Guerre de l’information en Argentine

L'information c'est le pouvoir. Mais lorsque le pouvoir se retourne contre l'information, c'est le conflit. Cette guerre de pouvoir c'est celle qu'entretiennent le gouvernement Argentin avec le plus grand groupe de médias du pays, le groupe Clarin.
Le divorce remonte au 11 Mars 2008 lors de la crise mondiale des prix alimentaires. Afin de contenir la forte inflation, la présidente Cristina Fernández de Kirchner annonce l'augmentation des taxes à l'exportation des denrées alimentaires de base. Cette rétention sur les exportations heurte de plein fouet les intérêts des puissants propriétaires terriens et entrepreneurs du secteur agricole Argentin. La révolte du “campo” (la campagne) dans ce pays agricole par tradition ne se fait pas attendre, une grève généralisée est organisée pour bloquer le pays. Dans ce conflit naissant le groupe Clarin, véritable monopole médiatique constituée de journaux, radios, chaines de télévisions et fournisseur d’accès internet prend partie pour le secteur agricole auquel il est lié par des relations commerciales et s’oppose  ainsi aux médias officiels détenus par l’état.
Alors qu'un débrayage généralisé prend forme, le gouvernement accuse le groupe Clarin de montrer une vision biaisée de l'information qui pousse la population en faveur de la grève. Pour contrer l'influence de Clarin, le gouvernement se lance dans le conflit informationnel en développant une campagne graphique du nom de “Clarin ment!” ou “TN : Tout négatif“ (TN est une chaine de télévision du groupe Clarin). La particularité de cette campagne est de montrer des photos de Ernestina Herrera de Noble, la directrice du Groupe Clarin en compagnie de Jorge Rafael Videla (le président de dictature militaire de 1976 à 1981), trinquant ensemble lors de l'acquisition par Clarin de Papel Prensa.
Papel Prensa c’est encore aujourd’hui de loin la plus grande usine de papier journal du pays. Elle donne un avantage considérable à qui la détient, un prix du papier imbattable qui réduit de facto la concurrence des autres journaux. Nombreux furent les journaux qui firent faillite face à cette distorsion de la concurrence.
Le souci du rachat de Papel Prensa par Clarin soulevé par la campagne c’est qu’il semble s’être déroulé dans des conditions plus que sordides. L’ancienne propriétaire Lidia Papaleo déclare en effet avoir été menacée de mort par la junte militaire afin de l’obliger à vendre l’entreprise en majorité au groupe Clarin et en minorité à La Nacion deuxième journal du pays.
A cette information s’ajoute le fait qu’Ernestina Herrera de Noble est suspectée par la justice d’avoir adopté deux enfants qui seraient peut-être des enfants de disparus (les victimes de la dictature). Alors que Clarin continue à manipuler l'information en envoyant une image négative d’un gouvernement incompétent, omnipotent et manipulateur, ce dernier tente de garder le contact avec l'opinion par le biais des médias officiels en diabolisant Clarin tout en essayant de promulguer une loi limitant les monopoles dans les médias. La réponse de Clarin ne s’est pas fait attendre, le groupe dénonce un abus manifeste de l’état pour persécuter injustement des médias et ses dirigeants dans une démonstration d’autoritarisme menaçant la liberté d’expression et le reste des libertés individuelles. Les deux camps savent parfaitement utiliser l’art de la polémique sur fond de dictature.
Les ennuis du groupe Clarin ne font que commencer, si la loi passe le groupe devra se défaire de nombreux médias et de moyens de communication. De plus une inculpation en justice par le gouvernement remet en cause l’acquisition frauduleuse de Papel Prensa par Clarin et La Nacion.
Cependant la confrontation avec la puissance informationnelle de Clarin et sa campagne axée sur un gouvernement autoritaire semble avoir considérablement affaibli le gouvernement et rendu la population particulièrement sceptique. Fin aout une enquête a été réalisée auprès des argentins. 52,8% de l’opinion déclare que le conflit concernant Papel Prensa est pour contrôler l’information et seulement 16,1% ont relevé l’hypothèse que cela soit lié aux droits de l’homme.