Quick en mode échec dans la guerre de l’information

Une succession d’évènements tendent à démontrer que l’enseigne française de restauration rapide Quick se trouve littéralement acculée par les assauts informationnels et complètement incapable d’endiguer le phénomène.
Mauvaise anticipation des capacités d’appropriation et de la résonance de la sphère médiatico-sociétale.
A l’automne 2009, Quick lance son initiative de spécialiser 3 de ses 324 restaurants dans la fourniture de produits certifiés halal. Rapidement motivée par les retombées économiques de cette stratégie marketing (CA en augmentation de 50% dans les restaurants ciblés), la Direction de l’enseigne décide d’étendre l’offre à 5 restaurants supplémentaires. C’est le début de la polémique, avec pour trame de fond le débat naissant sur l’identité national et la discrimination. La blogosphère s’empare rapidement du sujet pour en devenir même le premier moteur. Mais le thème divise, des adversaires historiques, refusant d’être amalgamés (altermondialistes vs blocs identitaires), se retrouvent parfois à défendre un même point de vue avec des arguments extrêmement proches…la confusion des genres s’installe.
En aout 2010, Quick annonce que son offre halal continue de s’étendre et concernera désormais 22 établissements (7% des sites). Le débat sur l’identité nationale bat son plein, les politiques de tous bords commencent à prendre partie : certains applaudissent l’initiative, d’autres s’insurgent, certains minimisent. Quoi qu’il en soit les avis divergent au sein même des différentes classes politiques. Les premières plaintes en justice sont déposées. Aucune n’aboutira à ce moment. Le grief majeur fait à la chaîne de restauration est la discrimination des clients non-musulmans ne souhaitant pas consommer de viande halal.
Dans cette affaire, la Direction de Quick perd la main sur le débat. Les enjeux sortent de son champ de compétences, le service de communication ne suit plus ou mal…les premiers appels aux boycotts de la marque se font entendre. Quick se trouve en position de surexposition médiatique lorsque le drame arrive.

Qualité et hygiène défaillantes entrainent la mort d’un adolescent :
19 février 2011, Catherine Champrenault, Procureur de la République d’Avignon : « La synthèse des rapports médico-légaux permet de conclure que Benjamin Orset est décédé d'une toxi-infection alimentaire, liée à l'absorption d'un repas pris quelques heures avant sa mort, soit la veille au soir le 21 janvier, au restaurant Quick Cap Sud à Avignon". Cette déclaration est associée à un rapport de la Direction Départementale de la protection des populations qui a menée une enquête dans le restaurant incriminé quelques jours après le drame (25/01/2011). Ce rapport déplore les « indices graves ou concordants de violations manifestement délibérées d'obligations réglementaires de sécurité » et de préciser que ce restaurant avait déjà fait l’objet de sérieuses et similaires critiques en 2008.
Absence stratégique ou précipitation : suite au décès de l’adolescent, le Groupe va multiplier les erreurs communicationnelles. Le 28 janvier 2011, soit six jours après le drame, Jacques-Edouard Charret, Président du Groupe Quick contestait la fermeture de l’établissement d’Avignon Cap Sud qu’il jugeait infondée ! Deux jours plus tard, la Direction Générale de Quick faisait publier via son site internet « group-quick.fr » le rapport d’un expert en maladies infectieuses visant à relativiser l’éventuelle responsabilité du restaurant dans cette affaire. Celui de la Direction Départementale de la Protection des Populations exprimera l’exact contraire. Le 24 février 2011, suite aux déclarations de Madame le procureur, la Direction du Groupe Quick se désolidarise du franchisé qui gérait l’établissement d’Avignon et va même jusqu’à reporter l’intégralité des responsabilités sur ce dernier. Les processus et les pratiques ne sont-ils pas standardisés? Le Groupe annonce toutefois un renforcement des contrôles sur la qualité, la traçabilité et l’hygiène. Des mesures correctives que le consommateur aurait souhaité entendre plus tôt. Le décès de l’adolescent jette un discrédit incommensurable sur la marque : « on peut mourir d’avoir mangé un hamburger ! ». Et c’est le cœur de cible de l’enseigne qui est touché, la majorité de la clientèle de Quick s’identifie maintenant à la victime.

Polémiques, assauts médiatiques et sociétaux tous azimuts.
La polémique halal, instrumentalisée par la marque, avait déjà largement captée l’attention du consommateur. Les différents protagonistes occupaient déjà le « champ de bataille médiatique».Les prises de partie contre Quick s’étaient radicalisées, le décès de Benjamin va démultiplier le pouvoir des différentes sphères d’influence.
Les Blocs identitaires, à l’image du « Projet Apache », étaient descendus dans les établissements Quick en portant des masques de cochon quelques mois auparavant, ils reviennent « prêcher » contre les dangers de la « mal-bouffe » et manient adroitement le web pour relayer leur message. Du coup, sur You Tube et autre Daily Motion, les messages vidéo très solennels de Jacques-Edouard Charret se retrouvent amalgamés aux démonstrations de force des détracteurs et face au surpuissant et parfois anonyme « lobby » de « l’humour noir » : « Quick, nous c’est le trou ! » Le discrédit est total, les commentaires sont sans équivoque.
Le sujet Quick devient vendeur : associé à l’enseigne, un banal fait divers boulevard Barbès à Paris ou un braquage à Marseille, profitent d’une médiatisation accrue.
Les médias et la Blogosphère reviennent également sur les suites de la sombre « Affaire Quick », datant de juillet 2010, et concernant des irrégularités dans le rachat en 2006 par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) de l’entreprise belge crée en 1971 pour un montant de 800M€ alors qu’elle n’était estimée qu’à 300M€. Affaire déboutée par la justice française mais instruite par la justice belge et qui semble déranger jusqu’au plus haut sommet de l’Etat… Profitant du regain d’intérêt pour Quick, les politiques relancent le débat sur la discrimination et obtiennent cette fois-ci l’ouverture d’une enquête : « A la suite de la plainte d'un jeune conseiller municipal UMP de Bry-sur-Marne (Val-de-Marne), le parquet de Créteil a ouvert fin avril une information judiciaire et chargé une juge d'instruction d'enquêter sur des faits de "discrimination dans l'offre ou la fourniture d'un service ».

Le coup de grâce
Aux derniers coups durs portés à l’enseigne figure le reportage de France 2, « Complément d’enquête »diffusé à une heure de grande audience le 4 avril dernier. Le manque d’hygiène dans les restaurants rapides y est dénoncé, Les salariés, sous couvert d’anonymat (symbolique exacerbée) dénoncent des conditions sanitaires déplorables. La responsabilité des marques s’ancre dans l’imaginaire collectif. Quick est plus particulièrement ciblé.
Et comme si fallait garantir la légitimité de toutes ces dénonciations, l’auditorat du travail (équivalent belge de l’inspection du travail française), mène dans la nuit du 27 au 28 avril, une enquête au sein de plusieurs établissements de restauration rapide dont Quick (mais aussi son premier challengeur Mc Donald) et dont « la perquisition a  débouché sur l'interpellation d'une dizaine de personnes employées par les sociétés sous-traitantes, actives dans le secteur du nettoyage, Par ailleurs, les contrôleurs ont relevé des conditions de travail très pénibles et à leur arrivée un membre du personnel se cachait dans le frigo et un autre aurait pris la fuite par les toits » (La Dernière heure, 29/04/2011).
Avec sa stratégie halal, le management de Quick a très certainement imaginé pouvoir « faire le Buzz » ! Mais avant d’avoir la prétention de manipuler la sphère médiatico-sociétale, il aurait, semble-t-il, fallu s’assurer de son irréprochabilité. L’écueil majeur, trop courant chez nos entrepreneurs, semble d’avoir accorder une priorité à la quantité, aux profits immédiats, au détriment de la qualité. Il y a dans le cas Quick, largement matière à réflexion mais bien au-delà, une victime innocente de la cupidité.