Christophe de Margerie en dérapage incontrôlé

Le Pdg de Total a visiblement oublié un certain nombre de principes élémentaires en pronostiquant un prix du litre d’essence à deux euros. Le pétrole est une matière première stratégique avant d’être le produit d’une entreprise privée aux actionnaires de toutes origines. Il est stratégique pour le fonctionnement de notre appareil de Défense, pour le maintien des activités élémentaires de la population sur le territoire (approvisionnement, transport, travail) et pour l’acheminement d’une partie de nos échanges commerciaux avec l’extérieur. En ne se positionnement que sur l’échiquier du marché et en omettant celui de la pérennité de la puissance de la France et celui de la survie de la population sur notre territoire, Christophe de Margerie perd la légitimité élémentaire qu’on attend d’un homme à ce poste de responsabilité. La question du pétrole est tridimensionnelle et elle l’a toujours été. L’approche du pétrole par le marché a toujours été la caractéristique de Total. A la différence de Total qui est plus orientée vers le raffinage et les aspects financiers de l’industrie pétrolière, son concurrent français Elf fut le fer de lance de la puissance française dans ce domaine dans les années 60/70/80. Jusqu’à la prise en compte stratégique du pétrole par le général de Gaulle au début de la Ve République, la France était sous la coupe des grandes compagnies pétrolières anglo-saxonnes. Conscient de la dépendance de la France en matière de pétrole, le général de Gaulle fit appel à Pierre Guillaumat, ancien des services secrets du BCRA durant la seconde guerre mondiale et qui fut aussi l’un des pères de la bombe atomique française au sein du Commissariat à l’Energie Atomique. Il prit la direction d’Elf Aquitaine qui devient la première compagnie pétrolière française. A cette époque, il existait un pilotage stratégique du pétrole qui dépendait avant tout de la décision politique et non des turbulences du marché. Sur ce point essentiel,  Christophe de Margerie a la mémoire très courte pour ne pas dire plus. Et l’évolution du monde actuel (crises géopolitiques autour du pétrole, approche géoéconomique de la Chine, déterminisme des États-Unis) ne confortent pas une approche à courte vue en termes de marché.
Christophe de Margerie fait semblant d’ignorer un facteur essentiel, à savoir que le prix de l’essence est aujourd’hui un élément aussi sensible pour une partie de la population française que le prix du pain lors des siècles précédents. Sans la France, Total ne serait rien d’autre  qu’une petite firme pétrolière qui n’aurait même pas pu bénéficier de l’extraordinaire concours de circonstance politique d’avoir pu absorber Elf. Sans la politique industrielle définie par le général de Gaulle, la France serait sous la dépendance totale des compagnies étrangères de pétrole ; Le marché n’est à ce niveau très basique de lecture que la dernière roue du carrosse en termes de priorité vitale pour le maintien de la cohésion nationale de ce pays.