Inde, Chine : Le piège des délocalisations

En délocalisant massivement, les entreprises occidentales sont tombées dans un piège soigneusement tendu par l’Inde et la Chine. L’ampleur du phénomène est soigneusement occultée par les dirigeants d’entreprises qui gardent le silence sur les coûts cachés de ces opérations. Les politiques nationales ou européennes menées jusqu’à présent pour maintenir l’emploi sur place et lutter contre ces délocalisations ont échoué. Elles ont même contribué à alimenter cette spirale de la délocalisation ; certaines entreprises étrangères ayant bénéficié des largesses publiques sans respecter leurs engagements en termes de créations d’emploi. Pourtant des solutions existent. L’Europe, la France ou encore les collectivités territoriales peuvent mener des politiques ambitieuses et concertées de redynamisation des territoires. Des expériences de relocalisation sont aussi menées par des entreprises françaises et européennes pour se rapprocher de leurs clients dans un contexte de renchérissement du coût du pétrole.

 

Les coûts cachés des délocalisations
Les entreprises qui délocalisent mettent souvent en avant les économies qu’elles réalisent alors que les coûts, en réalité élevés, sont soigneusement dissimulés : frais d’infrastructures et de déplacement supplémentaires, rallongement fréquent des délais, sécurité aléatoire des données qu’il s’agisse de protection intellectuelle ou de données personnelles... Une étude menée par Compass management Consulting a ainsi montré que la délocalisation  des activités dans des pays à faibles coûts salariaux ne permet que rarement d’atteindre des économies significatives.
Les coûts baissent en moyenne de 15% pendant les 18 premiers mois d’installation et augmentent ensuite de 30%.  Ces délocalisations induisent également des conséquences difficilement chiffrables pour les entreprises occidentales comme la concurrence déloyale d’anciens sous traitants locaux. En effet, la Chine et l’Inde ont su attirer les entreprises occidentales pour mieux les déposséder de leur savoir faire. Au début, la localisation consistait à recourir à une main d’œuvre peu qualifiée et peu cher pour des tâches sans valeur ajoutée. Mais le piège s’est vite refermé sur les entreprises occidentales lorsque celles-ci ont noué des partenariats avec des  sociétés locales ou installer leurs centres de recherche et développement dans ces pays à faibles coûts.
Des groupes tels que Danone ou Airbus ont appris cette règle d’or à leurs dépens. En transférant leur technologie aux Chinois, ils leurs permettent de devenir de véritables concurrents sur les marché nationaux et internationaux.
Les Etats occidentaux ont longtemps cru qu’ils pouvaient éviter les délocalisations en versant d’abondantes aides financières aux entreprises concernées par ces projets. L’expérience Daewoo dans la région de la Lorraine a marqué les esprits. Les subventions ont été perçues par l’entreprise Daewoo mais les délocalisations ont aussi eu lieu au mépris des engagements contractuels.

Les stratégies à mettre en œuvre pour lutter à armes égales
Les Etats, les collectivités territoriales ou encore l’Europe doivent cesser ce type d’actions pour mener une politique volontariste en faveur de l’innovation. L’objectif est de dépenser plus efficacement l’argent public en investissant d’abord dans les secteurs stratégiques qui assureront les emplois de demain. Les suppressions des aides inutiles dégageront des ressources pour les entreprises qui prennent de véritables engagements. Des fonds européens doivent être mobilisés pour favoriser une politique de recherche et d’innovation dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. Une meilleure harmonisation entre les différents acteurs publics doit également être menée au niveau de l’Union Européenne. Brefs, l’Europe doit cesser d’être un nain politique face à une Chine conquérante. L’Europe doit ainsi favoriser se protéger par des barrières douanières. L’idée serait ainsi de rétablir des échanges commerciaux équitables basés sur l’instauration de normes sociales ou environnementales. Les pistes sont là. Il faut du courage politique pour mener ces chantiers de demain.
Enfin, les entreprises doivent aussi, dans un contexte de renchérissement du coût du pétrole, faire le pari de la proximité et de la rapidité pour répondre aux exigences de leurs clients. Le groupe américain GAP, qui a choisi de faire fabriquer en Asie, réalise des bénéfices nettement inférieurs à ceux de l’Espagnol Zara qui renouvelle chaque semaine ses offres de vêtements avec des produits nouveaux. En France, le groupe de meubles Parisot et Décathlon ont déjà franchi le pas. Les jouets Smoby y réfléchissent encore. Certes, ces relocalisations ne sont pas nombreuses, mais elles attestent pourtant d'un changement profond des règles du jeu de la mondialisation. Une qualité qui laisse parfois à désirer, des produits trop standardisés, l'impossibilité de réapprovisionner les stocks rapidement… pour les entreprises françaises ou européennes qui ont fait le choix de produire à l'étranger.

Laurie Acensio