Les enjeux de puissance autour du Delta du Niger

 

« Celui qui contrôle les richesses naturelles contrôle l’économie ! », Autrefois cela s’appliquait à des petits groupes d’individus, maintenant cela se fait à une plus grande échelle à savoir celle des Etats. Nous allons comprendre assez rapidement comment cela s’illustre en pratique. Perdu au fin fond de l’Afrique centrale, Bakassi est une zone marécageuse d’une superficie de 1000km² située dans le delta du Niger et donnant accès directement au golfe de Guinée et, par conséquent, tourné vers l’océan atlantique. Jusque là cela n’a rien d’extraordinaire ! À part que selon une étude de la banque mondiale, cette région riche en pétrole et gaz ainsi détient 10% des réserves mondiales en pétrole ce qui aiguise l’appétit des grandes puissances que sont la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la Chine.


En effet, cette région a donné lieu à des différends frontaliers opposant le Cameroun et le Nigeria. La Cour internationale de Justice a rétrocédé  cette péninsule au Cameroun en encadrant le transfert d’autorité. Toutes ces richesses donnent lieu à des stratégies totalement différentes par chacune des grandes puissances.

La France et la Grande-Bretagne, par leurs liens historiques avec ces deux Etats, sont présents dans la région depuis plus d’un demi-siècle et sont dans une stratégie de préservation de puissance. Cela se remarque par la présence de leurs champions nationaux. Afin de maitriser toujours son influence dans la zone et s’assurer le contrôle du golfe de Guinée qui est à la fois très riche en ressources fossiles et en routes commerciales. La France vient de signer un accord de défense stratégique avec le Cameroun s’assurant ainsi une présence militaire à la fois durable, mais surtout légitime, afin de bien marquer son territoire et surtout défendre les intérêts de ses entreprises implantées dans la zone. La Grande-Bretagne quant à elle s’assure de la stabilité politique du Nigéria, parce que une instabilité politique au Nigeria pourrait mettre en péril l’exploitation du pétrole sachant surtout que le Nigéria est le deuxième pays producteur de pétrole en Afrique avec près de 2.5 millions de baril/jour, malgré des relents de nationalismes des populations présentent dans la région du Kalabar. Ces deux puissances sont plutôt dans une logique de conservation de puissance.

Alors que les Etats-Unis, dans le même temps, sont dans une logique d’accroissement de puissance notamment en aidant ses entreprises nationales (Exxon, chevron) à gagner des contrats d’exploitations et de forages, notamment en négociant avec les deux pays concernés, leur assurant ainsi la certitude d’être toujours présents à la fois dans le Delta du Niger et le golfe de Guinée. C’est la raison pour laquelle on assiste de plus en plus à des exercices militaires américains dans la zone. Pourtant, ce qui est évoqué par les medias semble plutôt la lutte contre la piraterie. Nous voyons l’illustration de la coopétition et surtout ce que peut-être une guerre économique entre des Etats a  priori alliés. Mais le plus important reste à venir car la Chine jusqu’ici n’avait pas montré de manière significative sa stratégie d’accroissement de puissance, qui par définition s’inspire du « jeu de go ».

En effet, la Chine a une double stratégie à long terme qui consiste à racheter les terres à l’Etat Camerounais aux alentours de Bakassi et se mettent à siphonner toutes les nappes pétrolifères de la zone sans toutefois être impliquée dans un quelconque conflit avec les autres puissances. Et dans le même temps imposer sa culture par les constructions des écoles, le développement de l’agriculture et surtout la sympathie des populations locales car une fois qu’elles seront en confiance, la Chine aura gagné de manière indéniable la guerre économique et pourra se prévaloir sur le long terme une présence sur le continent et continuer ainsi son expansion en Afrique et faire main-basse sur les richesses de ce continent ! Qu’en est t-il des populations locales qui voit en la Chine un pays ami, qui les aide à se développer, à construire des écoles et à participer à l’éducation de leur jeunesse !

Est-ce un mirage ? Ou une réalité qui prendra forme ? À chacun de tirer ses conclusions mais force est de constater que cette situation n’a eu lieu que parce que les puissances coloniales, qui n’on pas voulu aider ces populations mais plutôt créer des conditions de néo-colonialismes peut-être à cause des politiques de rentabilité à court terme, n’ont pas vu la menace que représentait la Chine et son éventuelle arrivée en Afrique ou alors ont-elles fait de mauvais choix stratégiques.

Franz Heffa