Le bisphénol A au cœur d’une guerre de l’information ?

Déjà en proie à plusieurs situations de crise, le bisphénol A (BPA) doit faire face, une fois de plus, à une nouvelle polémique. Le BPA est un composant chimique présent dans de nombreux récipients plastiques alimentaires dont notamment les biberons. Auparavant accusé d’être la cause de multiples maladies en provoquant par exemple des troubles endocriniens, gastriques et cancéreux, il s’avère être maintenant source de problèmes cardiovasculaires. En effet, selon une étude menée par la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES), une exposition élevée au BPA augmenterait les risques cardiovasculaires de manière significative. Rappelons à ce propos que la NHANES est le centre d’étude appartenant au National Center for Health Statistics (NCHS), division de l’agence fédérale américaine Centers for Disease Control and Prevention (CDC).
Cette conclusion est entre autre corroborée par l’étude menée par le Pr David Melzer, et son équipe, de l’Université d’Exeter du Royaume-Uni sur la relation entre le taux de bisphénol A dans l’urine et la survenue éventuelle de maladies cardiovasculaires.
Premier pays à régir sur ce sujet, le Canada a décidé depuis 2008 d’interdire l’utilisation du BPA alimentaire et a, de plus, stoppé la production de ce type de biberon. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA), qui est à la fois l’agence de contrôle des aliments et des médicaments, a décidé de réduire l’exposition de la population au BPA. Cela se traduit par un soutien aux fabricants de biberons sans BPA, la promotion de substances alternatives ainsi que le soutien à un cadre réglementaire plus contraignant. Comment réagit la France sur ce problème sanitaire ? Jusqu’à maintenant l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (Affsa) affirmait que les quantités de bisphénol A libérées dans le lait étaient inférieures aux seuils fixés par l’Europe. Étrangement, plusieurs personnes appartenant au comité d’expert de l’Afssa sur la question du BPA avaient des liens étroits avec l’industrie de l’agroalimentaire et de l’industrie chimique des matières premières dont par exemple Arkema, ancienne société du secteur chimique du groupe Total. De son côté le Réseau Environnement Santé (RES), regroupant des ONG (WWF, Objectif Bio …), des professionnels de la santé, des malades, des scientifiques, souhaite interdire le BPA en France. Au nom du principe de précaution, le RES appelle l’Afssa à relancer une étude sur le BPA en s’appuyant notamment sur la caisse de résonance des ONG.
Enfin, une réponse claire de l’OMS sur ce sujet se fait attendre. Celle-ci arrivera probablement au mois d’octobre 2010, suite au séminaire organisé conjointement par la FDA et l’OMS. Cette problématique sanitaire entourant le BPA soulève de grands enjeux économiques. Il existe donc bel et bien une guerre informationnelle qui concerne l’industrie de l’agroalimentaire, des matières plastiques et les lobbys écologiques et sanitaires. Ainsi, des parts de marchés sont à gagner. En effet, hormis les biberons, le bisphénol A est présent dans les boites de conserves, les ciments dentaires, les bouteilles réutilisables et certains appareils ménagers comme les bouilloires.

Thomas Rodier

Sources :
http://lagrandeinvasion.blog.lemonde.fr/category/bisphenol-a/
http://www.ast67.org/revuepresse/mars2009.pdf
http://www.slate.fr/story/7679/bisphenol-le-grand-bazar-des-biberons-en-plastique?page=0,0
http://www.who.int/foodsafety/chem/chemicals/bisphenol/en/index.html