Le débat sur l’instrumentalisation de l’environnement par les Etats-Unis dans les traités internationaux

Si le concept d’environnement est présumé faire l’unanimité auprès de tout les Etats du monde, ses modalités d’application attisent le débat et la contestation. La première puissance du monde est au cœur de cette problématique. Premier pollueur du monde, les Etats-Unis sont-ils de sincères défenseurs de l’écologie ou se servent-ils de ce récent concept pour tenter de préserver leur puissance en déclin ? La gouvernance internationale sur le climat repose pour l’instant sur deux traités internationaux fondamentaux :

 

 


  • la convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques, entrée en vigueur en mars 1994, et ratifiée par 189 pays

  • le protocole de Kyoto qui découle de la convention-cadre, et qui est entré en vigueur en février 2005.172 Etats l’ont ratifié, à l’exception notable des Etats-Unis.


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Ces deux textes visent à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. La volonté de déceler une instrumentalisation de l’environnement par les américains peut s’effectuer aussi bien dans la teneur du texte de la convention-cadre de l’ONU que dans le refus par les Etats-Unis de ratifier le protocole de Kyoto.

 

Ratifiée par les Etats-Unis, la convention-cadre stipule dans son article 3-1 « qu’il appartient aux pays développés parties d’être à l’avant-garde de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes ».Cet article impose donc aux pays industrialisés de supporter une part plus lourde du fardeau écologique que celle supportée par les pays en développement, au motif que les pays occidentaux auraient contracté à l’égard du monde une ‘’dette environnementale’’en étant responsables des principales causes de pollution depuis la révolution industrielle du 19e siècle, à une époque où les pays aujourd’hui en développement n’émettaient quasiment aucune pollution.

L’article 3-2 de cette même convention stipule également qu’ « il convient de tenir pleinement compte des besoins spécifiques et de la situation spéciale des pays en développement parties auxquelles la convention imposerait une charge disproportionnée ou anormale ».

Ces deux alinéas permettent d’affirmer que les Etats-Unis n’ont pas cherché à instrumentaliser l’environnement pour freiner l’essor des économies émergentes, puisqu’ils se sont au contraire engagés à alléger la part du fardeau écologique supportée par les pays en développement, leur permettant ainsi d’accroitre leur puissance économique. L’introduction de cette convention abonde dans le même sens en disposant que la convention est consciente que «  les pays en développement devront à l’avenir accroitre leur consommation d’énergie ».Impossible donc d’y voir là une volonté de limitation de l’essor des économies émergentes, mais au contraire une différenciation qui leur est favorable. Cependant, on ne peut s’empêcher d’atténuer cette interprétation car la convention-cadre n’est pas contraignante juridiquement. L’acceptation par les Etats-Unis de prendre en compte les  difficultés provisoires des pays en développement est donc purement théorique. Il est donc permis de douter de la pureté des intentions américaines en matière d’environnement.                                                         

Après que Bill Clinton ait signé le protocole de Kyoto, le sénat américain refusa finalement  de le ratifier. Les Etats-Unis avancèrent l’argument selon lequel ce protocole ne comportait d’objectifs environnementaux contraignants que pour les pays industrialisés. George W.Bush dira en effet plus tard pour justifier un nouveau refus :’’comme vous le savez, je suis opposé au protocole de Kyoto parce qu’il exempt 80% du monde, notamment des pays très peuplés tels que la Chine et l’Inde’’.L’ancien président américain laissa donc entendre que son pays l’aurait volontiers ratifié s’il avait été contraignant à l’égard des pays émergents. Faut-il voir dans cette affirmation une volonté de limiter l’expansion des économies émergentes ? Difficile à dire. Les dirigeants américains ne sont pas suffisamment stupides pour oser affirmer publiquement qu’ils manipulent le concept d’écologie pour préserver leur puissance en déclin. Ils affirment au contraire que leur politique est influencée par des motifs écologiques sincères et non par un rapport de force entre puissances.

Toutefois on ne peut s’empêcher de voir une contradiction entre l’acceptation de signer la convention qui accepte de favoriser les économies émergentes et le refus de ratifier le protocole de Kyoto au motif que ces mêmes économies émergentes y seraient favorisées. Inutile d’y chercher une schizophrénie américaine. Ce changement d’attitude s’explique aisément par le fait que la convention date de 1994 alors que le protocole date de 2005.Les pays en développement n’étaient pas en 1994 ce qu’ils étaient en 2005 sur le plan économique.

Le gouvernement américain a par ailleurs accepté de s’associer aux négociations sur l’après-Kyoto qui se tiendront à Copenhague en décembre 2009 dans le but d’obtenir un nouvel accord international à l’échéance 2012.Mais les négociations s’annoncent difficiles, les Etats-Unis estimant que le texte penche trop en faveur des pays en développement, et ces derniers affirmant qu’il avantage les pays développés. La dimension écologique est toujours imbriquée dans le jeu des intérêts économiques et politiques, ce qui a fait dire au secrétaire général de l’ONU que ‘’la banquise recule plus vite que les négociations n’avancent’’.

CJ