Les étranges dessous de l’affaire Toyota

Toyota s’effondre dans les affres de la mauvaise qualité. Toyota se prend les pieds dans le tapis du rappel de véhicules. La firme Toyota est condamnée pour avoir triché en omettant de prévenir les autorités des problèmes rencontrés. Les modèles de véhicules incriminés augmentent sans fin prévisible.
Les freins n’obtempèrent plus. L’accélérateur décide de vivre sa vie en toute autonomie. Les amortisseurs se fatiguent à la tâche. Les voitures dérapent dans les virages.
Les amendes pleuvent à coup de millions de dollars. Les Class Actions touchent modèle après modèle. Les journaux après avoir testé les voitures, non seulement constatent les défauts mais de plus, titrent en Une : « n’achetez pas le modèle Toyota XGFDNE 22.67H ».
Bref, le géant Toyota possède soudainement de bien frêles pieds d’argile après avoir dominé le monde de son arrogance.
Comment se fait-il que les champions, voire même les inventeurs des normes de qualité ISO 9000 qui régissent aujourd’hui le monde industriel, en soient arrivés à de tels déboires ? L’appât du gain aurait-il in fine été plus fort que le souci du client ? Le champion du service et de la qualité automobile serait-il devenu inopérant sur ces performances d’hier ? Et ceci…. uniquement sur le marché américain !
La presse américaine serait-elle au service de l’industrie automobile ? Le marché américain se distingue des autres marchés par le fait que les géants historiques et mondiaux de l’automobile que sont GM, Ford et Chrysler ont été challengés par ces nippons d’outre-Atlantique dont Toyota est le fer de lance.
La contestation de leur suprématie a été effective sur tous les domaines, mais le symptôme marquant et qui enfonce sa dague quotidienne dans le flanc des grands patrons est la part de marché. 74% pour les 3 grands GM/Ford/Chrysler en 1995 et 43% en 2008. De plus quand GM vend plus de 3 fois plus de voitures que Toyota en 1978, GM est dépassé par ce même en 2008. 2008, l’année où tout s’effondre.
Cette année où les 3 grands réalisent que leurs modèles d’automobile caractérisés par l’American Way of Life, ne correspondent plus au marché. Gros consommateur d’énergie et par la même gros pollueur, ce business modèle ne fonctionnait plus depuis déjà longtemps. La crise a permis aux occupants des bureaux des derniers étages de GM et Ford de s’en rendre compte. C’est bien dommage parce que Toyota depuis la fin des années 90 lançait non seulement des moteurs économes, mais aussi la technologie Hybride (essence ET électricité). La voiture verte !
La contestation nippone du modèle économique américain lui-même. Ford a inventé avec Taylor, économiste émérite, un modèle de production et un modèle de société basé sur la séparation des tâches et les gros volumes de production. N’importe quelle couleur, pourvu qu’elle soit noire. Le 2ème modèle économique fut créé par Sloan, président de GM qui inventa la production de pièces communes à plusieurs modèles. Réduction des couts et invasion du marché. Bravo. En revanche, en 1974, Toyota invente lui, avec le principe de Linéarisation de la Production la fabrication d’automobiles non seulement à bas prix mais aussi de Qualité. Accessoirement, il remet le client au centre. Le modèle Toyodien gagne définitivement la bataille pour terminer 1er mondial et 1er sur le marché américain en 2008.
2008, année cruciale. Année apocalyptique et révélatrice. Tout s’effondre et par voie de conséquence, les écarts de performances entre GM et Toyota s’accentuent encore plus. Le 1er bénéficiaire des aides de l’Etat américain du programme « cash for chuckers » est Toyota qui draine 20% des 2.878 milliards de $ quand GM et Ford ne profitent respectivement que de 18 et 14%.
C’en est trop. Prise de part de marché. Invention d’un nouvelle modèle de production. Razzia des fonds d’aide à l’industrie. C’en est trop.
Alors s’organise une formidable campagne d’amplification de problèmes. L’accélérateur se coince mettant en danger une grand-mère … à 5km/h au moment de se garer ! Le câble de maintien de la roue de secours sous la voiture peut rouiller. Imaginer la roue folle venant à votre rencontre ! Et la semaine dernière, le luxueux 4X4 Lexus fleuron de la gamme, dérape dans les virages quand ils sont pris trop rapidement ! C’est intolérable, ces voitures qui mettent la vie des passagers en danger. Arrêtons de les acheter titre le bien connu magazine Consumer Report en prévenant que depuis 2001 jamais, il n’avait averti ces lecteurs de cette façon. Pensez comme la situation est grave… aux États-Unis seulement !
Pourquoi tant de haine dans ce monde de brut ? Certes Toyota va souffrir, mais sa part de marché reviendra au niveau qu’il a eu après avoir fait amende honorable, payer sa dette, s’être incliné devant la commission parlementaire, répété à longueur de spot publicitaire que le client est son « only concern ». Bien managé, cette campagne de crise sera coûteuse mais certainement victorieuse. Surtout après que Consumer Report admettra peut-être in fine que tout est bien dans le meilleur des mondes, comme il vient de le faire envers Suzuki pour une campagne de dénigrement sur la sécurité lancée en … 1988 !
La réponse à la question se trouve certainement sur un autre plan aux enjeux plus ambitieux. La bataille de l’automobile ne se joue pas aux États-Unis où les volumes sont stables, mais sur le marché asiatique où la Chine représente un marché de 9 millions de véhicules en 2008. Un marché où GM possède déjà la plus grosse part de marché des constructeurs présents en Chine avec 1 million de véhicules devant VW et surtout Toyota dont les ventes culminent à moins de 500.000 véhicules.
Mais cette suprématie embryonnaire se voit fortement contesté à moyen terme compte tenu des volontés affichées par les autorités chinoises pour des voitures non polluantes de type hybride. Quand on a impérativement besoin de temps pour développer cette technologie quoi de plus pratique qu’une bonne campagne à retentissement américano-chinois pour ralentir le développement de la 1ère menace que représente Toyota. Surtout quand le responsable de la qualité chez Toyota aux États-Unis, M. Steve St. Angelo a travaillé de 1974 au sortir de l’université jusqu’à 2001 chez… GM.