La manipulation de l’information sur les SMP en Afghanistan

La présidence afghane a annoncé le 3 octobre 2010 l’interdiction pour huit sociétés militaires privées (SMP) d’opérer en Afghanistan. À l’inverse des analyses faites et reprenant les propos du porte-parole officiel, cette décision n’est pas le signe d’une reprise en main des destinées du pays. C’est en réalité une manœuvre du président pour favoriser les SMP dirigées par ses proches en interdisant les concurrents, quitte à rebaptiser ces sociétés familiales pour qu’elles ne correspondent pas aux appellations interdites.
Le 18 août 2010, un décret stipule que les SMP seront interdites en Afghanistan d’ici fin 2010. Les observateurs se réjouissent de la volonté de limiter les ingérences étrangères et d’interdire des sociétés sulfureuses. Comme le rappelle Georges-Henri Bricet des Vallons, c’est mal connaître le contexte. En effet, les SMP sont autant étrangères que locales (avec plusieurs joint-ventures américano-afghanes ou anglo-afghanes) et tenir cette promesse en temps contraint est réellement impossible pour une coalition dépendante de leurs services.
Mais à ces rectifications, il est nécessaire d’ajouter que c’est la recherche de profits, logique commerciale et non humaniste ou politique, qui explique surtout cette décision. En effet, de nombreuses sociétés de sécurité sont aux mains de magnats appartenant au clan Karzai. C’est le cas d’Asia Security Group dirigé par Hashmat Karzai, cousin du président, ou Watan Risk Management d’Ahmed Rateb Popal et Rashid Popal, deux frères et cousins de Karzai.
La liste des SMP interdites confirme que cette décision est bien une aide présidentielle à visée économique et une nouvelle fissure pour des raisons économiques dans les relations Kaboul-Washington. En effet, les sociétés du clan Karzai ne sont pas visées et des concurrents directs sont évincés. C’est le cas de majors américaines comme Xe Services et NCL Holdings Llc, ou des firmes afghanes comme White Eagle Security Services et Abdul Khaliq Achakza. Toutes ces firmes détiennent d’importants contrats que les entreprises proches du pouvoir pourront à l’avenir se partager librement. Alors ce décret, outil de lutte contre l’instabilité et la corruption ou arme économique non-avouée ?

Florent de Saint Victor
Site Internet : http://mars-attaque.blogspot.com.

Sources :
Heidi VOGT et Rahim FAIEZ, « Afghan starts to close private security firms », Associated Press, 03 octobre 2010.
Georges-Henri BRICET des VALLONS, « Afghanistan : un démantèlement en trompe l’œil », Libération, 25 août 2010.