La Deutsche Bahn à l’attaque de la SNCF

Les rapports de force entre la SNCF et la Deutsche Bahn ne cessent de s’intensifier à mesure que la libéralisation du secteur ferroviaire européen prend de l'ampleur. La dernière étape est celle du trafic international passager (depuis le 13 décembre 2009).  Accusée en décembre 2008, d'avoir piraté le réseau internet de la SNCF pour débaucher des conducteurs français, la  Deutsche Bahn n’attaque pas de front la SNCF et multiplie les déclarations officielles de coopétition amicale dans les médias français. Cependant, outre Rhin, l’avancée française est considérée comme un acte hostile et Ulrich Homburg, responsable du transport passager de la DB, a déclaré : « Ce sera une bataille sanglante qui laissera des marques profondes dans les bilans ».  La Deutsche Bahn a une volonté d’augmentation de puissance et mène l’offensive en encerclant la SNCF. Ce fleuron français est la cible d’une campagne de déstabilisation portant sur plusieurs angles d’attaques :

Le FRET
La stratégie de la Deutsche Bahn est de bâtir un réseau européen de desserte pour faire des économies d’échelle en maitrisant les flux  rentable du secteur automobile. La DB deviendrait ainsi le leader Européen du FRET. La société Euro Cargo Rail (ECR), filiale française de fret ferroviaire de la Deutsche Bahn, (8 % de parts de marché en France) a déposé une plainte le 23 novembre 2009 auprès de l'Autorité de la concurrence pour « entrave au  développement de la concurrence ». ECR reproche à Fret SNCF de vendre ses prestations à des prix "prédateurs" (Les Échos), c'est à dire bien inférieurs à ses prix de revient.

Le transport international de passager
La Deutsche Bahn a aussi la volonté de se développer en Europe sur le marché des passagers. Malgré le premier échec de rachat par l‘entreprise allemande des 33% (minorité de blocage) détenus par la London & Continental Railways (LCR) lors du changement de statut d’Eurostar en Société Européenne (depuis le 1er Janvier 2010), la DB continue de négocier avec la LCR afin de bloquer la SNCF (détenant 62%). De toute façon,  les trains rapides allemands, ICE, passeront bientôt dans le tunnel sous la manche. La Deutsche Bahn concurrencera ainsi les Thalys et les Eurostar, en bouleversant le marché de la grande vitesse entre les métropoles européennes. Enfin, la Deutsche Bahn attaque la SNCF sur son territoire national en s’alliant avec les chemins de fers italiens pour réclamer l'ouverture à la concurrence du transport national des voyageurs dès 2012.
La guerre du rail devrait se déplacer sur l’échiquier géo-économique et faire appel au patriotisme économique puisque Ruediger Grube, PDG de la DB, demande une intervention de la chancelière auprès du président français. La SNCF devrait, de son côté, réfléchir un peu plus à ses failles organisationnelles et de communication et ne pas se limiter à une position de victime.

Florent Visse