EDF face au protectionnisme américain

EDF, qui s'est dit « surpris et consterné de ce choix unilatéral ». Le but de cette alliance portait notamment sur la construction de réacteurs EPR de troisième génération dans l'Etat du Maryland (ou Constellation Energy détient la Baltimore Gas and Electric Company).

 

En reprenant l'historique de cette fusion on s'aperçoit que malgré des enjeux de taille pour le Maryland, étrangement, beaucoup d'obstacles institutionnels se sont dressés les uns après les autres, ne facilitant pas la coentreprise de Constellation Energy et d'EDF. Pourtant la construction de ces réacteurs EPR  entrainait la création de 4000 emplois et le  maintien de 400 pendant l'exploitation. De plus elle devrait aussi remédier aux besoins cruciaux en électricité de cet état. En effet, selon le ministère américain de l'énergie (DoE) les besoins du Maryland en électricité vont augmenter de même que la consommation américaine va augmenter de 0,8% par an. Aux Etats-Unis la part de l'énergie d'origine nucléaire est de 20 %. Elle est de 26 % au Maryland. Selon des estimations des milieux professionnels, les Etats-Unis devront construire 35 nouveaux réacteurs pour conserver cette part de 20% d'électricité produite par le nucléaire, ce qui représenterait un investissement de quelque 280 milliards de dollars

Pierre Gadonneix le PDG de EDF à l'époque se félicite du deal puisque selon lui « Constellation bénéficie de fondamentaux solides et de perspectives de développement qui, pour EDF et beaucoup d'autres, sont nettement sous-évalués par la proposition de MidAmerican ».

Dès le départ EDF ne peut détenir que 49,9 % des actifs nucléaires puisque selon la loi américaine une entreprise étrangère ne peut détenir plus dans les entreprises de ce domaine qui ont un intérêt stratégique évident.  EDF voulait contourner cet obstacle en s'alliant à des fonds d'investissement mais du fait de la crise cela n'a pas pu se réaliser et EDF a dû se contenter de moins de 50 %.

Puis en juin 2009 l'Etat du Maryland suspend le projet car il estime que son accord préalable est nécessaire du fait de la particularité de cette industrie ainsi qualifiée d'utilité publique. Et de la «  substantielle influence que pourrait exercer EDF dans la gestion de groupe. Pourtant sur le site de EDF lors de la publication de la nouvelle de on peut lire que « L'offre d'EDF n'est soumise à aucune condition de financement. EDF veillera à rester en contact étroit avec les autorités de l'État du Maryland, même si l'accord de la Commission de Service Public du Maryland n'est pas requis. L'opération n'est pas soumise à l'approbation des actionnaires de Constellation ».

Baltimore Gaz and Electricity pour l'hiver 2009.

Constellation  menaçait de ne participer à sa construction qu'à hauteur de 25 % et non 50 % comme annoncé dès le départ.

EDF semble-t-il s'est brulé les ailes pour avoir cru pouvoir s'approcher si près du soleil nucléaire américain. Ce qui pourrait consoler EDF dans l'abandon forcé de son projet de rêve américain est l'instabilité de l'environnement législatif concernant la politique énergétique aux Etats Unis. En effet,  le Sénat vient de repousser l'examen de l'American Clean Energy and Security Act qui a été voté par la chambre des représentants en 2009 mais dont l'examen vient d'être ajourné par le sénat faute d'une majorité de 60 voix. Il s'avère donc que le nucléaire n'est pas si bon marché que cela  étant donné le bas prix des énergies fossiles, du fait notamment de la découverte de grandes réserves de schiste dont on peut extraire un gaz et qui pourrait constituer 50 % de la production des énergies fossiles d'ici 2040. Le nucléaire serait devenu une énergie plus rentable si cette loi avait été adoptée puisqu'elle aurait eu pour conséquence d'alourdir le prix des énergies fossiles. En effet le principe de ce projet de loi est de réduire l'émission de gaz à effet de serre en établissant un droit à polluer limité, sanctionné par des pénalités financières en cas de non-respect.

Enfin, en 2009 Henry Proglio a remplacé Pierre Gadonneix l'initiateur du projet, et il apparaitrait que celui-ci voudrait délaisser les Etats-Unis au profit de pays émergents.  Des rumeurs ont également circulées sur le fait que l'Elysée aurait fait pression sur EDF pour qu'elle abandonne le projet. Rumeurs démenties des deux côtés bien entendu.

Clémence Le Chatelier