Maroc - Tunisie : la guerre des cahiers

Afin de préparer leur intégration à la zone commerciale euro méditerranéenne, le Maroc, la Tunisie, l'Égypte et la Jordanie  signent l’accord d’Agadir de libre échange, Agadir Free Trade Agreement  (AFTA). En validant celui-ci, sur le marché du cahier scolaire marocain, les papetiers étaient loin d’imaginer  ses fâcheuses conséquences sur leurs affaires. En 2008, seulement une année après la rentrée en vigueur de cet accord, la FIFAGE (Fédération marocaine de l’Industrie des Arts Graphiques et de l’emballage) demande la mise en place de mesures protectionnistes contre ses homologues tunisiens qui, en quatre ans, se sont accaparés 40% des parts de son marché.
L’industrie du cahier scolaire tunisien bénéficie de subventions de l’Etat qui lui permettent d’exporter le surplus de production à des prix imbattables. Elle est accusée de « dumping » car, en effet, les Tunisiens ne réalisent que 10% de valeur ajoutée sur leurs cahiers au lieu des 40% prévus par les termes de l’accord d’Agadir. La politique des prix est certes déterminante. Cependant, elle s’avère insuffisante à elle seule pour expliquer ce succès. Derrière la percée du marché marocain se cache SOTEFI, le premier fabricant de cahiers scolaires en Tunisie. Ce dernier se distingue par sa stratégie de communication et d’image. Alors, qu’il est difficile de trouver des informations sur les industriels marocains, SOTEFI diffuse, via son  site internet www.sotefi-selecta.com, des données claires concernant sa production et son développement. En Occident, cette démarche semblerait banale.  Toutefois sur cette région, peu d’entreprises de cette taille et du même secteur ont fait de même. Les fabricants marocains, quant à eux, sont absents de la toile. Le papetier tunisien a, par ailleurs, opté pour un mode de communication moderne. Il s’adresse à sa cible via un profil Facebook et encourage les jeunes consommateurs les plus créatifs à contribuer à la réalisation des couvertures de cahiers.
En matière d’image, SOTEFI dispose d’un écolabel PEFC, Programme de Reconnaissance des Certifications Forestières, qui favorise une gestion durable des forêts. Le fabricant a, également, conclu un partenariat avec l’UNICEF pour  la distribution de cahiers aux enfants démunis. Le succès des cahiers scolaires tunisiens a pu, enfin, être facilité par une certaine psychologie peu patriotique du consommateur marocain. Les produits locaux par leur bas prix sont destinés aux moins favorisés qui, afin de se démarquer, ont une appétence particulière pour les produits d’importation. Certains échos laisseraient entendre que les Tunisiens mènent discrètement et de manière régulière des enquêtes- terrain sur le consommateur marocain.
La FIFAGE, ayant pris conscience de ses points faibles, vient d’amorcer un long travail sur sa stratégie. Mais, les Tunisiens ont, à aujourd’hui, largement gagné cette bataille. Le  cahier scolaire fait partie de la longue liste des secteurs sur lesquels le Maroc et la Tunisie sont en concurrence. Au-delà de  la conquête des marchés de la zone en question, la rivalité entre les deux pays s’inscrit dans  une course vers le titre de « l’économie la plus dynamique de la région ». Le but pour ces deux États étant de séduire les économies occidentales et optimiser leur positionnement dans un contexte de guerre économique mondiale.

Maria Erouihane

Sources :
http://www.sotefi-selecta.com
http://www.aujourdhui.ma/couverture-details62525.html
http://www.afrik.com/article14668.html
http://www.magharebia.com/cocoon/awi/xhtml1/fr/features/awi/features/2008/05/30/feature-01
http://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_d'Agadir
http://www.bladi.net/forum/242344-leconomie-marocaine-devance-tunisienne-selon-deutsche
Journaux  Marocains : LE MATIN, AUJOURD’HUI