Ben Laden plus honoré que Robespierre

La guerre de l’information se poursuit après la mort de l’ennemi. Cette leçon digne d’un principe de Sun Tzu est l’épisode qui conclut la traque du terroriste le plus recherché du monde pour avoir commis notamment des crimes contre l’humanité. Chez un peuple civilisé, on rend les honneurs à un mort. Les États-Unis ont pris en compte cette donnée pour communiquer sur la manière dont ils ont géré le corps de Ben Laden afin que ses partisans ne fassent pas du lieu où aurait pu être enterré sa dépouille, un symbole de propagande récurrente. Les autorités américaines ont aussi pris grand soin de respecter les rites de la religion musulmane avant de jeter le corps d’Oussama Ben Laden à la mer.
En d’autres temps, la France, patrie des Droits de l’homme, avait recours à d’autres expédients pour enterrer les grands hommes de la Révolution française. Après la condamnation à mort de Robespierre, ce dernier est guillotiné l'après-midi même du 10 thermidor, sous les acclamations de la foule, en compagnie de vingt et un de ses amis politiques dont Saint-Just. Les Thermidoriens, partisans de la lutte contre la terreur révolutionnaire et de ses excès, prirent le soin de placer les vingt-deux têtes dans un coffre en bois alors que les troncs étaient mis sur une charrette. Le tout fut jeté dans une fosse commune au cimetière des Errancis (cimetière parisien de la période révolutionnaire. qui tire son nom d’un lieu-dit nommé « les estropiés »). Pour éviter que l’on retrouve des traces, les garants de la démocratie de l’époque répandirent de la chaux vive sur les corps. En 1840, des partisans de Robespierre fouillèrent le sol du cimetière des Errancis, fermé depuis une trentaine d’années, sans découvrir aucun corps.
La différence de traitement entre Ben Laden et Robespierre s’explique par le rôle pris par la guerre de l’information dans la conduite d’opérations de nature militaire ou politico-militaire. Les Révolutionnaires français n’avaient pas à craindre des multiples effets boomerang générés par la société de l’information. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Si un criminel contre l’humanité comme Ben Laden n’avait pas le moindre souci du respect mortuaire de ses victimes, il est impossible pour un État démocratique de faire l’impasse sur tous les détails qui doivent accompagner ce genre d’opérations. Les détracteurs ne sont pas seulement les mouvances médiatiques proches de la nébuleuse islamiste radicale, mais aussi cette catégorie de journalistes occidentaux, qui sous des prétextes humanistes ou de quête de la vérité,  sont à la recherche des scoops en tout genre, quelque soit le sens qu’ils lui donnent pourvu qu’elle leur rapporte de la notoriété et de l’argent.