En France, la consommation de médicaments est l’une des plus élevées du monde. Plus de la moitié des Français déclarent pratiquer l’automédication. De ce constat, le 30 juin 2008, le décret “médicaments de médication familiale”, a autorisé en officine la vente en libre accès de certaines spécialités d’automédication.
En pleine crise économique, la grande société de distribution Édouard Leclerc a lancé des spots publicitaires incitant à la vente de médicaments dans les supermarchés et ce malgré l’avis défavorable du bureau de vérification publicitaire. A l'origine de la polémique, les médicaments y sont présentés comme des produits de luxe : « avec l’augmentation du prix des médicaments, soigner un rhume sera bientôt un luxe ». Le PDG Édouard Leclerc a même annoncé lors d’une communication de presse qu’il ferait baisser de 25% les prix si ces médicaments étaient distribués dans ses magasins. Cette attaque frontale cible les officines françaises et non le monopole du pharmacien.
Bien entendu l’ordre des pharmaciens a réagi. Par la voix de son président, il a appelé à ne pas confondre médicaments et marchandises et évidemment pharmaciens et chefs de rayon. Les antagonistes se sont alors livrés une virulente bataille de publicité. La dernière offensive de 2009 diffusée par le site « se soigner moins cher » de Leclerc, s’appuie sur un film animé par Michel Field. Ce mois d’avril 2010, le jugement de la procédure en référé, relative au spot publicitaire de 2008 sur les médicaments, vient tout juste d’être rendu, en faveur de Leclerc. La Cour d'appel de Colmar a estimé que la plainte déposée était sans fondement et a débouté les trois groupements de pharmaciens.
En une année, la vente libre en pharmacie de 150 médicaments d’usage courant à prescription facultative est déjà effective. En l’espace de deux jours, Roselyne Bachelot s’interrogeant sur la pertinence en vente libre sur Internet, passe à l’action comme le confirme ses communiqués de presse les échos – RTL des 8 et 9 avril 2010. En 2011, certains produits vendus en automédication, non remboursables et sans ordonnance (dits OTC) pourraient être vendus sur Internet.
Quid des engagements pris à l’Assemblée Nationale ?
La démarche de vente par d’autres systèmes de distribution était dénoncée par Mme La ministre de la Santé : « si la tentative symbolisée par le distributeur Leclerc prospérait, elle conduirait à la banalisation d’un produit qui n’est pas justement un produit banal. En toute circonstance qu’un médicament soit prescrit ou non, qu’il soit remboursé ou non, un médicament est une substance efficace, qui a des indications, des contre indications et des effets secondaires. Il faut donc que la personne qui décide d’acheter ce médicament, est la possibilité de recevoir un conseil pharmaceutique si elle le désire. »
Les officines mettent en garde sur notre capacité de détection des vraies et des fausses pharmacies qui vendront sur le Web des produits éventuellement dangereux pour notre santé. Dans le cadre du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS), l’Assemblée vient d’adopter deux amendements bouleversant le marché français du générique en obligeant les médecins à prescrire des médicaments génériques - sous peine de sanctions - et en autorisant les laboratoires à produire des copies conformes aux médicaments princeps.
En effet de 2008 à 2009, le développement des médicaments génériques a généré un peu moins de 2 milliards d’euros d’économies pour l’Assurance Maladie. Cette économie liée à la progression du marché des génériques représente aujourd’hui presque un quart des boites de médicaments remboursées. Pour 2010, la CNAM souhaite atteindre un taux de 80% de pénétration des génériques sur le répertoire en cours et affirme sa volonté de porter l’effort de substitution sur les molécules récemment inscrites au répertoire dont le potentiel d’économie est avéré.
L’offensive des groupes pharmaceutiques
Ils acquièrent par millions d’euros des filiales de génériques porteurs. Récemment, Novartis par sa filiale Sandoz a compris l’enjeu d’acquérir des activités de génériques et lance successivement deux opérations : l’opération d’avril 2010 pour la société pharmaceutique américaine Oriel Therapeutics et celle de mai 2009 d’Ebewe Pharma. Novartis se garantit ainsi les droits exclusifs sur un portefeuille de médicaments génériques candidats et de technologies contre l’asthme et les maladies pulmonaires chroniques (COPD).
La synchronisation temporelle des réglementations européennes et d’actions intelligentes des groupes pharmaceutiques rend légitime l’interrogation suivante : y a-t-il eu tentative ou réelle influence des lobbyings pharmaceutiques ?
De fait, l’État a relancé finalement l’économie de l’industrie pharmaceutique en pleine crise financière et ce malgré sa décision de réduction des dépenses de santé en faisant peser le poids de la production sur d’autres acteurs au nom du principe de précaution.
Le déremboursement des médicaments risque d’avoir des répercussions sur le maillage pharmaceutique des 23000 officines réparties sur le territoire national car il peut entraîner la fermeture d’officines. Une note d’espoir subsiste - suite à la remise du rapport Attali, le chef de l’Etat Nicolas Sarkozy se prononce sur la polémique grande distribution et pharmacie « on ne peut pas tout réduire à la seule question des tarifs », il conclut l’aménagement du territoire est une priorité aussi importante pour le consommateur.
La réaction des mutualistes
Depuis la fin 2009, les mutualistes contre attaquent à partir des décisions liées à la sécurité sociale : ils décident a minima d’augmenter le niveau des cotisations pour leurs adhérents, voir de ne plus rembourser les vignettes oranges. Interviewé par Les Echos, le président Jean-Pierre Davant de la mutualité Française, a demandé aux mutuelles de ne pas les prendre en charge. Selon lui "Soit un médicament est utile et il faut le rembourser, a-t-il fait valoir, soit il ne l'est pas et il ne faut pas le rembourser." Avertissant le gouvernement à propos de la taxe d’un milliard d’euros sur les complémentaires/santé, il précise si elle est « pérennisée, elle pèsera sur le pouvoir d’achat des ménages. Car les mutuelles seront obligées de compenser ce prélèvement en relevant les cotisations ».
Le désengagement de l’Etat a conduit les mutuelles à se repositionner pour ne pas supporter seuls les risques de santé en augmentant tout d’abord de 5% les cotisations en 2010 et en les incitant à ne plus rembourser les vignettes oranges à 15% sur un argumentaire démagogique fondé sur un leurre de caution indirecte par la Haute Autorité de Santé (HAS).
Depuis le 19 avril 2010, la mutualité française nous informe sur la thématique du médicament par Priorité Santé Mutualiste : bon usage du médicament, taux de remboursement à 15%, automédication, génériques et dénomination commune internationale. En composant simplement le 39 35, une vingtaine de millions d’adhérents bénéficiant de ce service, peuvent être informés sur le médicament par ses médecins délivrant des informations claires et validées scientifiquement par les autorités sanitaires. Vous avez pris l'habitude de prendre l'un des produits dé remboursés ? Dans la plupart des situations, des solutions existent selon la Mutualité Française pour s'en passer. Laure Lechertier, sa responsable du département politique du médicament, précise « certains traitements peuvent avantageusement être remplacés par des mesures d'hygiène de vie ».
Quant aux consommateurs au statut enterré de patients, ils commencent à s’organiser. Ils opèrent à petite échelle un contre pouvoir afin de donner une vision des écarts de prix au niveau national par un Comparsanté mis en ligne. Les internautes s’y inscrivent gratuitement pour partager les prix de médicaments mentionnés sur les boîtes achetés. Dans un contexte croissant de déremboursement des médicaments et d’économie nationale sur les dépenses de santé, il est aisé de comprendre l’utilité de la démarche pour les patients.
Dans un passé récent, les officines ont réalisé de très bonnes affaires grâce à la manne des médicaments non remboursables. Il faut se souvenir que dans les pharmacies, les prix des médicaments non remboursés ont subi des augmentations et des variations pas toujours justifiées. Les officines ne peuvent désormais plus compter sur le soutien de l’opinion publique, qui sera de plus en plus amené à mettre en concurrence les officines. Autant dire que dans l’avenir, les malades vont se ruer dans tout nouveau point de vente concurrentiel afin de faire des économies. L'arrêt de la Cour de Colmar tombe à pic : il indique l'absence de toute concurrence déloyale en matière de parapharmacie. Aucun élément de comparaison ne peut être opéré entre une officine vendant ses produits au détail et un groupe vendant ses produits dans ses parapharmacies, ainsi Leclerc s'est vu reconnaître ses droits à la liberté d'expression du distributeur.
Dès qu’un médicament sort du système du prix réglementé par l’assurance maladie, les laboratoires retrouvent leur liberté ainsi que tous les acteurs de la chaîne y compris l’Etat qui applique une TVA de 5,5% pour les médicaments non remboursés et de 2,1 % lorsqu’ils sont remboursés…
Moria Effroy
En pleine crise économique, la grande société de distribution Édouard Leclerc a lancé des spots publicitaires incitant à la vente de médicaments dans les supermarchés et ce malgré l’avis défavorable du bureau de vérification publicitaire. A l'origine de la polémique, les médicaments y sont présentés comme des produits de luxe : « avec l’augmentation du prix des médicaments, soigner un rhume sera bientôt un luxe ». Le PDG Édouard Leclerc a même annoncé lors d’une communication de presse qu’il ferait baisser de 25% les prix si ces médicaments étaient distribués dans ses magasins. Cette attaque frontale cible les officines françaises et non le monopole du pharmacien.
Bien entendu l’ordre des pharmaciens a réagi. Par la voix de son président, il a appelé à ne pas confondre médicaments et marchandises et évidemment pharmaciens et chefs de rayon. Les antagonistes se sont alors livrés une virulente bataille de publicité. La dernière offensive de 2009 diffusée par le site « se soigner moins cher » de Leclerc, s’appuie sur un film animé par Michel Field. Ce mois d’avril 2010, le jugement de la procédure en référé, relative au spot publicitaire de 2008 sur les médicaments, vient tout juste d’être rendu, en faveur de Leclerc. La Cour d'appel de Colmar a estimé que la plainte déposée était sans fondement et a débouté les trois groupements de pharmaciens.
En une année, la vente libre en pharmacie de 150 médicaments d’usage courant à prescription facultative est déjà effective. En l’espace de deux jours, Roselyne Bachelot s’interrogeant sur la pertinence en vente libre sur Internet, passe à l’action comme le confirme ses communiqués de presse les échos – RTL des 8 et 9 avril 2010. En 2011, certains produits vendus en automédication, non remboursables et sans ordonnance (dits OTC) pourraient être vendus sur Internet.
Quid des engagements pris à l’Assemblée Nationale ?
La démarche de vente par d’autres systèmes de distribution était dénoncée par Mme La ministre de la Santé : « si la tentative symbolisée par le distributeur Leclerc prospérait, elle conduirait à la banalisation d’un produit qui n’est pas justement un produit banal. En toute circonstance qu’un médicament soit prescrit ou non, qu’il soit remboursé ou non, un médicament est une substance efficace, qui a des indications, des contre indications et des effets secondaires. Il faut donc que la personne qui décide d’acheter ce médicament, est la possibilité de recevoir un conseil pharmaceutique si elle le désire. »
Les officines mettent en garde sur notre capacité de détection des vraies et des fausses pharmacies qui vendront sur le Web des produits éventuellement dangereux pour notre santé. Dans le cadre du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS), l’Assemblée vient d’adopter deux amendements bouleversant le marché français du générique en obligeant les médecins à prescrire des médicaments génériques - sous peine de sanctions - et en autorisant les laboratoires à produire des copies conformes aux médicaments princeps.
En effet de 2008 à 2009, le développement des médicaments génériques a généré un peu moins de 2 milliards d’euros d’économies pour l’Assurance Maladie. Cette économie liée à la progression du marché des génériques représente aujourd’hui presque un quart des boites de médicaments remboursées. Pour 2010, la CNAM souhaite atteindre un taux de 80% de pénétration des génériques sur le répertoire en cours et affirme sa volonté de porter l’effort de substitution sur les molécules récemment inscrites au répertoire dont le potentiel d’économie est avéré.
L’offensive des groupes pharmaceutiques
Ils acquièrent par millions d’euros des filiales de génériques porteurs. Récemment, Novartis par sa filiale Sandoz a compris l’enjeu d’acquérir des activités de génériques et lance successivement deux opérations : l’opération d’avril 2010 pour la société pharmaceutique américaine Oriel Therapeutics et celle de mai 2009 d’Ebewe Pharma. Novartis se garantit ainsi les droits exclusifs sur un portefeuille de médicaments génériques candidats et de technologies contre l’asthme et les maladies pulmonaires chroniques (COPD).
La synchronisation temporelle des réglementations européennes et d’actions intelligentes des groupes pharmaceutiques rend légitime l’interrogation suivante : y a-t-il eu tentative ou réelle influence des lobbyings pharmaceutiques ?
De fait, l’État a relancé finalement l’économie de l’industrie pharmaceutique en pleine crise financière et ce malgré sa décision de réduction des dépenses de santé en faisant peser le poids de la production sur d’autres acteurs au nom du principe de précaution.
Le déremboursement des médicaments risque d’avoir des répercussions sur le maillage pharmaceutique des 23000 officines réparties sur le territoire national car il peut entraîner la fermeture d’officines. Une note d’espoir subsiste - suite à la remise du rapport Attali, le chef de l’Etat Nicolas Sarkozy se prononce sur la polémique grande distribution et pharmacie « on ne peut pas tout réduire à la seule question des tarifs », il conclut l’aménagement du territoire est une priorité aussi importante pour le consommateur.
La réaction des mutualistes
Depuis la fin 2009, les mutualistes contre attaquent à partir des décisions liées à la sécurité sociale : ils décident a minima d’augmenter le niveau des cotisations pour leurs adhérents, voir de ne plus rembourser les vignettes oranges. Interviewé par Les Echos, le président Jean-Pierre Davant de la mutualité Française, a demandé aux mutuelles de ne pas les prendre en charge. Selon lui "Soit un médicament est utile et il faut le rembourser, a-t-il fait valoir, soit il ne l'est pas et il ne faut pas le rembourser." Avertissant le gouvernement à propos de la taxe d’un milliard d’euros sur les complémentaires/santé, il précise si elle est « pérennisée, elle pèsera sur le pouvoir d’achat des ménages. Car les mutuelles seront obligées de compenser ce prélèvement en relevant les cotisations ».
Le désengagement de l’Etat a conduit les mutuelles à se repositionner pour ne pas supporter seuls les risques de santé en augmentant tout d’abord de 5% les cotisations en 2010 et en les incitant à ne plus rembourser les vignettes oranges à 15% sur un argumentaire démagogique fondé sur un leurre de caution indirecte par la Haute Autorité de Santé (HAS).
Depuis le 19 avril 2010, la mutualité française nous informe sur la thématique du médicament par Priorité Santé Mutualiste : bon usage du médicament, taux de remboursement à 15%, automédication, génériques et dénomination commune internationale. En composant simplement le 39 35, une vingtaine de millions d’adhérents bénéficiant de ce service, peuvent être informés sur le médicament par ses médecins délivrant des informations claires et validées scientifiquement par les autorités sanitaires. Vous avez pris l'habitude de prendre l'un des produits dé remboursés ? Dans la plupart des situations, des solutions existent selon la Mutualité Française pour s'en passer. Laure Lechertier, sa responsable du département politique du médicament, précise « certains traitements peuvent avantageusement être remplacés par des mesures d'hygiène de vie ».
Quant aux consommateurs au statut enterré de patients, ils commencent à s’organiser. Ils opèrent à petite échelle un contre pouvoir afin de donner une vision des écarts de prix au niveau national par un Comparsanté mis en ligne. Les internautes s’y inscrivent gratuitement pour partager les prix de médicaments mentionnés sur les boîtes achetés. Dans un contexte croissant de déremboursement des médicaments et d’économie nationale sur les dépenses de santé, il est aisé de comprendre l’utilité de la démarche pour les patients.
Dans un passé récent, les officines ont réalisé de très bonnes affaires grâce à la manne des médicaments non remboursables. Il faut se souvenir que dans les pharmacies, les prix des médicaments non remboursés ont subi des augmentations et des variations pas toujours justifiées. Les officines ne peuvent désormais plus compter sur le soutien de l’opinion publique, qui sera de plus en plus amené à mettre en concurrence les officines. Autant dire que dans l’avenir, les malades vont se ruer dans tout nouveau point de vente concurrentiel afin de faire des économies. L'arrêt de la Cour de Colmar tombe à pic : il indique l'absence de toute concurrence déloyale en matière de parapharmacie. Aucun élément de comparaison ne peut être opéré entre une officine vendant ses produits au détail et un groupe vendant ses produits dans ses parapharmacies, ainsi Leclerc s'est vu reconnaître ses droits à la liberté d'expression du distributeur.
Dès qu’un médicament sort du système du prix réglementé par l’assurance maladie, les laboratoires retrouvent leur liberté ainsi que tous les acteurs de la chaîne y compris l’Etat qui applique une TVA de 5,5% pour les médicaments non remboursés et de 2,1 % lorsqu’ils sont remboursés…
Moria Effroy