La contre-offensive chinoise sur les marchés financiers

Au cours des débats parlementaires américains sur la réforme de la régulation financière, l’information filtrait que Standard and Poors (S&P) avait l’intention de dégrader la note de solvabilité de sa consœur Moody’s. La loi votée, la note à court terme de Moody’s est effectivement passée à A-1 ce qui signifie en termes clairs qu’elle reste certes solvable mais avec des perspectives préoccupantes. S&P se justifie, entre autres, en arguant du fait que les nouvelles règles feraient peser un risque économique important sur les résultats financiers de Moody’s. Hormis le fait que la loi s’applique à tous, la dégradation de la note à court terme ne semble pas cohérente lorsque le texte voté et promulgué demande des études d’impact et de faisabilité s’échelonnant entre 2 à 5 ans. La tactique de S&P consisterait alors à pointer du doigt le mouton noir, espérant ainsi, se dédouaner d’une responsabilité dans la survenance de la crise.
Certes, Moody’s est soupçonnée d’avoir été trop clémente voire partiale, mais les autres agences ne sont pas exemptes des mêmes accusations. On peut également envisager que S&P a des vues sur sa consœur : Moody’s est la seule agence cotée en bourse. En position de faiblesse, elle pourrait être rachetée par sa concurrente dans une stratégie d’expansion, à l’heure où les voix d’autres agences se font entendre et tendent à donner un nouveau « la ». Car un nouveau joueur fait son entrée sur la table des agences de notation : la chinoise Dagong Global Credit Rating publie son premier rapport de notation de crédit souverain, et dévoile ainsi une vision alternative de la capacité de remboursement des États. Elle bouleverse le jeu en dégradant la note de nombreux pays dont la France, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Alors qu’on soupçonne les deux agences américaines de contribuer à assurer une suprématie économique factice, Guan Jianzhong, président de Dagong, a déclaré durant une conférence de presse à Beijing que le système de notation actuel, « donne des informations relatives au classement du crédit erronées, et ne réussit pas à refléter les changements qui interviennent dans les capacités de remboursement de la dette » avant d’ajouter : « Nous voulons faire des classements réalistes et impartiaux et marquer un nouveau début dans la réforme du système mondial de notation, qui est irrationnel »; on peut se demander dans quelle mesure l’action de Dagong Global Credit Rating ne sert pas les intérêts chinois et de son gouvernement dont elle est proche. Enfin, il faut prendre en compte que les nombreux investissements chinois à l'étranger seront davantage enclins à suivre une recommandation chinoise qu’américaine ou européenne.

Gaëlle Fautrat