Dans le flot médiatique de ces derniers jours, l’annonce est passée complètement inaperçue. La France renoue enfin avec le succès dans cette discipline si difficile et injuste qu’est l’organisation de manifestations sportives mondiales. Après l’échec cuisant de Paris 2012 face à « l’ennemi intime » anglais et la ville de Londres, le signe indien est vaincu ! Le congrès et la 66ème Assemblée Générale du conseil international du sport militaire à Séoul a désigné Annecy comme ville organisatrice des 2ème Jeux Mondiaux Militaires d’Hiver en mars 2013.
Un pied de nez à tous ces esprits chagrins qui voient à travers ces échecs la confirmation de la disparition de la France sur la scène mondiale, à tous ceux qui ne conçoivent l’organisation de ces compétitions uniquement comme le résultat de jeux d’influence de toutes natures ou le « bon et beau dossier technique bien ficelé » a de moins en moins sa place !
Il faut bien reconnaitre que certaines décisions peuvent le laisser croire : Chine (JO d’été, 2008), Brésil (Coupe du monde de football, 2014 ; JO d’été, 2016), Afrique du Sud (Coupe du Monde football, 2010), Russie (Championnat du monde d’athlétisme, 2013 ; JO d’hiver, 2014). C’est curieux, il ne manque plus que l’Inde pour « s’imaginer » que la prime à l’organisation d’évènements sportifs planétaires serait systématiquement confiée aux fameux pays émergeants ou zones émergeantes sans tenir compte des critères habituels qui font le célèbre « bon et beau dossier technique bien ficelé » d’antan !
Le trouble se renforce à la lecture d’un article paru dans Le Monde le 12 mai dernier intitulé « Coupe du monde 2014, JO 2016…..le Brésil a-t-il eu les yeux plus gros que le ventre ? » Il pose plutôt la question de la lucidité, de la responsabilité et de l’indépendance des instances sportives internationales (sous influence ?) dans leur décision d’attribuer l’organisation de tels évènements que celle de l’appétit, compréhensible, du Brésil.
Sans minimiser l’importance de l’évènement, nous sommes, a priori, loin de la candidature d’Annecy à l’organisation des jeux olympiques d’hiver en 2018 ! Cela pourrait même prêter à sourire et renforcer l’idée que la France disparait du concert international, perd de son influence sur la scène mondiale. Force est de constater que les grands évènements planétaires des sports universels prennent le chemin des pays émergents et de ceux qui ont une puissance financière (pays du Golfe persique) adossée à un outil de communication dédié et international (chaine de télévision). La culture du sport et le patrimoine qu’il représente ne sont plus (pour l’instant) des critères de choix des instances sportives internationales rejoignant ainsi le « beau dossier technique (et économique) bien ficelé » au rang des seules satisfactions d’amour propre. Ces nouveaux critères sont bien ailleurs !
La France, est-elle pour autant vouée à n’organiser, au mieux, que des manifestations de seconde zone, au coup par coup ? Le rapport au Président de la République réalisé par le député D. Douillet intitulé « l’attractivité de la France pour l’organisation de grands évènements sportifs » nous apprend que la France appartient, jusqu’à ce jour, au groupe des six nations phares depuis trente ans pour l’organisation des grands évènements sportifs internationaux. Elle se situe, même, au second rang derrière les Etats- Unis (devant l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Japon).
Mais ce rapport va plus loin et propose des pistes pour la mise en place d’une véritable stratégie de reconquête. Sans entrer dans le détail de ces propositions, il est intéressant de s’arrêter sur la stratégie d’ensemble proposée :
Prendre en compte les actuels critères d’attribution des évènements majeurs. Poser sa candidature (seule ou en partenariat européen) pour l’organisation d’évènements sportifs planétaires et continentaux pour des sports dit « mineurs » en tous les cas moins médiatiques mais le plus souvent olympiques. Défendre ces candidatures.
Cette démarche poursuit plusieurs objectifs :
(Re)construire et valider une méthodologie de projets, (re)créer du lien d’influence et des réseaux à l’international (par discipline, entre territoires), développer au niveau des territoires locaux un apprentissage d’exportation d’image et de savoir faire, développer un maillage d’entreprises ouvertes vers l’extérieur. S’appuyer sur la motivation de disciplines souvent dans l’ombre et les mettre en lumière. Recréer des infrastructures sportives.
Mais aussi être, à l’avenir, en position de pouvoir rivaliser et/ou se substituer et/ou accompagner les pays organisateurs qui ne pourront (ou ne voudront plus) assumer la charge de l’organisation de tels évènements et leurs conséquences post-évènementielles.
Est-ce que ce rapport sera suivi des faits ? Quelques chiffres permettent rapidement de répondre à cette question : Entre juillet 2011 et août 2012, ce ne sont pas moins de 15 compétitions (championnats et coupes du monde) qui seront organisées en France dans des disciplines, peu médiatiques et à une exception près, olympiques (course d’orientation, canoë- kayak, Tir, tir à l’arc, GRS, curling, haltérophilie). Sans parler des jeux de la francophonie (2013), de la Ryder Cup (2018), des jeux équestres mondiaux d’équitation (2014) et jeux mondiaux militaires d’hiver (2013).
Il y a bien une stratégie de conquête de marchés extérieurs en action sous tendue par une approche dite « d’intelligence sportive » qui mérite d’être mise en lumière et suivi tout au long des prochains mois. La modélisation des résultats permettra d’exporter la méthodologie dans d’autres domaines.
Bernard LLINARES