Niger : La guerre climatique

« Presque invariablement, nous discutons du Darfour en termes de raccourcis militaires et politiques pratiques, un conflit ethnique opposant les milices arabes aux rebelles et aux fermiers noirs. Pourtant l’examen de son fondement, révèle une dynamique plus complexe. Parmi les diverses causes sociales et politiques, le conflit du Darfour a commencé sous forme de crise écologique, causée du moins en partie par les changements climatiques. » Déclaration de Ban Kimoon en 2007.

Changements climatiques et sécurité en Afrique occidentale : Vers de nouveaux Darfour ?

multiplicateur de menaces », en aggravant les préoccupations actuelles telles que la pénurie d’eau et l’insécurité alimentaire, ils constituent un enjeu stratégique de premier plan.

couloirs de transhumances ont dévié vers de nouvelles destinations (note 1). Au-delà du simple affrontement pour la terre, les revendications se radicalisent également lorsque les frontières définies par un cours d’eau se trouvent contestées une fois celui-ci diminué. Une dispute a ainsi récemment opposé le Cameroun au Nigeria à propos d’une partie de la zone du lac Tchad, en particulier la localité de Darak et les villages environnants. Ce sont néanmoins les facteurs autres que ceux liés au climat (tels que la pauvreté, la gouvernance, la gestion de conflit, la diplomatie à l’échelle régionale et autres) qui détermineront, en grande partie, si les changements climatiques passeront du statut de défi pour le développement à celui de menace pour la sécurité et la façon dont cela se réalisera. Car si le réchauffement climatique place ces pays dans une situation d’assistanat international et d’unique stratégie de survie, on peut prétendre à une autre solution coopérative, voire à l’émergence d’un leader régional.

Anticipation coopérative ou conflits inévitables ?

dépendance à l’hydroélectricité étant prégnante, la construction d’ouvrages de maîtrise de l’eau pousse les Etats riverains à vouloir «marquer leur territoire», chacun essayant de contrôler la plus grande portion possible des terres valorisées par les barrages.

Un échiquier aux multiples acteurs extérieurs

récentes découvertes de gisements au Tchad, doivent être corrélées de la montée des tensions et rebellions touaregs. Il n’est donc pas anodin de constater que la Secrétaire d’Etat américaine, Madame Clinton, ait souhaité au début de son mandat effectuer un voyage officiel en Afrique occidentale. Sous prétexte de lutte contre Al Quaeda au nord du Niger, au Mali et au Tchad, il faut voir une volonté de préserver leur pluralité de sources d’approvisionnement énergétique  en dehors du Moyen Orient. En effet, en ce début de XXIe siècle, les États-Unis, la Chine et l'Inde doivent relever un défi majeur, celui de leur vulnérabilité pétrolière. La France n’est pas absente de cette région riche en ressources minières, gazières ou pétrolières. Après plusieurs mois de négociation, le gouvernement du Niger et AREVA se sont accordés en Janvier dernier sur les conditions d’exploitation du gisement d’uranium d’Imouraren, considéré comme la réserve connue la plus importante de toute l’Afrique et la deuxième au monde derrière celle d’Olympic Dam en Australie. A l’heure où la relance du nucléaire est annoncée dans de nombreux pays, il s’agit d’une opération d’envergure pour le groupe français et le Niger.

instrumentalisés par les puissances occidentales dans leur course aux énergies et matières premières.

Anne Sophie Colleaux

Notes





  1. Situé en territoire camerounais à 35 km à l’est de la frontière avec le Nigeria, Darak aurait été créé vers 1987 par des pêcheurs Nigérians ayant suivi la retraite progressive des eaux du lac avec la succession des années de faible pluviométrie et de baisse marquée des apports des affluents du lac. Au milieu des années 1990, on comptait dans la partie camerounaise du lac plus de 30 villages créés par des immigrants Nigérians totalisant une population de plus de 70000 habitants. La tension entre les deux pays résulta directement du fait que l’administration nigériane a suivi l’émigration de ses ressortissants, en étendant donc en territoire camerounais l’exercice de l’Etat du Nigeria (occupation militaire, expansion du service public avec création d’écoles et de postes de santé, etc…).

  2. Les autorités nigérianes ont manifesté à plusieurs reprises leur inquiétude concernant tout projet hydraulique sur le fleuve Niger qui entraînerait une réduction de plus de 10% du volume d’eau annuel reçu au Nigeria : les projets visés sont le barrage de Kandadji au Niger et dans une moindre mesure celui de Tossaye au Mali.