Depuis la transformation des économies à dominante agricole en sociétés industrielles, la consommation d’énergie n’a cessé d’augmenter. La détention de ressources énergétiques est vite devenue une nécessité pour les pays industrialisés afin de garder leurs autonomies et d’accroître leurs suprématies. Une course effrénée s’est déroulée avec l’accès au pétrole et au gaz : énergies fossiles non renouvelables. Malheureusement, les réserves mondiales ne cessent de diminuer et les grands pays industrialisés ont vite compris qu’ils devaient réduire leur dépendance vis-à-vis de cette source d’énergie. En plus de cet aspect, la question de la préservation de l’environnement est devenue un enjeu vital avec le protocole de Kyoto et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En conséquence, les pays industrialisés ne peuvent plus l’ignorer. L’Europe est le précurseur en matière de production d’énergies renouvelables avec notamment l’Allemagne, le Danemark, la Suède, la France et l’Espagne.
Les énergies renouvelables sont donc les solutions à ces problématiques d’épuisement des ressources : l'énergie solaire, l'énergie éolienne, la biomasse, la géothermie, l'aérothermie, le biocarburant…
La Grande-Bretagne a clairement l’ambition de se positionner comme le leader mondial sur le secteur des éoliennes offshore avec notamment le programme britannique d’éoliennes offshore, qui prévoit en effet l’auto-alimentation de toute la consommation domestique en électricité du pays. De plus, les arguments en faveur des éoliennes offshores sont de poids : une plus grande production d’énergie (vent marin/vent traditionnel), un meilleur ratio coût/production, pas de dénaturalisation du paysage, une indépendance énergétique inépuisable, pas d’émission de CO2.
La Grande-Bretagne est une île située dans une zone à fort potentiel venteux. Il est donc logique de la voir s’implanter sur ce secteur. Cependant, le plus grand potentiel européen est attribué à la France qui après une intronisation de plusieurs parcs éoliens dans la vallée du Rhône et en Bretagne, n’a pas accentué ses efforts d’implantation sur son territoire (septième pays européen et douzième pays mondial). Plusieurs questions insistantes reviennent : quelle est donc la stratégie de puissance de la Grande-Bretagne ? Comment est-elle mise en place ? Quelles concurrences ? Quel avenir pour ce type d’énergie ?
La Grande-Bretagne a donc lancé un vaste programme de parcs éoliens offshores à forte capacité afin de devenir le leader mondial : sept mille éoliennes offshore réparties dans trois zones : l’estuaire de la Tamise – London Array, l’Est de l’Angleterre et le Nord du pays de Galles. Ce programme est financé par le gouvernement britannique sur un horizon de quinze ans (jusqu’en 2020) et le budget alloué au programme est de l’ordre de vingt et un milliards d’euros. Ce plan rentre dans les objectifs de l’Union européenne à long terme: la production de 20% de l’énergie par des sources renouvelables ayant pour impact une forte réduction d’émission de gaz à effet de serre.
Outre les aspects environnementaux, les évolutions technologiques sont multiples : optimisation de la géométrie des rotors des aérogénérateurs, acheminement et stockage de l’énergie, courant continu à haute tension… Selon les estimations des experts, 70% de l’énergie provenant des éoliennes offshore dans le monde proviendrait d’Europe donc l’enjeu de suprématie devient très important. Le positionnement des pays et des entreprises associées devient donc vital pour le contrôle de ce secteur. Il est donc normal de voir des pays comme les Etats-Unis, le Danemark et l’Allemagne proposant le service de leurs entreprises dans la construction du projet britannique. Ainsi des consortiums internationaux comme Fluor-Airtricity (américano-anglais) ou E-On/Dong avec la participation dans Shell UK, se positionnent sur ce projet.
L’intérêt britannique peut s’expliquer sous différents aspects. Tout d’abord avec le contrôle des technologies clés dans l’avenir (voir mentionné ci-dessus) et à-travers l’expertise de ses propres entreprises sur la scène européenne et mondiale à plus long terme. Ensuite, ce projet réduira sa dépendance énergétique extérieure avec notamment le souhait d’éviter absolument l’implantation de nouvelles centrales nucléaires sur son territoire (monopole détenu par le groupe français AREVA). Il ne faut pas oublier que 80% des centrales nucléaires présentes sur le territoire britannique sont vieillissantes et vont devenir obsolètes dans les dix années à venir, date de la fin du projet du parc d’éoliennes offshores. La diminution de l’émission de gaz à effet de serre engendra une économie sur la facture polluante de la Grande-Bretagne. Enfin, l’influence de la Grande-Bretagne sur la politique européenne énergétique sera fortement accrue et lui confortera une position forte et offensive sur ses rivaux européens.
Si l’on développe l’idée du contrôle des technologies clés, il devient très intéressant de s’intéresser aux évolutions des normes actuelles puis futures et au nombre de nouveaux brevets déposés dans ce secteur. Il ne serait pas irréaliste de voir apparaitre dans les années à venir un monopole avec de nombreuses barrières à l’entrée. Comme évoqué précédemment, la Grande-Bretagne adopte donc une stratégie de suprématie avec l’objectif avoué d’être le leader en finançant le plus grand parc d’éoliennes offshores du monde.
Malgré un fort intérêt récent américain sur le sujet avec la parution d’un rapport sur le potentiel éolien aux Etats-Unis et les quelques projets en cours de construction, c’est bien la Grande-Bretagne qui caracole en tête.
On peut relever qu’aucune entreprise française n’apparaît comme partenaire des différents consortiums, la préférence étant donnée aux alliés géopolitiques. Il est donc légitime de s’interroger sur le positionnement français sur ce secteur stratégique et quelle place laissera la Grande-Bretagne aux autres pays européens. Malgré tout, un détail peut nuancer la suprématie britannique dans l’avenir : les dernières avancées technologiques françaises en matière d’éoliennes offshore flottantes avec notamment un projet d’un consortium français récemment labellisé et la nouvelle impulsion émise par le Grenelle de l’environnement avec une accélération de la production d’énergies renouvelables d’ici 2020.
Jérôme Spiel