Sur le chemin d’une petite guerre d’Algérie ?

Les chiffres du chômage ne sont pas la seule source d’inquiétude (près de cinq millions au total). Les huit millions de citoyens au niveau ou au dessous du seuil de pauvreté, les 751 quartiers sensibles, la désindustrialisation, le déclin économique de certains territoires, le déficit endémique du commerce extérieur, l’endettement du pays sont autant de constantes qui donnent de l’amplitude à un autre phénomène dont on ne parle sporadiquement que dans des faits divers : l’incapacité d’intégrer une partie de la population immigrée qui vit dans l’hexagone. Depuis une quinzaine d’années, l’accumulation des signaux symboliques (sifflements de la Marseillaise dans des stades, incidents violents dans des métropoles comme Marseille ou Paris sous des prétextes divers qui n’ont souvent rien à voir avec la vie politique ou sociale française) ont donné lieu ces dernières semaines à des images fortes qui ont été vues par beaucoup d’électrices et d’électeurs et bizarrement occultées par certains journalistes. Lors du débat sur France info du samedi 28 novembre 2009, Edwy Plenel a déclaré avoir honte de son pays à propos de la remarque raciste lancée par un policier d’une Compagnie Républicaine de Sécurité à un étudiant de Sciences Po. En revanche il ne dit rien sur les voitures brûlées et les heurts des supporters avec la police pour célébrer la victoire de l’Algérie sur l’Egypte dans le quartier des Champs Elysées. Au contraire, il souligne le caractère pacifique et festif de ces évènements.

Lumpenprolétariat. Un tel filtrage de l’actualité reflète une autocensure récurrente fondée sur un refus d’analyser les comportements déviants des individus qui ne sont pas du côté du pouvoir. Cette forme d’omerta médiatique est incomprise de la majorité silencieuse. Loin de défendre la démocratie, ces deux poids, deux mesures dans la morale politique faussent les grilles de lecture et alimentent les suspicions à l’égard de la presse.

paysans en URSS), de penser autrement (les arrestations de la Stasi en RDA), ou d’habiter les villes (Khmers rouges). Dans ces différents cas de figure, les médias de gauche ont mis beaucoup de temps à dénoncer ces crimes contre l’humanité. Aujourd’hui encore, la plupart des intellectuels issus de cette partie de l’échiquier politique dénoncent les crimes des totalitarismes de droite sans accepter de prendre en compte les crimes des totalitarismes de gauche. Ce choix les amène à une lecture très partielle et souvent hypocrite des rapports de force sociétaux et religieux.

Faire silence sur les actes de violence gratuite, qui sont pratiqués régulièrement par des jeunes de banlieue, revient à nier la réalité de risques de dérapage plus grave. La dégradation de la situation dans les zones urbaines est le premier jalon d’une crise majeure. Un des signes précurseurs est le détournement du regard des médias des contradictions au sein du peuple pour reprendre la formule célèbre de Mao Ze Dong. Le refus d’une certaine jeunesse d’origine immigrée de se reconnaître dans le drapeau français et les valeurs fondamentales de ce pays est un acte lourd de sous-entendus. Les sentiments antifrançais et parfois anti blancs exprimés par ces actes de violence gratuite peuvent à terme dégénérer. N’en déplaisent aux bienpensants, ils ont déjà une résonance non négligeable dans l’opinion publique. Ce qui n’est pour l’instant qu’une série d'incidents peut se transformer en situation de crise en cas de dérapage et d’affrontements. Dans une telle perspective, il n’est guère souhaitable d’assister à un match entre la France et l’Algérie lors de la prochaine coupe du monde de football en Afrique du Sud. On imagine dès à présent ce qui se passerait dans les rues de Paris et de Marseille à la suite du résultat. Certes, les Edwy Plenel et consorts pourraient détourner les yeux une fois de plus en omettant de parler des victimes et concentrer leur attention sur la joie des supporters des deux camps. Si la ligne du supportable est franchie, il sera alors trop tard pour réécrire l’histoire. La petite guerre d’Algérie qui sommeille dans l’hexagone depuis une quinzaine d’années peut résulter sans prévenir d’un tel processus de division conforté par l’autisme de journalistes borgnes,  « ni responsables, ni coupables ».


 

Christian Harbulot