Mort de Ben Laden et réorganisation d'AQMI : quid de l'avenir ?

A la grande stupéfaction de tous, le 2 mai 2011, les médias annonçaient la mort d'Oussama Ben Laden, « l'ennemi public mondial n°1 ». De multiples communications, officielles et officieuses, ont théâtralisé les circonstances de la mort et de la gestion de la dépouille mortelle de l'homme qui a défié les Etats-Unis et leurs alliés depuis les attentats de septembre 2001. La mort de Ben Laden est un succès indéniable pour les coalitions antiterroristes mais elle n’éteint pas la dynamique de certaines excroissances de la mouvance comme la branche sahélienne d'Al-Qaïda, Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), qui profite de l'occasion pour renforcer son influence et se réorganiser.

 

Le fait est qu'AQMI exerce ses activités dans une zone géographique riche en matières premières et dans laquelle se bousculent les entreprises occidentales. Les risques qui pèsent sur ces entreprises sont nombreux : enlèvements, agressions, actes terroristes mais aussi la participation, masquée ou forcée, à des économies dangereuses s'exprimant entre autres par le blanchissement de l’argent de la drogue, du terrorisme ou plus classiquement le financement de la corruption. Le tout étant généralement, de près ou de loin, lié aux activités d'AQMI.

Depuis la mort de Ben Laden, les autorités officielles des États du Sahel voient se multiplier les actions de propagande et d'endoctrinement menées par les membres d'AQMI. Selon une récente dépêche AFP (20 mai 2011), les membres d'AQMI distribuent voiles, habits, vivres et demandent de prier pour Ben Laden, lors d'incursions publiques sur les marchés de la région. « Ben Laden est actuellement au paradis, il faut venger sa mort », telle est la « bonne parole » qui est, répandue au plus grand nombre dans le Sahel. Beaucoup d'analystes insistent sur le coté local de ce phénomène. Cependant plusieurs choses semblent plus inquiétantes qu'il n'y parait.

Premièrement, les populations visées par les prêcheurs se situent plus au sud que les communautés visées précédemment. Il est très probable que ce soit une réponse aux différentes politiques antiterroristes nationales et régionales mises en place. De façon factuelle, la surveillance des terroristes présumés se focalise majoritairement sur les individus de type arabe. Pour AQMI, recruter plus au sud apporte des individus d'un autre type ethnique (populations noires africaines) qui font moins l'objet de surveillance de la part des autorités. Il s'agit là d'un facteur fondamental d'accroissement de puissance pour AQMI : multiplier les origines ethniques de ses sympathisants.
Deuxièmement, au regard des renseignements récents communiqués par les autorités sahéliennes, le réseau AQMI entame actuellement un processus de réorganisation. Il s'agit d'une réponse à la mise en place de politiques de lutte antiterroriste dans la région. AQMI serait en train de se restructurer de l'intérieur par l'activation de cellules dormantes, notamment au Niger. Un repositionnement des troupes, organisées en deux types de cellules combattantes (Katibas et Sarias – selon la taille), vient compléter cette restructuration.

Bien que des projets, de plus en plus nombreux, de lutte contre le terrorisme voient le jour au Sahel – entre autre l'état-major militaire commun Algérie/Mali/Mauritanie/Niger – force est de constater l'adaptation organisationnelle et opérationnelle opposé par AQMI. De nombreuses questions restent en suspens. Quid de la réforme des systèmes de sécurité préconisée par l'OCDE ? Comment pérenniser une activité économique confrontée à des risques aléatoires ultra-violents ? Quelles seront les futures capacités d'action d'AQMI ?

Erwan Bastard et Stéphane Mortier