Le Brésil tend à occuper une place centrale depuis une vingtaine d’années sur la scène régionale d’Amérique Latine, notamment d’un point de vue énergétique. L’envergure et la modernité économique représentent pour le « géant vert » le moyen d’accroître sa souveraineté dans le cadre des jeux d’influence qui ont lieu dans la région. Son poids, sa dimension et son ancienneté lui confèrent un statut à part dans le sous-continent américain. C’est donc assez naturellement qu’il a accédé à un leadership régional, le président brésilien Lula Da Silva souhaitant donner à son pays un rôle dominant dans le processus de régionalisation du continent sud-américain. Afin de mieux comprendre dans quelle logique se situe la stratégie de puissance du Brésil, il s’agit de se positionner dans le contexte d’intégration régionale voulue par les pays moteurs du développement régional, à l’image de l’Union des Nations Sud Américaines (Venezuela, Argentine, Bolivie…).
afin de promouvoir une intégration économique du continent basée, sur le développement des biocarburants. Il a proposé au Mexique, au Honduras, au Nicaragua, à Panama et à la Jamaïque des accords de coopération dans le domaine de la production de l’éthanol, un biocarburant considéré comme une alternative au pétrole qui nécessite de grandes surfaces cultivables. Le président vénézuélien Hugo Chavez quant à lui, a réalisé une tournée parallèle avec pour objectif de proposer sa propre vision basée sur la sécurité énergétique et les hydrocarbures. Lula Da Silva relève le gant d’une alliance stratégique large où les intérêts bien compris de l’ensemble des pays d’Amérique Latine seraient censés coïncider avec les intérêts de chacun. On peut y voir un affrontement diplomatique au cours duquel les deux dirigeants les plus charismatiques d’Amérique Latine se livrent à un jeu d’influence afin de s’imposer comme leader. Dans ce contexte, le Brésil préfère une stratégie basée sur ses avancées technologiques et sur sa capacité à diversifier les sources d’énergie renouvelables dont il dispose en abondance.
La stratégie énergétique du « bioénergie »
malgré ses ressources abondantes, certains spécialistes estiment que le Brésil pourrait être en pénurie d’énergie d’ici quelques années. Cette pratique habile est aussi l’un des principaux facteurs de constitution et de renforcement de l’axe « Sud-Sud », mais aussi le moyen d’asseoir la suprématie du Brésil sur le reste des pays d’Amérique Latine. L’attention au biodiesel, quant à elle, est récente et consacrée par une loi de janvier 2005, autorisant d’une manière facultative, l’incorporation de 2% de biodiesel dans le diesel fossile, rendue obligatoire depuis le 1er janvier 2008. Cette stratégie est une manière de faire face aux variations du prix du pétrole et de promouvoir le biocarburant dans une logique d’indépendance vis-à-vis de ses voisins.
Quelle souveraineté énergétique ?
afin de conclure pour la construction de cinq centrales hydroélectriques en coopération avec des entreprises brésiliennes, dont deux d’entre elles seront financées entièrement par la « Banque de Fomento du Brésil ». Alors que les Etats-Unis ont toujours voulu profiter des réserves d’énergie des pays d’Amérique Latine, aujourd’hui ce rôle est tenu par l’UNASUR, la stratégie du Brésil étant de s’affirmer comme puissance énergétique centrale par le biais de l’intégration économique. La politique énergétique du Brésil implique ainsi l’appropriation de ressources naturelles, qui se traduira par un accroissement de la pression sur les frontières agricoles et par une augmentation du prix des terres.
Créer la dépendance des pays voisins
Le MERCOSUR avait pour première mission de renforcer la recherche d’autonomie économique et politique permettant d’amplifier le poids politique du Brésil. Par exemple, l’usine hydroélectrique d’Itaipu est une réponse à la demande en énergie de deux pays (le Brésil et le Paraguay), tout en les liants d’amitié par un projet commun. Ce barrage a permis au Paraguay d’amorcer son électrification.
Etre au cœur des jeux d’influence avec les autres pays d’Amérique Latine et capter leurs ressources énergétiques afin de contribuer à leur dépendance vis-à-vis de l’offre brésilienne sont des éléments qui nous permettent précisément d’analyser la stratégie de puissance du « géant vert ». Le choix de l’agro-énergie, en tant que nouvelle matrice énergétique « renouvelable » constitue le socle d’une stratégie d’accroissement de puissance, tout en renforçant le modèle de développement rural, axé sur les cultures industrielles pour l’exportation, et donc permettre au Brésil, par la même occasion, d’accéder à la souveraineté alimentaire.
Marie-Anne Cervoni