La Russie : entre Medvedev et Poutine

Le 21 novembre 2009 a eu lieu un des événements majeurs de la vie politique en Russie. En effet, c’était le quatrième événement politique important. Le premier a été le rapport du Président Russe devant la Réunion Fédérale (les deux chambres du pouvoir législatif), le second a été le rapport du Premier Ministre devant la Duma (Assemblée Nationale), le troisième a été le vote du budget pour 2010 le 20 novembre, pour finir, samedi dernier a eu lieu le meeting de « Edinaia Rossia », le parti majoritaire dont Poutine est le guide. La Russie demeure une puissance internationale. Malgré la fin de l’antagonisme idéologique entre l’Est et l’Ouest, les Etats continuent à se mesurer par leur suprématie, économique de cette fois. Aujourd’hui, ce pays utilise la zone d’influence historique (pays de CEI ou d’ancien pacte de Varsovie), zone qui s’est formée par l’opposition à ces anciens adversaires (pays arabes de Moyen Orient) pour son développement économique. Il est important d’analyser les discours prononcés par les leaders de la Russie afin de comprendre les aspirations de chacun d’entre eux, saisir la stratégie choisie pour avancer dans leur carrière, et donc le rôle que la Russie devra jouer sur la scène internationale et sa politique intérieure.

La situation économique
Dans son rapport Medvedev critique la structure de l’économie qui est restée primitive, elle se base sur l’export des matières premières, principalement du gaz et du pétrole. Les besoins actuels de la population ne sont pas pris en compte par les industriels russes dont les produits n’ont pas la qualité assez élevée et les prix sont très hauts. Les produits locaux ne peuvent pas concurrencer sur le marché international. Il est impératif de développer les petites entreprises, le secteur agraire et les infrastructures. Pour avancer au plus vite dans ce domaine, les programmes de l’Union Européenne doivent être copiés. Les innovations doivent être soutenues. Création des bassins économiques, les pépinières doivent être mises en œuvre auprès des universités. Dans son rapport, et surtout dans son budget, Poutine continue à s’appuyer sur son modèle économique. Environ 50% des entrées budgétaires sont liées aux exportations des hydrocarbures. Les deux hommes ont la même ligne directrice dans les domaines du social, de la santé et de l’énergie.

L’énergie
Le passage à la consommation rationnelle d’énergie est prioritaire pour le pays. La loi qui stipule le passage à l’ampoule écologique a été déjà votée, mais le pouvoir ne s’arrête pas là. Une autre branche d’économie d’énergie est le développement et la recherche dans le domaine du transport d’énergie. Le transport des matières premières sur le vaste territoire de la Russie demande de l’investissement dans la recherche dans ce domaine. La recherche des ressources biologiques, alternative aux traditionnelles, est une autre priorité. La recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire est prioritaire pour l’économie. Un des points d’application sera le lancement des navettes spatiales en utilisant l’énergie nucléaire comme combustible. Il est évident qu’aucune diminution des dépenses dans le domaine social ou dans celui de la santé ne sera tolérée par la population.

Les recherches stratégiques
Actuellement, la Russie occupe la 63ème place mondiale dans le domaine des technologies aéronautiques, quant elle était parmi les pionniers. Medvedev préconise la mise en place des réseaux de communication par fibres optiques, la surveillance de l’espace, la possibilité de voir le monde et de prévoir les catastrophes. Il a souligné l’importance du développement des supers ordinateurs, moyens de développement de l’industrie de l’automobile, de l’aéronautique et de l’énergie nucléaire. Le Président russe préconise aussi dans les cinq prochaines années, l’accessibilité à l’Internet pour toute la population, le passage à la télévision numérique, et le passage à la téléphonie mobile de 4ème génération. Il faut souligner que « Beeline », un des opérateurs de téléphonie russe, est en train de tester ce type de technologie en Kazakhstan, dans deux résidences de l’administration.

La Défense
A partir de l’année suivante, le Président demande que les forces armées soit passées à un niveau d’équipement supérieur, cela afin de la transformer et de la rendre plus mobile et capable d’agir dans les situations de menaces nouvelles. Une liste des moyens d’armement a été présentée par le Président Russe. Un point très important dans son discours a été accordé à la modernisation des systèmes de communication militaires. Il demande le changement du système analogique actuel par le système digital des communications. Ce point est commun avec celui de la modernisation des systèmes de communication civils et l’implantation des réseaux de 4ème génération car le développement du système civil est retardé par les systèmes de communication vieillissants de l’armée. Poutine a demandé que la modernisation des systèmes militaires soit faite par le rachat des bandes de fréquences par les opérateurs civils.
Medvedev demande la mise en place d’un projet qui déterminera une meilleure distribution des armes disponibles pour l’équipement des forces armées russes, et de celles destinées à l’exportation. Poutine, avec les membres de gouvernement, commence les démarches de récupération des droits sur les ventes des modèles et les modifications de l’arme Kalachnikov.
La nouvelle doctrine a été définie en novembre par le Conseil de Sécurité de la Russie. Selon cette doctrine, l’arme nucléaire peut être utilisée en prévention d’une attaque éventuelle de la Russie et/ou de ses alliés. Les troupes et les moyens russes auront la légitimité d’intervenir à l’étranger pour défendre la population russe, ou pour agir selon les directives du Conseil de Sécurité de l’ONU.

La situation sociale
Les entrées de l’Etat ont diminué, mais les dépenses sociales continueront à être maintenues, voir augmentées par rapport à la mise à disposition des habitations pour les vétérans de guerre, aux allocations chômage, aux investissements dans différents programmes pour maintenir l’emploi, à la formation professionnelle. La population russe doit avoir accès aux médicaments et à un système de santé performant. L’industrie de la pharmacie doit être rénovée. Les médicaments doivent être produits en Russie et non pas importés, dans l’idéal la Russie doit les exporter. Les instruments médicaux, comme les appareils cardiaques, respiratoires, doivent être locaux et de niveau de qualité au moins égal à ceux qui existent ailleurs.

Un pouvoir bicéphale ?
Le système politique russe suit le concept de la « politique verticale » qui a été proposé par Poutine, étant encore président. Cela permet de concentrer le pouvoir au-dessus de la pyramide en mettant les organes exécutifs (centraux et régionaux) sous contrôle strict et permanent. De cette façon, toutes les décisions, peu importe le niveau où elles étaient prises, sont susceptibles d’être bloquées et/ou modifiées par la haut. En théorie, le pouvoir législatif est indépendant, mais en réalité il est rattaché et dépendant du pouvoir du pays. Le gouvernement choisit les parties qui siègeront dans les deux chambres législatives, tous les projets législatifs sont de cette manière contrôlés. Les partis eux-mêmes sont créés du dessus par le pouvoir, et non pas du dessous par les citoyens. Seulement quatre partis siègent au Duma depuis plusieurs années, dont trois sont les fruits de la création du pouvoir. « Edinaia Rossia » (La Russie Unie) a été créé pour amener Poutine au pouvoir, quant à « Spravedlivaia Rossia » (La Russie Honnête), il a été crée par « Edinaia Rossia », parti de gauche, comme sa branche social-démocrate. Le parti « Rodina » (Patrie) a été créé par « Edinaia Rossia » comme rival au parti communiste, et il a été très vite dissous dés qu’il a commencé à avoir du succès. Son leader, Dmitri Rogozin, a été renvoyé loin de Moscou, comme l’ambassadeur de Russie à l’OTAN. Seuls les communistes qui ont été formés pendant l’ère soviétique peuvent se considérer comme le parti du peuple, et comme ayant un niveau d’indépendance face au pouvoir. Cependant, les leaders de ce parti savent que leurs manœuvres sont limitées, car c’est toujours le gouvernement qui contrôle les procédures d’enregistrement, l’accès au droit d’expression par l’audiovisuel, ainsi que la levée des fonds des partis.
La plupart des réformateurs n’ont pas pu prouver aux citoyens leur patriotisme car ils sont très souvent appuyés par les puissances occidentales, ce que ne fait qu’augmenter les soupçons. L’opinion publique russe ne partage pas l’avis de l’opinion publique internationale sur les méthodes, et surtout sur les résultats des actions menées par le gouvernement. Pour les citoyens russes, les rentrées dans les caisses nationales ont été doublées pendant la période de présidence de Poutine, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a été divisé par deux, les salaires et les retraites ont augmenté plus vite que l’inflation, les réserves des devises en or ont augmenté, la Russie est devenue le troisième pays possesseur de celle-ci, donnant au pouvoir la possibilité de dépenser l’argent pour les besoins du peuple, ou pour passer une crise. L’Etat a pu venir en aide aux grands industriels qui souffraient de la crise financière. Le gouvernement contrôle les chaînes d’information centrales. Certains journaux moscovites, comme « Novaia Gazeta », « Nezavisimaia Gazeta », ont la possibilité de s’exprimer librement, de critiquer le gouvernement et autres attributs de pouvoirs, mais l’auditoire est très limité. Les acteurs de l’information qui sont très dérangeants pour le pouvoir en place se voient contrôlés très souvent par les services fiscaux. Les journaux régionaux, quant à eux, sont très prudents sur la critique des fonctionnaires locaux. Compte tenu du fait que le pouvoir réel dans le pays est détenu au dessus de la pyramide, toute ambiguité entre Medvedev et Poutine donne une vision d’instabilité de la situation en Russie. Medvedev parle beaucoup plus de ce qu’il fait, il ne présente pas clairement ses ambitions.

Igor Levinta