Dans sa stratégie de développement asiatique, le groupe Carrefour a fait de l’Indonésie, après la Chine, une de ses priorités. Or l’année 2008 a été marquée par la mise en examen du groupe français par le KPPU (Business Competition Supervisory Commission), l’organisme indonésien de contrôle du marché. En effet, selon le KPPU, l’acquisition, pour une valeur de 54 millions d’euros, de 75 pour cent du groupe de grande distribution Alfa Retailindo place l’enseigne française en position monopolistique, lui permettant de contrôler 68 pour cent du marché amont (augmentation de 22 points), et 48,4 pour cent du marché aval (augmentation de 10,4 points).
Au-delà de la condamnation et de l’amende, le préjudice principal se joue en termes de réputation et d’influence. L’Indonésie représente en effet un enjeu stratégique majeur pour l’industrie de la grande distribution, et pour Carrefour en particulier :
Mais c’est sur le terrain de l’opinion publique que Carrefour risque le plus gros préjudice : la population indonésienne, après des décennies de dictature, d’atteintes aux libertés individuelles et de corruption, est très sensible au respect des lois, qu’il soit le fait des autorités publiques ou des entreprises locales et étrangères, qui plus est, dans un contexte de forte concurrence avec des groupes tels que Hero (Giant), Makro/Lotte ou encore Matahari (Hypermart).
De plus, Carrefour a déjà un lourd passif en Asie. En Indonésie, la compagnie a subi une première condamnation de 106822 euros en 2005 pour pratiques déloyales. En Corée du Sud, sur une affaire de rachat similaire à l’affaire Alfa, le KFTC (Korean Fair Trade Commission) condamne le groupe en 2006 à une amende de 1 millions d’euros pour pratiques monopolistiques, condamnation finalement annulée en appel.
Une nouvelle bataille juridique s’engage avec le KPPU qui aboutit d’abord en novembre 2009 à la condamnation de Carrefour à verser une amende de 2 millions d’euros et à revendre ses parts du groupe Alfa Retailindo à une valeur inférieure à son prix d’achat. Mais en février 2010, Carrefour remporte en appel la victoire finale, la South Jakarta District Court déclarant infondées les preuves produites par la KPPU.
Cette victoire de Carrefour Indonésie présente plusieurs intérêts stratégiques :
Mais c’est surtout sur le plan de l’opinion public que le groupe Carrefour a réalisé la meilleure opération : en restaurant son image et la légitimité de sa stratégie de développement, il a renforcé sa position de participant « à l’augmentation du niveau de vie générale » et s’est stabilisé par rapport à ses concurrents ; une position qui reste toutefois fragile, et qu’il s’agit de défendre de manière active, comme l’a montrée la réaction rapide de l’entreprise française face aux accusations de Greenpeace dans son brûlot Pulp the Planet, qui a particulièrement ému la population indonésienne, sensibilisée au respect de son patrimoine écologique.
Vincent Le Masson
Sources :
« KPPU, Carrefour trade dispute heating up », The Jakarta Post, 15 mai 2009.
“Editorial: modern retail industry thrives”, The Jakarta Post, 20 mai 2010.
“Retail giants compete for dominance in modern market”, The Jakarta Post, 31 mai 2010.
“Competition among retail giants heats up as shopping season begins”, The Jakarta Post, 19 août 2010.
“Carrefour objects to KPPU ruling”, The Jakarta Post, 7 octobre 2005.
“KPPU, Carrefour trade dispute heating up”, The Jakarta Post, 15 mai 2009.
« Carredour wins case against anti-monopoly watchdog », The Jakarta Post, 18 février 2010.
Au-delà de la condamnation et de l’amende, le préjudice principal se joue en termes de réputation et d’influence. L’Indonésie représente en effet un enjeu stratégique majeur pour l’industrie de la grande distribution, et pour Carrefour en particulier :
- L’Indonésie est le quatrième pays le plus peuplé au monde avec plus de 240 millions de personnes.
- La croissance de la classe moyenne indonésienne et de sa population urbaine (près de 60 pour cent de la population indonésienne aujourd’hui) présente une augmentation importante de la population ciblée par les hypermarchés.
- Selon l’Indonesian Retailers Association, les chaînes de grande distribution ont accru leur activité de 150 pour cent les cinq dernières années, alors que l’Aprindo (Association of Retail Business) évalue la croissance future du secteur à quinze pour cent par an.
- L’Aprindo évalue le revenu total du secteur à plus de 80 millions d’euros en 2010, pour 68 millions en 2009.
Mais c’est sur le terrain de l’opinion publique que Carrefour risque le plus gros préjudice : la population indonésienne, après des décennies de dictature, d’atteintes aux libertés individuelles et de corruption, est très sensible au respect des lois, qu’il soit le fait des autorités publiques ou des entreprises locales et étrangères, qui plus est, dans un contexte de forte concurrence avec des groupes tels que Hero (Giant), Makro/Lotte ou encore Matahari (Hypermart).
De plus, Carrefour a déjà un lourd passif en Asie. En Indonésie, la compagnie a subi une première condamnation de 106822 euros en 2005 pour pratiques déloyales. En Corée du Sud, sur une affaire de rachat similaire à l’affaire Alfa, le KFTC (Korean Fair Trade Commission) condamne le groupe en 2006 à une amende de 1 millions d’euros pour pratiques monopolistiques, condamnation finalement annulée en appel.
Une nouvelle bataille juridique s’engage avec le KPPU qui aboutit d’abord en novembre 2009 à la condamnation de Carrefour à verser une amende de 2 millions d’euros et à revendre ses parts du groupe Alfa Retailindo à une valeur inférieure à son prix d’achat. Mais en février 2010, Carrefour remporte en appel la victoire finale, la South Jakarta District Court déclarant infondées les preuves produites par la KPPU.
Cette victoire de Carrefour Indonésie présente plusieurs intérêts stratégiques :
- Elle permet à la compagnie de « se blanchir » auprès des organismes de contrôles de la République indonésienne.
- Elle possède toute la légitimité pour poursuivre sa politique de développement locale, alors que d’autres groupes, comme Unilever, se trouvent victimes des règlements de plus en plus draconiens du marché indonésien.
Mais c’est surtout sur le plan de l’opinion public que le groupe Carrefour a réalisé la meilleure opération : en restaurant son image et la légitimité de sa stratégie de développement, il a renforcé sa position de participant « à l’augmentation du niveau de vie générale » et s’est stabilisé par rapport à ses concurrents ; une position qui reste toutefois fragile, et qu’il s’agit de défendre de manière active, comme l’a montrée la réaction rapide de l’entreprise française face aux accusations de Greenpeace dans son brûlot Pulp the Planet, qui a particulièrement ému la population indonésienne, sensibilisée au respect de son patrimoine écologique.
Vincent Le Masson
Sources :
« KPPU, Carrefour trade dispute heating up », The Jakarta Post, 15 mai 2009.
“Editorial: modern retail industry thrives”, The Jakarta Post, 20 mai 2010.
“Retail giants compete for dominance in modern market”, The Jakarta Post, 31 mai 2010.
“Competition among retail giants heats up as shopping season begins”, The Jakarta Post, 19 août 2010.
“Carrefour objects to KPPU ruling”, The Jakarta Post, 7 octobre 2005.
“KPPU, Carrefour trade dispute heating up”, The Jakarta Post, 15 mai 2009.
« Carredour wins case against anti-monopoly watchdog », The Jakarta Post, 18 février 2010.