Notre société actuelle de consommation « surfe sur la vague » et nous incite à grands coups de publicité et de slogans à consommer plus responsable quitte à dépenser plus pour une juste cause telle la protection de l'environnement (gamme développement durable), plus sain (gamme bio) ou bien pour une plus juste répartition des profits (gamme équitable).
Pour cette dernière, la tendance a réellement commencé en 1988 avec la création du label Max Havelaar. Le commerce équitable est aujourd'hui fortement reconnu en France avec 93% de français qui le connaissent et 52% qui connaissent spécifiquement le label Max Havelaar et ses marques.
Intéressons nous au produit phare, le café, qui a lancé le commerce équitable, pour les conso'acteurs que nous sommes. Agissons-nous et aidons-nous finalement les producteurs de café en achetant ce produit étiqueté équitable ou enrichissons-nous surtout un grand groupe ?
Max Havelaar, qui a vendu un volume de 7082 tonnes de café en France en 2008, applique un modèle d'achat aux petits producteurs via des coopératives à un prix minimum fixe depuis 1988 (depuis 1992 en France). Ce prix minimum de $1,21 par livre qui s'aligne sur le cours de l'arabica à la bourse de New York et du robusta à la bourse de Londres n'est en aucune façon indexé par pays et par conséquence non indexé sur le coût de la vie locale de ces producteurs. En effet, un dollar n'a pas la même valeur au Mexique qu'en Ouganda.
Max Havelaar semble conscient du problème qu'il illustre dans son rapport annuel de 2007, où il explique que cette année là, malgré une hausse du cours de l'arabica et du robusta historiquement haute avec un dollar défavorable, les producteurs du Pérou ont eu une perte de 42% des gains estimés. Nous nous apercevons donc que la rigidité du système n'est pas à la faveur des producteurs et les « emprisonne » dans un système fixé à l'origine du label.
Max Havelaar a ainsi réagi en augmentant le prix minimum d'achat. Ce réajustement est donc passé à $1,26 la livre ce qui correspond à une augmentation réelle de 4% ce qui est bien loin de couvrir la perte des producteurs du Pérou.
Le rapport annuel oublie juste de souligner que la ré-évaluation fait suite à une étude réalisée par un syndicat de petits producteurs afin de démontrer que les prix du label étaient en deçà des coûts de production d'où une perte sèche. Le label Max Havelaar et les marques qui l'exploitent s'intéressent-elles réellement au gain ou à la perte financière de ces producteurs ?
Est-ce un signe d'essoufflement du système et un retour programmé à l'appauvrissement de ces producteurs sachant qu'une partie des pays dans lesquels le café équitable est produit à une inflation importante voire à deux chiffres depuis plusieurs années.
Certes les producteurs ont toute liberté soit de ne pas adhérer soit d'adhérer au label par l'intermédiaire d'une coopérative si tant est qu'ils aient les moyens financiers de rejoindre le label. Pour quelles justes raisons l'adhésion au label doit-elle être à la charge du producteur et non du label qui en tire profit puisque l'équitable est son argument de vente ?
Considérons les options pour un producteur hors système labellisé: lorsque le cours du café est bas, c'est à dire en dessous du prix minimum fixé, il sera donc fortement pénalisé et aura tendance naturelle à vouloir rejoindre le label d'autant plus si le cours reste bas suffisamment longtemps. Lorsque les cours sont hauts, le producteur hors système profitera d'une rémunération proche de celui dans le label mais toujours en deçà. Il y a dans tous les cas une forte incitation à rejoindre le label freiné par le coût d'adhésion et de maintien.
Dans la charte du label, il est précisé que la provenance du café doit être au moins égal à 50% des grains des coopératives certifiées. Il serait donc intéressant que les marques du label Max Havelaar communiquent sur la part de café non labellisé acheté au prix du cours donc moins cher dans tous les cas. La tendance naturelle est que le volume de café non labellisé acheté soit proche de 50% lorsque les cours sont bas pour maximiser les gains.
Oubliant les déboires de ces producteurs, le conso'acteur que nous sommes sait-il que potentiellement la moitié de notre paquet de café n'est pas « équitable » et que malgré tout, nous sommes acteurs d'un système que nous refusons.
Nous voyons donc que le modèle Max Havelaar est à parfaire en y introduisant une flexibilité régionale et surtout en ayant un système où les syndicats et coopératives du Sud puissent avoir une voix et un poids sur les décisions du label.
D'ici quelques jours, le 22 Avril 2010, nous allons voir le lancement opérationnel de la Commission Nationale du Commerce Equitable (CNCE) en France qui a été crée il y a maintenant 3 ans ! Elle va servir à agréer et par conséquent contrôler les organismes de label équitable tel que Max Havelaar.
La CNCE sera-t-elle capable de relever ce défi et avoir une légitime influence puisqu'elle ne pourra se passer de facto dans son giron des labels les plus reconnus par les consommateurs dont Max Havelaar fait parti et qui a reçu de 2000 à 2008 près de 5,8 M€ de subventions de l'Etat et de l'Union Européenne ?
Cette commission sera-t-elle capable de pouvoir prendre en compte les revendications de ces producteurs et sera-t-elle compétente pour agir ?
Le conso-acteur est-il bien conscient de la réalité de ce système de commerce dit « équitable » ou n'en a-t-il ou n'en veut-il avoir qu'une vision idéale pour boire son café « de l'espoir » en toute bonne conscience ?
Bruno Halopeau
Pour cette dernière, la tendance a réellement commencé en 1988 avec la création du label Max Havelaar. Le commerce équitable est aujourd'hui fortement reconnu en France avec 93% de français qui le connaissent et 52% qui connaissent spécifiquement le label Max Havelaar et ses marques.
Intéressons nous au produit phare, le café, qui a lancé le commerce équitable, pour les conso'acteurs que nous sommes. Agissons-nous et aidons-nous finalement les producteurs de café en achetant ce produit étiqueté équitable ou enrichissons-nous surtout un grand groupe ?
Max Havelaar, qui a vendu un volume de 7082 tonnes de café en France en 2008, applique un modèle d'achat aux petits producteurs via des coopératives à un prix minimum fixe depuis 1988 (depuis 1992 en France). Ce prix minimum de $1,21 par livre qui s'aligne sur le cours de l'arabica à la bourse de New York et du robusta à la bourse de Londres n'est en aucune façon indexé par pays et par conséquence non indexé sur le coût de la vie locale de ces producteurs. En effet, un dollar n'a pas la même valeur au Mexique qu'en Ouganda.
Max Havelaar semble conscient du problème qu'il illustre dans son rapport annuel de 2007, où il explique que cette année là, malgré une hausse du cours de l'arabica et du robusta historiquement haute avec un dollar défavorable, les producteurs du Pérou ont eu une perte de 42% des gains estimés. Nous nous apercevons donc que la rigidité du système n'est pas à la faveur des producteurs et les « emprisonne » dans un système fixé à l'origine du label.
Max Havelaar a ainsi réagi en augmentant le prix minimum d'achat. Ce réajustement est donc passé à $1,26 la livre ce qui correspond à une augmentation réelle de 4% ce qui est bien loin de couvrir la perte des producteurs du Pérou.
Le rapport annuel oublie juste de souligner que la ré-évaluation fait suite à une étude réalisée par un syndicat de petits producteurs afin de démontrer que les prix du label étaient en deçà des coûts de production d'où une perte sèche. Le label Max Havelaar et les marques qui l'exploitent s'intéressent-elles réellement au gain ou à la perte financière de ces producteurs ?
Est-ce un signe d'essoufflement du système et un retour programmé à l'appauvrissement de ces producteurs sachant qu'une partie des pays dans lesquels le café équitable est produit à une inflation importante voire à deux chiffres depuis plusieurs années.
Certes les producteurs ont toute liberté soit de ne pas adhérer soit d'adhérer au label par l'intermédiaire d'une coopérative si tant est qu'ils aient les moyens financiers de rejoindre le label. Pour quelles justes raisons l'adhésion au label doit-elle être à la charge du producteur et non du label qui en tire profit puisque l'équitable est son argument de vente ?
Considérons les options pour un producteur hors système labellisé: lorsque le cours du café est bas, c'est à dire en dessous du prix minimum fixé, il sera donc fortement pénalisé et aura tendance naturelle à vouloir rejoindre le label d'autant plus si le cours reste bas suffisamment longtemps. Lorsque les cours sont hauts, le producteur hors système profitera d'une rémunération proche de celui dans le label mais toujours en deçà. Il y a dans tous les cas une forte incitation à rejoindre le label freiné par le coût d'adhésion et de maintien.
Dans la charte du label, il est précisé que la provenance du café doit être au moins égal à 50% des grains des coopératives certifiées. Il serait donc intéressant que les marques du label Max Havelaar communiquent sur la part de café non labellisé acheté au prix du cours donc moins cher dans tous les cas. La tendance naturelle est que le volume de café non labellisé acheté soit proche de 50% lorsque les cours sont bas pour maximiser les gains.
Oubliant les déboires de ces producteurs, le conso'acteur que nous sommes sait-il que potentiellement la moitié de notre paquet de café n'est pas « équitable » et que malgré tout, nous sommes acteurs d'un système que nous refusons.
Nous voyons donc que le modèle Max Havelaar est à parfaire en y introduisant une flexibilité régionale et surtout en ayant un système où les syndicats et coopératives du Sud puissent avoir une voix et un poids sur les décisions du label.
D'ici quelques jours, le 22 Avril 2010, nous allons voir le lancement opérationnel de la Commission Nationale du Commerce Equitable (CNCE) en France qui a été crée il y a maintenant 3 ans ! Elle va servir à agréer et par conséquent contrôler les organismes de label équitable tel que Max Havelaar.
La CNCE sera-t-elle capable de relever ce défi et avoir une légitime influence puisqu'elle ne pourra se passer de facto dans son giron des labels les plus reconnus par les consommateurs dont Max Havelaar fait parti et qui a reçu de 2000 à 2008 près de 5,8 M€ de subventions de l'Etat et de l'Union Européenne ?
Cette commission sera-t-elle capable de pouvoir prendre en compte les revendications de ces producteurs et sera-t-elle compétente pour agir ?
Le conso-acteur est-il bien conscient de la réalité de ce système de commerce dit « équitable » ou n'en a-t-il ou n'en veut-il avoir qu'une vision idéale pour boire son café « de l'espoir » en toute bonne conscience ?
Bruno Halopeau