Les hydrocarbures en Atlantique Nord : nouvel épisode de l’amitié franco-canadienne

Le 17 mai 2005, l’accord France- Canada sur les champs d’hydrocarbures transfrontaliers venait compléter, renforcer le dispositif diplomatique, législatif, coopératif qui lie la France au Canada. Tout le monde politique, économique local et national, au fait de la chose ultramarine ou plus exactement de Saint-Pierre et Miquelon s’est alors félicité de ces perspectives de développement économique d’un Territoire en détresse depuis l’arrêt de la pêche.
En effet, après l’accord de décembre 1994 qui installait et instituait  la commission mixte de coopération régionale entre l’Archipel et les Provinces Atlantiques, il ne faisait plus aucun doute que les Canadiens allaient, au moins, partager les retombées économiques de leur prospection et exploration d’hydrocarbures dans le bassin laurentien (zone transfrontalière de la ZEE).

 Mais le 13 mai 2009, le gouvernement français sous la pression de la population (et le climat de revendication qui embrasait alors l’Outre- Mer)  orchestrée par Madame le député et un collectif déposait une lettre d’intention aux Nations- Unies pour revendiquer le droit de Saint-Pierre et Miquelon à l’extension de son plateau continental. Cette procédure, très longue, s’appuiera sur le rapport scientifique issu du futur projet du programme Extraplac. Cette dernière démarche a fortement contrarié nos amis canadiens qui voient là une remise en question illégale de la sentence arbitrale de 1992 ainsi qu’une incohérence avec les propos tenus.

 

 

Est-ce que l’accord de 2005 aura plus de succès que les précédents ?

 

 

Force est de constater que rien pour l’Archipel ne s’est concrétisé depuis 1994 au regard de la réciprocité des échanges franco canadiens. Ces derniers présentent un fort déséquilibre favorable aux Provinces Atlantiques (accès privilégié à la formation universitaire pour les jeunes iliens, tentative de même nature dans la formation continue, accueil de manifestations sportives, démarche active d’entreprises canadiennes pour commercialiser leurs produits, prise de contrôle d’usine de transformation des produits de la mer, accès aux chaines de télévision canadiennes etc…..).
Alors que le discours tenu dans les bureaux des services ministériels français et services consulaires ne laisse aucun doute sur la stratégie en cours (« il n’y a rien à faire là bas ! », « c’est trop petit ! » etc….), les Canadiens ont une approche diamétralement opposée, une vision globale de leurs enjeux et une cohérence des actions d’influence à mener. Ils s’intéressent à cette zone géographique, cet Archipel inclus.
On peut, dans ce contexte, imaginer toute la difficulté qu’éprouvent la collectivité territoriale et son Président à pouvoir exister dans ce jeu d’acteurs qui dépasse l’Atlantique Nord, en tous les cas pour les Canadiens ! En effet, il est intéressant de regarder ailleurs, plus exactement là où les intérêts canadiens et leur souveraineté sont mis en avant. Je retiendrai trois exemples. Tout d’abord le dossier du nickel en Nouvelle Calédonie , la guerre de position dans l’Arctique où les enjeux stratégiques liés aux voies maritimes, aux hydrocarbures et autres matières premières font l’objet de lutte féroce entre les Etats riverains (Canada, Etats-Unis, Russie, Danemark) membres du conseil de l’Arctique dont la France est observateur permanent et pour terminer le concept des Economusées ® des québécois.
Dans le premier cas, nous retrouvons quasiment les mêmes acteurs (Canada, France, un Territoire d’Outre-Mer et une matière première stratégique pour certains). A ce jour, l’exploitation d’une ressource  locale (il n’est pas question de gisement transfrontalier) est totalement assurée par des entreprises étrangères après une lutte qui a conduit à la mise à l’écart d’une entreprise française. Enjeu stratégique pour le Canada : maitrise d’une matière première : le nickel. Qu’en est-il des intérêts français et locaux ? Quelle était la stratégie ?
Le deuxième exemple, est celui de l’Arctique. On y retrouve des demandes d’extension du plateau continental, d’appropriation  de richesses. L’intégrité des populations locales (Qu’en sera-t-il des retombées économiques pour les territoires du Grand Nord !?) et la préservation de l’environnement sont évoquées. Qu’en est-il à ce propos des dispositifs de sécurité des plates formes off shore du bassin laurentien (puits de secours par exemple) ?
Enfin, le dispositif original des Economusées est très intéressant. Cette association se donne pour objectif de préserver les métiers d’art à travers un concept d’activités très structuré. Chaque entreprise artisanale voulant intégrer le réseau fait l’objet d’un véritable examen d’admission et doit satisfaire à des obligations (comptable, marketing, technique etc…) imposées par la vision canadienne. Ce réseau présent au Québec, Ontario et zone Atlantique du Canada poursuit son extension …..en Europe du Nord  depuis 2009 avec financement européen (Norvège, Islande, Iles Féroé, Irlande du Nord) et Saint-Pierre et Miquelon ! Coïncidence ou pas, cette liste est à rapprocher des membres du conseil de l’Arctique ainsi que de toute autre zone où la question de souveraineté est posée.
Ces exemples méritent d’être analysés de façon précise. Ils peuvent donner un éclairage différent sur le dossier des hydrocarbures de l’Atlantique Nord et ses enjeux globaux. Ils ouvrent  quelques pistes sur la stratégie à adopter pour que les accords d‘échanges évoqués en début d’analyse aient une chance de se concrétiser, aussi, sur le plan économique.

Bernard Illinares