Quel extraordinaire quotidien avons-nous en France ! Le Monde, référence parmi les références nationales, sommité internationale de la presse d’investigation estampillée du sceau du sérieux et de la respectabilité. Véritable institution nationale, honorable et respectée, fondée en 1944 par Beuve-Méry à la demande de De Gaulle et par là associée aux idées même de résistance et d’indépendance, elle se veut moderne et progressiste. Si le quotidien l’est certainement au niveau des idées qu’il professe, il l’est tout autant au niveau des supports techniques qu’il utilise pour diffuser l’information et tenter de résister à la crise de la presse écrite traditionnelle par la diversification de ses supports. Ainsi, Le Monde, à l’instar de ses confrères de la presse mondiale, gère son blog.
Le 15 mai 2011, en tout début de matinée, alors que Dominique Strauss-Kahn n’a pas encore été mis en examen par la justice américaine dans l’affaire dont il est le principal protagoniste, Le Monde a d’ores et déjà publié son verdict : «DSK : la rechute ». En posant un billet au titre aussi percutant sur la première page de sa version en ligne, à quoi Le Monde fait-il référence ? A une rechute d’ordre purement politique telle que DSK en a connu au cours de sa vie politique depuis l’affaire de la MNEF ou fait-il référence à l’affaire du harcèlement sur Piroska Nagy ? Au regard de la teneur de ce nouvel événement qui n’est que naissant à cet instant-là du 15 mai, le quotidien incite le lecteur à opter pour la seconde. Le Monde laisse entendre que Dominique Strauss-Kahn est coupable et qu’il y a déjà eu des précédents.
En choisissant le terme de « rechute », Le Monde laisse péremptoirement entendre que DSK est un récidiviste ; pire : qu’il y a chez cet homme une fatalité de la récidive. « DSK : la rechute » : pas même un point d’interrogation. Le Monde est sûr de son - sale - coup. C’est ce que l’on appelle le journalisme version Le Monde.
La neutralité relative du contenu du billet tranche singulièrement avec le titre (même si l’auteur ne peut s’empêcher une digression sur le prix astronomique de la suite occupée par le Président du FMI, variation sur le thème de la Porsche), et prend la précaution de préciser : « tout cela selon la version officielle, bien sûr ». Sauf que le titre choisi en fait la version officielle…du Monde et qu’en plaçant le titre de ce billet sur la partie supérieure de sa Une, jouxtant la photographie de DSK, Le Monde fait ni plus ni moins que la presse qu’il méprise, celle qui cultive le trash et le sensationnel populiste, celle qui construit des relations de cause à effet bancales mais infectieuses et établit des liens improbables destinés à nuire au mépris de toute déontologie mais qui jamais ne démontre par la preuve.
Certes, il s’agit ici d’un post sur un blog. Pour autant, écrire sur un blog dédouane t-il l’auteur du sérieux et de la responsabilité de ce qu’il publie en particulier lorsque le blog en question est celui du Monde ? Ce format autorise-t-il l’auteur du billet à être moins rigoureux dans sa prose et moins professionnel ? Le Monde peut-il se réduire à « buzzer » fût-ce sur ses pages blog ? Il ne s’agit pas ici d’apporter un soutien au Directeur du FMI, mais de rappeler le journal à ses propres codes et ambitions.
Le plus troublant dans ce billet, c’est qu’il n’a aucun intérêt si ce n’est d’inviter les internautes à débattre et commenter l’affaire du moment. Il est mal rédigé, pratique l’amalgame, fait à la fin une utilisation confondante des guillemets de citation et n’apporte aucun élément d’information supplémentaire aux articles qui le précèdent. Mais par ce type de pratique racoleuse, Le Monde est parjure à sa tradition initiale d’élévation du débat démocratique, de journal de qualité et contribue, outre à la salissure publique d’un individu présumé innocent, à la désinformation en finissant par fréquenter les mêmes écuries que les tabloïdes.
Pierre Deplanche
Le 15 mai 2011, en tout début de matinée, alors que Dominique Strauss-Kahn n’a pas encore été mis en examen par la justice américaine dans l’affaire dont il est le principal protagoniste, Le Monde a d’ores et déjà publié son verdict : «DSK : la rechute ». En posant un billet au titre aussi percutant sur la première page de sa version en ligne, à quoi Le Monde fait-il référence ? A une rechute d’ordre purement politique telle que DSK en a connu au cours de sa vie politique depuis l’affaire de la MNEF ou fait-il référence à l’affaire du harcèlement sur Piroska Nagy ? Au regard de la teneur de ce nouvel événement qui n’est que naissant à cet instant-là du 15 mai, le quotidien incite le lecteur à opter pour la seconde. Le Monde laisse entendre que Dominique Strauss-Kahn est coupable et qu’il y a déjà eu des précédents.
En choisissant le terme de « rechute », Le Monde laisse péremptoirement entendre que DSK est un récidiviste ; pire : qu’il y a chez cet homme une fatalité de la récidive. « DSK : la rechute » : pas même un point d’interrogation. Le Monde est sûr de son - sale - coup. C’est ce que l’on appelle le journalisme version Le Monde.
La neutralité relative du contenu du billet tranche singulièrement avec le titre (même si l’auteur ne peut s’empêcher une digression sur le prix astronomique de la suite occupée par le Président du FMI, variation sur le thème de la Porsche), et prend la précaution de préciser : « tout cela selon la version officielle, bien sûr ». Sauf que le titre choisi en fait la version officielle…du Monde et qu’en plaçant le titre de ce billet sur la partie supérieure de sa Une, jouxtant la photographie de DSK, Le Monde fait ni plus ni moins que la presse qu’il méprise, celle qui cultive le trash et le sensationnel populiste, celle qui construit des relations de cause à effet bancales mais infectieuses et établit des liens improbables destinés à nuire au mépris de toute déontologie mais qui jamais ne démontre par la preuve.
Certes, il s’agit ici d’un post sur un blog. Pour autant, écrire sur un blog dédouane t-il l’auteur du sérieux et de la responsabilité de ce qu’il publie en particulier lorsque le blog en question est celui du Monde ? Ce format autorise-t-il l’auteur du billet à être moins rigoureux dans sa prose et moins professionnel ? Le Monde peut-il se réduire à « buzzer » fût-ce sur ses pages blog ? Il ne s’agit pas ici d’apporter un soutien au Directeur du FMI, mais de rappeler le journal à ses propres codes et ambitions.
Le plus troublant dans ce billet, c’est qu’il n’a aucun intérêt si ce n’est d’inviter les internautes à débattre et commenter l’affaire du moment. Il est mal rédigé, pratique l’amalgame, fait à la fin une utilisation confondante des guillemets de citation et n’apporte aucun élément d’information supplémentaire aux articles qui le précèdent. Mais par ce type de pratique racoleuse, Le Monde est parjure à sa tradition initiale d’élévation du débat démocratique, de journal de qualité et contribue, outre à la salissure publique d’un individu présumé innocent, à la désinformation en finissant par fréquenter les mêmes écuries que les tabloïdes.
Pierre Deplanche