La crise politique porte atteinte à l'image du monde économique belge

Qu'il s'agisse de divergences partisanes, idéologiques ou politiques, le résultat reste identique : depuis le 13 juin 2010, la Belgique a un gouvernement qui gère les affaires courantes. Faut-il revenir sur l'histoire de ce pays pour comprendre un processus de fédéralisation qui termine sa course dans une impasse totale? Quoiqu'il en soit, cette impasse véhicule une image négative qui, à plus d'un titre, ne fait ni le jeux des entreprises belges, ni celui des investisseurs.
Culturellement riche de plusieurs communautés linguistiques, la Belgique n'a pu garder son caractère unitaire d'origine. Néerlandophones, francophones, germanophones ont chacun obtenu, au travers de quatre révisions constitutionnelles et de quelques lois spéciales, des attributions propres. L'Etat unitaire de 1830 s'est progressivement transformé en un Etat fédéral dans lequel règne l'équipollence. Tout cela semble clair et pourtant... Les entités fédérées belges ont la particularité de  s'imbriquer géographiquement : communautés et régions se chevauchent et donnent à Bruxelles (entité fédérée à part entière) une configuration digne de la théorie des ensembles.

Bref, le processus de fédéralisation qu'a mis en place la Belgique l'a conduite dans une impasse.
L'image de la Belgique véhiculée aujourd'hui dans le monde se résume à un Etat qui ne fonctionne plus. Une dépêche de l'agence de presse « Belga » du 27 janvier 2011 fait le tour du monde des médias qui fustigent la crise politique belge. Pays très ouvert sur l'extérieur, la Belgique est en train de perdre la face, de ternir son image à l'international. Quelles en seront les conséquences à long terme?
Très symboliquement, la devise de la Belgique (« L'Union fait la Force ») laisse aujourd'hui perplexe pour qui regarde la situation de l'extérieur. Qu'en est-il du monde économique, de la finance,...? En matière de finances publiques, la Belgique est montrée du doigt par l'Union Européenne : sa situation n'est pas très éloignée de celle de la Grèce, de l'Irlande ou du Portugal. Huit mois sans gouvernement, huit mois de négociations politiques infructueuses ne constituent a priori pas un terrain propice à l'amélioration de la situation économique du pays. Tout cela fait bonne presse dans les médias spécialisés notamment les plus crédibles et les plus diffusés (voir le Financial Times du 20 janvier 2011).

Le monde de l'entreprise n'est pas épargné par la situation. Le président de l'Union wallonne des entreprises, Jean-Pierre Delwart, l'a souligné le 27 janvier à l'occasion des vœux de nouvel an : « Nous constatons l'absence du sens de l'urgence et l'absence du sens des responsabilités ». Les craintes que partagent les entreprises belges sont celles des mouvements sociaux mais aussi d'une possible fédéralisation du système d'imposition. L'avenir de la Belgique étant incertain (accroissement fédéral, confédération, scission,...), les entreprises ne peuvent se positionner sur le long terme. En matière de stratégie, toutes les entreprises doivent se repositionner et imaginer tout un panel de scenarii possibles.
Les entreprises étrangères ne sont pas en reste. Comment évaluer l'avenir économique en Belgique? Le principe de précaution risque bien de trouver ses lettres de noblesse sur le marché belge. La situation actuelle n'attire pas les investissements étrangers qui, chaque jour, sont devant l'image détériorée de la Belgique véhiculée par les médias. Les marchés financiers commencent eux aussi à se méfier de la place belge. Les participations étrangères occupent une place de choix au sein des entreprises du BEL20, l'indice boursier belge. Des mouvements de capitaux, si la Belgique ne redresse pas la tête, ne sont pas à exclure. Les collusions financières franco-belges pourraient éventuellement y réagir.

La Belgique, de par son histoire et sa politique, s'est retrouvée dans une impasse institutionnelle. Ne pas sortir de cette impasse implique une diffusion mondiale d'une image négative, ternie. L'atteinte à l'image est une action subversive, une arme pour ternir la réputation d'une entreprise par exemple. Ici, c'est l'Etat belge lui-même qui se porte atteinte. Une atteinte d'un type nouveau peut-être mais qui concerne le monde économique, celui de l'entreprise, celui de la création de richesse, celui de la main d'œuvre... Il ne s'agit pas ici de guerre de l'information, mais l'état actuel de la Belgique, l'impact son image et la diffusion de celle-ci, porte atteinte à son tissus économique et laisse la porte ouverte à de multiples dérives.

 


Stéphane Mortier