Guerre de l’information autour du massacre de Khodjaly

De 1988 à 1994 a eu lieu dans la région du sud Caucase, un conflit opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan, pour le contrôle du Haut-Karabagh, territoire situé en Azerbaïdjan mais peuplé à majorité d’Arméniens. La guerre s’est soldée par une défaite humiliante pour l’Azerbaïdjan. Le conflit a atteint son intensité macabre du 23 au 26 février 1992 avec le massacre de Khodjaly, causant selon les autorités azéries la mort de 613 personnes dont 106 femmes et 83 enfants. L’Azerbaïdjan accuse l’Arménie d’avoir commis un génocide. L’accusation a engendré une véritable guerre de l’information entre les deux pays. Leurs gouvernements ont utilisé comme caisse de résonnance : leurs diasporas, leurs médias, et des groupes ultranationalistes, sans oublier une intense activité de lobbying politique.
Les Arméniens accusent l’Azerbaïdjan d’être directement responsable de ce massacre, les soldats azéris auraient reçu l’ordre de tirer sur les civils de Khodjaly. L’Arménie s’appui sur les déclarations de l’ancien président et opposant politique Ayaz Moutalibov qui a confirmé que les forces arméniennes avaient dégagé un corridor pour laisser les civils s’échapper mais ces derniers auraient été bloqués par les forces azéries et se seraient retrouvés entre deux feux. Version confirmée par un journaliste azérie : Eynulla Fattulayev, aujourd’hui en prison. L’Arménie peut compter sur son importante diaspora en Europe et en Amérique du Nord qui apporte son soutien à Erevan par ses activités de lobbying (Collectif VAN…) et la création de sites d’informations comme Nouvelle d’Arménie, offrant des informations sur la guerre du Haut Karabagh ou le génocide arménien.
Le positionnement stratégique et les ressources énergétiques de Bakou, offre à l’Azerbaïdjan une certaine marge de manœuvre. Lors de ses voyages officiels le Président azerbaidjanais et les autres membres de son gouvernement en Europe ou en Amérique du Nord évoquent le génocide de Khodjaly. Bakou accuse les Arméniens d’être une nation de terroriste et compte sur le soutien d’Ankara ainsi que sur les actions de lobbying des hommes politiques turcs en sa faveur. L’Azerbaïdjan possède de nombreux sites d’informations comme APA dont les articles sont traduits en langue étrangère (anglais, français, russe, turc) et qui veulent fsaire passer les arméniens pour des terroristes. L’Azerbaïdjan peut aussi compter sur sa diaspora présente dans les pays occidentaux (Association des Etudiants Azerbaïdjanais en France ASEAF). Le gouvernement azerbaïdjanais possède d’ailleurs un ministère entièrement dédié aux relations entre Bakou et les diasporas. Le gouvernement azéri compte aussi sur la Fondation Heydar Aliyev dirigé par la First Lady Mehriban Aliyeva. La Fondation vise à promouvoir la culture et l’histoire de l’Azerbaïdjan dans le monde (bureaux de représentation en Roumanie, Russie, Turquie et aux Etats-Unis). Madame Aliyev représente également l’Azerbaïdjan au sein de l’UNESCO. Elle utilise son influence et ses réseaux pour défendre la position azérie concernant la résolution du conflit du Karabagh et les événements de Khodjaly.
Le fait que l’Arménie soit passé du statut de victime à celui d’agresseur et que le Karabagh a été reconnu par certains gouvernements et hommes politiques comme faisant partie intégrante du territoire azerbaïdjanais démontre la victoire de l’Azerbaïdjan sur l’Arménie dans la guerre de l’information. Une déclaration faite par Nazim Ibrahimov, chef du comité d’état pour le Travail avec la Diaspora azérie allait d’ailleurs dans ce sens d’ailleurs déclaré « Dans beaucoup d’organisations internationales l’Arménie a été reconnue comme un pays agresseur et le Karabagh a été reconnu comme partie intégrante de l’Azerbaïdjan. Maintenant le monde entier est conscient de la vérité sur les événements des Khodjaly et le terrible massacre. C’est la preuve de notre victoire dans la guerre de l’information ».