La catastrophe de Fukushima intervient à un moment crucial, en pleine renaissance du nucléaire, tant pour les ventes de nouvelles centrales, que pour les prolongations de durée de vie. Le marché des nouvelles centrales nucléaires est estimé à 250 nouveaux réacteurs, pour les 20 prochaines années à venir, soit environ 1 250 à 1 500 milliards d’euros de chiffres d'affaires au total. Nous n'avons pas encore l'analyse détaillée de cet accident. On peut toutefois affirmer qu'il y aura une réévaluation des choix politiques et économiques, ainsi qu'une évolution des normes de sécurité. Il est intéressant de voir déjà comment les acteurs de ce marché se positionnent.
Westinghouse : sécurité passive
Dès le début de la catastrophe, les différents médias tant européens qu'américain, ont mis en avant l'importance des systèmes de sécurité dit « passifs », assurant leur fonction sans source d'énergie externe. Ces systèmes auraient probablement permis d'éviter la surchauffe du réacteur dans les conditions survenues à Fukushima, à savoir la perte totale de toute alimentation électrique. La Nuclear Regulatory Commission (NRC), ainsi que d'autres experts cités vont plus loin dans l'orientation de la communication, prenant comme réacteur de référence l'AP1000 de Westinghouse.
A la fin de la Edison Electric Institute International Utility Conference du 14 mars à Londres, le président de Westinghouse, a déclaré que du fait de la réévaluation des normes de sécurité après le 11 septembre, il ne s'attendait pas à de nouvelles mesures majeures. «Nous allons étudier tous les retours de la situation japonaise. Nous croyons qu'avec la structure de l'AP1000, vous n'auriez pas vu ce qui passe à Fukushima. Les systèmes sont très différents. L'AP1000 a été conçu pour fonctionner pendant des semaines sans source d'énergie extérieure». Cela laisse entendre que l'AP1000 est presque parfait,
Westinghouse : communication d’influence ?
Dans les jours suivant, on constate une déstabilisation auprès de l'opinion publique, au sujet de l'EPR, Ce réacteur a des systèmes de sécurité essentiellement actifs, mais il possède un core-catcher, limitant fortement les conséquences d'une fusion du cœur. Or, pour les experts européens, la sûreté globale de ces deux types de réacteur est pratiquement là même.
Cette atteinte à l'image de l'EPR se retrouve dans les évolutions respectives des cours de bourse : moins 12% sur les actions Areva et moins 2% pour General Electric entre le 10 et le 24 mars. Areva marque la plus grosse perte de confiance des investisseurs au niveau européen. Au niveau mondial, en dehors des sociétés japonaises, son concurrent direct sur la gamme de réacteur à sécurité active, General Electric, n'est que peu touché par ces jeux boursiers.
L'intérêt de ce lobbying sur les systèmes passifs et la mise en avant en France des compétences de Westinghouse ne se limite pas aux marchés des futures centrales nucléaires. L'autre enjeu important des années à venir, mise en avant par la catastrophe de Fukushima, est la prolongation des centrales existantes. On compte environ 450 réacteurs dans le monde, qui représente un marché potentiel de 150 milliards d'euros pour les 10 à 15 ans à venir.
Là encore, Westinghouse se met en valeur en communiquant sur sa candidature auprès d'EDF pour le remplacement de générateurs de vapeurs de 11 réacteurs. Il confirme aussi son image de reconnaissance de compétence sur les terres d'Areva, Ce marché doit être conclu d'ici juin.
Areva et la solution française
La promotion médiatique de Westinghouse montre son intention d'augmenter son implantation dans le marché nucléaire européen et français. Dans les semaines à venir, les résultats des stress-test ainsi que la prise de nouvelles normes par les autorités de sûreté nationale auront un impact sur les opinions publiques. Il sera alors important de voir comment Areva et Westinghouse se positionneront médiatiquement.
Pour contrer ces attaques informationnelles, la tactique d'Areva pourrait être la promotion du réacteur Kerena. Il s'agit d'un réacteur faisant largement appel à des fonctions passives, dont le basic design est terminé mais qui n'est pas encore commercialisé. Ainsi Areva pourrait mettre en avant un plus grand choix qui permette une réponse individualisée aux impératifs techniques et économiques de chaque client.
Quid des centrales low cost
Il sera également intéressant d’étudier la communication des constructeurs low-cost (tels que les sud-coréens - APR 1400 ou les chinois - CPR 1000), accusés par les régulateurs européens pour faire passer le coût avant la sûreté. Les marchés occidentaux et japonais vont certainement se fermer à ce type de réacteur. Il restera alors la demande des pays émergents. Cependant, les effets d'un accident nucléaire ont une répercussion planétaire, de par les vents dominants. Cela n'amènera-t-il pas un concensus mondial, par l'AIEA ou un groupement d'autorités nationales de sûreté, d'interdiction des réacteurs low-cost au nom de la santé mondiale ? Certaines initiatives dans le cadre du G20 semblent actuellement le confirmer.
Emmanuel DENIS
1. Articles référents :
http://plattsenergyweektv.com/story.aspx?storyid=142237&catid=293
http://homelandsecuritynewswire.com/new-reactor-design-lessens-risks
http://www.technologyreview.com/energy/35100/?p1=MstRcnt&a=f
2. Mr PEREZ, président de Weshinghouse, après la Edison Electric Institute International Utility Conference de Londres du 14 mars, cité par la Newsletters Platt's :
« For that reason, he said in an interview after the speech , he does not expect major new US nuclear regulations as a result. "We are going to evaluate everything that comes out of" the Japan situation, Perez said. "We believe that with the structure of the AP1000 [reactor] you would not see what's happening at Fukushima. The systems are very different. The AP1000 was designed to operate for weeks and weeks with no outside power »,
3. « l'EPR Certitudes ou Oeillères », Libération, 25 mars 2011,
Westinghouse : sécurité passive
Dès le début de la catastrophe, les différents médias tant européens qu'américain, ont mis en avant l'importance des systèmes de sécurité dit « passifs », assurant leur fonction sans source d'énergie externe. Ces systèmes auraient probablement permis d'éviter la surchauffe du réacteur dans les conditions survenues à Fukushima, à savoir la perte totale de toute alimentation électrique. La Nuclear Regulatory Commission (NRC), ainsi que d'autres experts cités vont plus loin dans l'orientation de la communication, prenant comme réacteur de référence l'AP1000 de Westinghouse.
A la fin de la Edison Electric Institute International Utility Conference du 14 mars à Londres, le président de Westinghouse, a déclaré que du fait de la réévaluation des normes de sécurité après le 11 septembre, il ne s'attendait pas à de nouvelles mesures majeures. «Nous allons étudier tous les retours de la situation japonaise. Nous croyons qu'avec la structure de l'AP1000, vous n'auriez pas vu ce qui passe à Fukushima. Les systèmes sont très différents. L'AP1000 a été conçu pour fonctionner pendant des semaines sans source d'énergie extérieure». Cela laisse entendre que l'AP1000 est presque parfait,
Westinghouse : communication d’influence ?
Dans les jours suivant, on constate une déstabilisation auprès de l'opinion publique, au sujet de l'EPR, Ce réacteur a des systèmes de sécurité essentiellement actifs, mais il possède un core-catcher, limitant fortement les conséquences d'une fusion du cœur. Or, pour les experts européens, la sûreté globale de ces deux types de réacteur est pratiquement là même.
Cette atteinte à l'image de l'EPR se retrouve dans les évolutions respectives des cours de bourse : moins 12% sur les actions Areva et moins 2% pour General Electric entre le 10 et le 24 mars. Areva marque la plus grosse perte de confiance des investisseurs au niveau européen. Au niveau mondial, en dehors des sociétés japonaises, son concurrent direct sur la gamme de réacteur à sécurité active, General Electric, n'est que peu touché par ces jeux boursiers.
L'intérêt de ce lobbying sur les systèmes passifs et la mise en avant en France des compétences de Westinghouse ne se limite pas aux marchés des futures centrales nucléaires. L'autre enjeu important des années à venir, mise en avant par la catastrophe de Fukushima, est la prolongation des centrales existantes. On compte environ 450 réacteurs dans le monde, qui représente un marché potentiel de 150 milliards d'euros pour les 10 à 15 ans à venir.
Là encore, Westinghouse se met en valeur en communiquant sur sa candidature auprès d'EDF pour le remplacement de générateurs de vapeurs de 11 réacteurs. Il confirme aussi son image de reconnaissance de compétence sur les terres d'Areva, Ce marché doit être conclu d'ici juin.
Areva et la solution française
La promotion médiatique de Westinghouse montre son intention d'augmenter son implantation dans le marché nucléaire européen et français. Dans les semaines à venir, les résultats des stress-test ainsi que la prise de nouvelles normes par les autorités de sûreté nationale auront un impact sur les opinions publiques. Il sera alors important de voir comment Areva et Westinghouse se positionneront médiatiquement.
Pour contrer ces attaques informationnelles, la tactique d'Areva pourrait être la promotion du réacteur Kerena. Il s'agit d'un réacteur faisant largement appel à des fonctions passives, dont le basic design est terminé mais qui n'est pas encore commercialisé. Ainsi Areva pourrait mettre en avant un plus grand choix qui permette une réponse individualisée aux impératifs techniques et économiques de chaque client.
Quid des centrales low cost
Il sera également intéressant d’étudier la communication des constructeurs low-cost (tels que les sud-coréens - APR 1400 ou les chinois - CPR 1000), accusés par les régulateurs européens pour faire passer le coût avant la sûreté. Les marchés occidentaux et japonais vont certainement se fermer à ce type de réacteur. Il restera alors la demande des pays émergents. Cependant, les effets d'un accident nucléaire ont une répercussion planétaire, de par les vents dominants. Cela n'amènera-t-il pas un concensus mondial, par l'AIEA ou un groupement d'autorités nationales de sûreté, d'interdiction des réacteurs low-cost au nom de la santé mondiale ? Certaines initiatives dans le cadre du G20 semblent actuellement le confirmer.
Emmanuel DENIS
1. Articles référents :
http://plattsenergyweektv.com/story.aspx?storyid=142237&catid=293
http://homelandsecuritynewswire.com/new-reactor-design-lessens-risks
http://www.technologyreview.com/energy/35100/?p1=MstRcnt&a=f
2. Mr PEREZ, président de Weshinghouse, après la Edison Electric Institute International Utility Conference de Londres du 14 mars, cité par la Newsletters Platt's :
« For that reason, he said in an interview after the speech , he does not expect major new US nuclear regulations as a result. "We are going to evaluate everything that comes out of" the Japan situation, Perez said. "We believe that with the structure of the AP1000 [reactor] you would not see what's happening at Fukushima. The systems are very different. The AP1000 was designed to operate for weeks and weeks with no outside power »,
3. « l'EPR Certitudes ou Oeillères », Libération, 25 mars 2011,