Angela Merkel souhaite une Allemagne forte. Cette phrase n’est pas anodine ; Elle officialise le discours de puissance que l’Allemagne revendique de plus en plus au grand jour. La feuille de route du gouvernement Fillion ressemble, en comparaison, à une déclaration de l’armée du Salut. Quand la France aura-t-elle le courage de regarder la vérité en face ? Telle est la question qui se pose après le remaniement ministériel. Les commentaires de l’opposition n’ont pas dépassé le niveau du café du commerce. Un tel vide dans le débat confirme un peu plus l’image d’un pays aux accents munichois.
Ne pas avoir de stratégie de puissance équivaut aujourd’hui à un sabordage pur et simple sur l’échiquier des nations. Beaucoup de francophiles déplorent à l’étranger que les élites françaises baissent les yeux et manquent de courage. Mais on a les politiques que l’on mérite. Les éternels discours sur la relance de la croissance et la défense de l’emploi ne remplacent pas une stratégie de puissance. Les plus futés du microcosme parisien répliqueront qu’une telle démarche se mène en silence. Erreur, Berlin se défait des liens de la seconde guerre mondiale pour revendiquer une volonté stratégique consensuelle d’une Allemagne forte et indiquer à ses citoyens la voie à suivre. Pour faire face au monde de l’après guerre froide, il faut être conquérant, pas pleurnicheur ou baratineur.
Combien de divisions ? L’éternelle question de Staline revient sur toutes les lèvres. L’Allemagne a choisi de conserver une infrastructure industrielle compétitive, la France donne souvent l’impression de brasser du vent avec ses champions du CAC 40. Le constat est pourtant bien visible : le commerce extérieur est déficitaire, l’endettement non négligeable et ses territoires continuent inexorablement à se désindustrialiser. A la question : Qui détient les clés de l’avenir économique de l’Europe ? Les salles boursières répondent : c’est l’Allemagne, plus la France.
L’économie mondiale n’est pas un jardin d’enfant pacifié par les rencontres du G20. Ce décor digne de Catherine II de Russie n’impressionne plus personne, excepté peut-être les sherpas du pays organisateur. Le retour aux politiques protectionnistes est une évidence qu’il va falloir intégrer progressivement dans notre champ de vision.
On aurait pu croire que les partenaires commerciaux de l’Union européenne assouplissent leur politique de restriction des échanges alors que des signes de reprise présagent un début de sortie de crise. Mais, ce n’est pas ce que met en évidence le sixième et dernier rapport en date de la commission européenne sur les mesures potentiellement restrictives de ses échanges commerciaux.
Il semblerait que les engagements pris lors du G20, à Washington, en novembre 2008, et consistant à ne pas faire apparaître d’obstacles aux investissements et aux échanges de biens et de services, n’aient pas été respectés, bien au contraire, puisque le rapport dénombre chez les 30 premiers partenaires commerciaux de l’Europe, 278 mesures supplémentaires durant les 18 derniers mois.
Parmi les membres du G20, la Russie et l’Argentine sont les deux pays à avoir franchi la barre des 50 mesures depuis octobre 2008. L’Indonésie est quant à elle détentrice de plus de 30 mesures instaurées sur la même période.
L’Union européenne a à l’égard du protectionnisme une politique attentiste digne de la si efficace Société des Nations. Il devient pourtant primordial pour l’Union Européenne de muscler sa politique envers les mesures potentiellement restrictives qu’instituent les adversaires commerciaux qu’elle nomme ses partenaires.
Les observateurs avisés estiment que l’Europe ne peut tenir que si l’Allemagne industrielle tient. Les autres ne sont plus que des compagnons de route, France comprise. En parlant de la France, les économistes Benoit Maffei et Jack Forget établissent un constat sans appel dans l’ouvrage qui vient de sortir chez Economica , L’Europe survivra-t-elle à la mondialisation ? : »L’impuissance économique, financière et géopolitique constitue l’horizon indépassable de l’action politique d’une puissance moyenne qui ne peut pas dissocier son destin de celui de l’Europe face au renouveau de la puissance asiatique ».