Le remplacement programmé du matériel roulant du Métro de Montréal peut être qualifié de « comédie d’erreurs » de la part des responsables québécois qui n’ont fait que conforter la stratégie d’alliance d’Alstom.
Cette comédie se compose en deux actes. Le premier commence le 11 mai 2006 lorsque le gouvernement du Québec demande à la Société de Transport de Montréal (STM) de négocier de gré à gré avec le constructeur ferroviaire canadien Bombardier pour une livraison qui aurait dû commencer en 2010. La société Alstom, écartée de la négociation, contre-attaque en déposant une requête en juin 2006 auprès de la Cour supérieure du Québec qui intime l’interruption des négociations de gré à gré. Après presque deux ans de procédure, la Cour oblige en janvier 2008 la STM à procéder par appel d’offre. Ce premier épisode se solde par la victoire d’Alstom qui parvient finalement à s’unir avec Bombardier au sein d’un consortium.
Le second acte reprend dans un contexte de négociations difficiles entre la STM et le consortium Alstom-Bombardier, ce dernier refusant de diminuer le prix de la commande qu’il évalue à 1,8 milliards alors que l’estimation initiale était de 1,2 milliards. Pour diminuer le coût de la rame, la STM se voit alors contrainte d’augmenter la commande en passant de 342 à 765 voitures. Suite à ce changement substantiel, la STM s’appuie sur une clause contractuelle pour interrompre les négociations et publier le 22 janvier 2010 un avis d’intention sur le marché international. Deux constructeurs répondent à l’appel : la Zhu Zhou et la Construcciónes y Auxiliar de Ferrocarriles (CAF), deux constructeurs ferroviaires chinois et espagnol. S’inscrivant à la place de favorite, la CAF présente l’avantage de répondre aux demandes techniques, contrairement à la société chinoise, et de pouvoir proposer un prix bien en deçà de celui exigé par le consortium Alstom-Bombardier. Mais contre toute attente, le gouvernement québécois revient sur son appel d’offre et décide en octobre 2010 de finalement attribuer le contrat de remplacement des voitures de métro de Montréal au consortium Alstom-Bombardier. Sous la menace d’un recours juridique de la CAF et de la Zhun Zhou, le gouvernement québécois se voit contraint le 5 octobre 2010 de déposer un projet de loi spéciale pour empêcher la remise en cause cette désignation. Bombardier et Alstom remportent de fait le marché du renouvellement du métro de Montréal.
Plusieurs conclusions peuvent être tirées de cette série d’événements abracadabrantesques :
De graves erreurs qui portent à faux le gouvernement devant la communauté internationale :
La principale erreur du gouvernement, détenteur à hauteur de 75% de la STM, n’est pas d’avoir tenté d’écarter Alstom des négociations en 2006 ; ni même d’avoir fait la même erreur en octobre 2008 à l’égard de la CAF, alors qu’elle aurait pu lui faire économiser 500 millions d’euros par rapport à l’offre du consortium. Cette erreur n’est pas non plus d’avoir tenté de protéger son industrie au détriment de la concurrence étrangère. C’est encore moins d’avoir à aller jusqu’à recourir à une mesure de protectionnisme ouverte telle qu’une loi, au risque de créer un dangereux précédent que ses voisins ne manqueront pas de lui rappeler.
L’erreur majeure du gouvernement québécois est d’avoir totalement omis un facteur temps qui compte tenu du vieillissement croissant des rames de métro, s’avérait décisif. En tentant de faire jouer la concurrence, le gouvernement a dû subir la participation d’Alstom aux cotés de Bombardier, il a perdu quatre ans en procédure pendant lesquels le maintien du service de transport s’est retrouvé menacé.
Malgré cet enchaînement d’erreurs graves, le gouvernement québécois peut au moins se prétendre à l’abri de l’OMC dont les règles n’ont pas vocation à s’appliquer à un appel d’offre lancé par une municipalité.
Une stratégie d'alliance exemplaire de la part d'Alstom :
Alstom peut se vanter d’être le grand gagnant de cette série d’événements en tournant à son profit la précipitation du gouvernement québécois dans sa prise de décisions. Le point critique de cette stratégie se situe en 2008 lorsqu’il arrive à se gravir aux cotés de Bombardier au sein du consortium, suite à une procédure judiciaire de presque deux ans, période pendant laquelle il ne s’est pas privé de demander auprès de la Cour supérieur la suspension des négociations. Protégé à l’instar d’un poisson pilote par ce consortium, Alstom conforte ainsi sa position.
La manœuvre est à son comble lorsque le consortium retarde le succès des négociations en refusant de revoir son prix à la baisse sans augmenter la quantité de la commande. Enfin, Alstom se relève être en 2010 d’une persévérance rare lorsqu’il parvient à pousser le gouvernement québécois derrière ses derniers retranchements, au moyen de campagne de communication agressives à son encontre et à celle de la CAF.
Empêtré dans ses erreurs, le gouvernement québécois n’a alors plus d’autre choix que d’accepter les conditions du consortium.
Florian COULON