Deux priorités de l’intelligence économique à l’horizon 2012

Au lieu d’unifier le village planétaire, la mondialisation des échanges a durci les relations économiques entre pays. Si les financiers et les entreprises semblent pour l’instant en être les forces motrices principales, les enjeux de puissance perturbent de plus en plus les dynamiques concurrentielles à cause de la pénurie des ressources, des spéculations anarchiques sur les matières premières, des déséquilibres industriels et des dépendances parfois risquées qu’ils génèrent, sans oublier les stratégies d’entrisme des fonds souverains et les manœuvres occultes des économies criminelles. Le discours sur la relance de la croissance et l’attractivité d’une économie ne peuvent plus être les seule réponses à cette floraison de rapports de force et d’antagonismes géoéconomiques. Une posture plus réactive devient nécessaire en termes de puissance.

Comprendre la différence de dynamique de puissance selon les cultures nationales

L’exemple de l’’Inde dans sa recherche de leadership dans l’industrie informatique est à cet égard particulièrement démonstratif. La réforme scolaire instaurée en 1993 à 2004 a été un des piliers de la stratégie de puissance indienne à propos de son choix de développement dans le leadership de l’industrie informatique. Le gouvernement fédéral indien décida à cette époque de supprimer les matières littéraires au profit des mathématiques et de la finance. L’objectif était de privilégier ces deux matières pour former un  maximum de techniciens et d’ingénieurs informatiques.
Cette politique s’appuyait aussi sur la transformation de la ville de Bangalore en capitale de la haute technologie. Cette ville fut choisie pour ses conditions climatiques : c’est un des rares endroits en Inde où la mousson est de faible amplitude.
La démarche a été semblable pour le choix de la ville de Puné qui se spécialise de plus en plus dans le domaine de la finance liée aux technologies de l’information.
L’Inde a une vision différente du temps. A titre d’exemple, les contrats sur les concessions minières peuvent porter sur une durée de plus d’un  siècle. La tradition place la notion de contrat au-delà de la perspective de vie de celui qui le signe.
L’Inde a une approche très réaliste de l’hyper compétitivité (équivalent de guerre économique). Système ultra protectionniste verrouillé par le Droit et la composition sociologique des familles qui sont à la tête des empires industriels.

Cerner les stratégies de conquête économique.

La politique de la Chine dans les énergies renouvelables prouve que l’innovation n’est pas une solution suffisante pour préserver l’avenir des économies occidentales.
L’exemple de l’éolien (intervention d’Emmanuel Meneut au séminaire de recherche de l’EGE sur la sécurité énergétique de la Chine1990 à 1995 : pas de taxes sur les importations. 1995-1997 : régime très dur sur les importations qui permet l’émergence d’entreprises chinoises dans l’éolien. 1998-2008 : levée des taxes à l’importation. Augmentation du chiffre d’affaires des entreprises chinoises de 200 à 300%. Création d’un capital technologique chinois. A partir de 2008, réinstauration de taxes d’importation sur les petites turbines. Aujourd’hui, les Chinois construisent 70% des éoliennes installées sur leur sol. Les cinq premiers constructeurs mondiaux d’éoliens sont chinois. Forte progression dans l’éolien off shore. Les technologies chinoises sont 20% moins chères. Les marchés allemands et américains sont les marchés cibles pour les exportations chinoises. Idem pour le photovoltaïque et le solaire. Le dumping sur les prix oblige les leaders allemands et américains dans le solaire à délocaliser partiellement en Chine. Ce plan a été mis en place cadre incitatif, contraignant et protecteur depuis le 8è plan quinquennal lancé en 1991. Culture stratégique qui vise le moyen terme et le long terme.

 


Emmanuel Meneut est chercheur en Géopolitique de l’énergie à la Faculté des Sciences Sociales et Economiques de l’Institut Catholique de Paris.