2010 ne sera pas une année tranquille. L’augmentation du chômage, la sortie artificielle des statistiques américaines d’une population masculine importante de seniors qui ont renoncé à trouver du travail, la multiplication des mesures protectionnistes déguisées ou non, l’incapacité de l’Union européenne à se désenclaver du modèle et de la protection des Etats-Unis, la passivité des populations du vieux continent qui ont décroché pour l’instant de la prise de conscience politique la plus élémentaire ne font pas présager des lendemains qui chantent. Faut-il pour autant baisser les bras ? Certainement pas ! Les enjeux stratégiques sont clairs pour la France même si ils ne figurent pas dans les programmes et dans les discours politiques de l’UMP ou du PS. Il devient urgent de construire une économie de combat (comme l’a définie l’auteur américain Edward Luttwak), en particulier à l’égard de l’Asie. En parlant d’économie de combat, précisons qu’il ne s’agit pas de faire la guerre par d’autres moyens aux nouveaux entrants sur le marché mondial comme la Chine mais de se donner les moyens d’être largement plus présents que nous le sommes sur leurs marchés.
C’est la seule voie possible pour espérer combler le déficit récurrent de notre commerce extérieur par rapport à ce qu’il est convenu d’appeler désormais le cœur de la croissance de l’économie mondiale. Que cet objectif n’en soit pas un est une aberration de la politique française difficile à comprendre. Il ne s’agit pas d’emprunt ou de plan de relance mais de reconsidérer les bases de notre politique industrielle en sortant des ornières de la grille de lecture libérale qui affecte notre vision du monde depuis Napoléon III. Ce défi concerne autant le patronat que l’administration. Mais l’un comme l’autre pensent leur fonction comme on pensait la guerre à l’époque de l’inoubliable général Gamelin. Le repositionnement de nos entreprises en Asie implique un plan stratégique de moyen/long terme qui doit venir du politique et qui nécessite une concertation transversale entre les acteurs économiques concernés par cet enjeu. Autrement dit, l’heure est venue de cartographier les vecteurs offensifs de cette économie de combat.
Qu’avons-nous à vendre, dans les meilleures conditions et comment améliorer les termes de notre compétitivité à l’égard de l’Asie. Les vieilles recettes (voyage du Président de la République avec quelques patrons du CAC 4O et signature de «grands contrats ») ont montré leurs limites. Areva vient d’en faire la démonstration en ratant les contrats EPR en Arabie Saoudite et aux Emirats. Repenser un dispositif économique pour le rendre plus offensif et performant dans un monde qui est loin d’être sorti de la crise et où tous les coups sont subis consomme plus de temps qu’une opération de communication présidentielle à vocation électorale ou qu’un grand débat citoyen sur le bouclier fiscal pour ressouder les rangs de la gauche. Seulement voilà, pour l’instant c’est le silence radio.
A croire que tout cela n’est qu’un faux problème, que la France s’en sortira toujours, bref que nous avons encore largement de la marge avant de toucher le fond. Ces propos de café du commerce sont hélas parfois ceux que l’on entend dans les couloirs de l’Assemblée nationale. D’où va venir la rupture de digue ? Puisque c’est la seule condition pour qu’il y ait réaction ? Sans doute de l’appauvrissement d’une partie importante de la population. Le scénario est connu. Il est inscrit sur les tablettes des retombées politiques et sociales de la crise de 1929. Le problème est ce vide sidéral en termes de propositions concrètes et opérationnelles pour y faire front. Sans parler du consensus politique absolument nécessaire pour prendre des mesures qui réclament du temps dans leur mise en œuvre. La future campagne électorale risque d’être une caricature de plus de ce vide. C’est là l’indice non pas d’un malaise mais d’un contresens.
Christian Harbulot