aujourd'hui, en août 2011, un caractère tout à fait actuel. Grande banque française, la Société Générale se retrouve confrontée à la rumeur et son titre décroche de plus de 14% en une journée à la Bourse de Paris. L'explication se trouve dans un article de l'édition dominicale du journal britannique « Daily Mail », le « Mail on Sunday » du 07 août 2011. Cet article, retiré le 08 août 2011, indiquait que la Société Générale était « au bord du désastre après d'énormes pertes » en Grèce. Cette information serait issue d'une « fiction politique » publiée dans le journal « Le Monde », intitulée « Terminus pour l'euro ». Le tout, bien entendu, diffusé à grande échelle par échanges de « twitt »! Ainsi, deux hypothèses peuvent être mises au jour : soit le rédacteur de l'article du « Mail on Sunday » a pris son rôle à la légère et a tout simplement repris une information sans en vérifier la source, soit il s'agit d'une réelle attaque informationnelle ayant pour cible la Société Générale. Quelle que soit l'hypothèse retenue, le résultat est éloquent : un décrochage impressionnant du titre en Bourse.
La rumeur est une arme de guerre économique à part entière et c'est la Société Générale qui, cette fois, en a fait les frais. Le développement des moyens de communication, la rapidité de transmission de l'information et l'immédiateté des réponses à l'information reçue font de la rumeur une arme redoutable. A l'instar de la rumeur d'Orléans, la rumeur qui a touché la Société Générale s'inscrit dans un contexte d'angoisse et de peur quant aux marchés financiers. La rumeur, ainsi perçue par le plus grand nombre, c'est transformée en vérité acceptée entraînant une réaction en chaîne conduisant à la chute du cours de l'action. L'instantanéité de cette réaction est difficile à contrecarrer pour une entreprise. Il s'agit d'une vulnérabilité des plus critiques que tous les dispositifs d'intelligence économique ont à prendre en compte, malgré sa « volatilité ». Toute la difficulté est que les actions préventives relatives à la rumeur ne peuvent reposer que sur un dispositif de détection des signaux faibles. Bien qu'un tel dispositif soit nécessaire, la gestion de la rumeur relève plus particulièrement du plan de gestion de crise et de la gestion de crise elle-même.
Quelle que soit l'origine de la rumeur dont à été victime la Société Générale, elle a constitué une atteinte à l'entreprise. La rumeur a trouvé, et continuera de trouver, dans l'angoisse et la peur (engendrées aujourd'hui par la diffusion d'informations financières) un terreau fertile dans lequel elle se développe avec aisance et rapidité. La vigilance s'impose...
Stéphane Mortier