L’épineux dossier des crimes de guerre

Le Conseil des Droits de l'Homme des Nations-Unies vient de reprendre à son compte, à l'occasion d'un vote,  les allégations selon lesquelles d'éventuels crimes de guerre auraient été perpétrés à la fois par le Hamas et par Israël durant le conflit à Gaza entre décembre 2008 et janvier 2009. Les 47 membres du Conseil basé à Genève ont voté en faveur de la résolution à raison de 25 voix contre 6. Onze pays se sont abstenus, cinq pays dont la France et le Royaume-Uni se sont refusés à toute forme de vote, y compris l'abstention. De leur côté, les Etats-Unis se sont regroupés autour de l'Italie, des Pays-Bas, de la Slovaquie et de l'Ukraine pour s'opposer à cette résolution. Le représentant américain du Conseil des Droits de l'Homme, Douglas M. Griffiths, a qualifié le rapport de "fallacieux". Cette  mise en cause d'Israël  a immédiatement  provoqué une réaction diplomatique de désapprobation  de la part du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu qui conteste les conclusions du rapport. Cependant,  pour la première fois, des membres de l'ONU ainsi que certaines Ong humanitaires mettent aussi clairement en lumière le recours par le Hamas à la tactique des boucliers humains dans ses ripostes contre Tsahal. Soit en positionnant des canons sur des bâtiments civils pour tirer sur l'armée israélienne, soit en s'abritant derrière de prétendus ennemis de l'intérieur  - Gazaouites accusés de collaboration avec Israël, ou bien loyalistes fidèles à la police du Fatah, rival du hamas-  pour déployer des contre-offensives. "Il est tout à fait possible que le Hamas ait utilisé des civils comme boucliers humains" a également affirmé Radhika Coomaraswa, sri-lankaise, représentante spéciale du Secrétaire général des Nations-Unies, pour les enfants et les conflits armés.

Rédigé par le juriste sud-africain Richard Goldstone, le rapport enjoint les deux protagonistes de conduire des investigations suite aux conclusions du texte, voire d'assumer un renvoi devant un tribunal pour crimes de guerre. Une telle issue semble toutefois fortement improbable dans la mesure où elle induirait l'approbation du Conseil de Sécurité des Nations-Unies qui s'y opposerait par un veto des Etats-Unis. Une position habituelle que même la nouvelle politique de dialogue engagée par le président Barack Obama a peu de chance de modifier. Israël a réaffirmé que l'adoption du rapport Goldstone par la communauté internationale viendrait entraver l'Etat hébreu dans sa lutte contre la menace croissante d'attaques asymétriques, notamment de la part du Hamas. Ce vote plonge Israël dans l'embarras diplomatique tout en augmentant la pression sur le gouvernement de Netanyahu pour le contraindre à une plus grande transparence dans l'enquête sur ses agissements durant le conflit à Gaza. Ce vote pourrait aussi accélérer le déclenchement d'une mise en accusation d'Israël que de nombreuses voix appellent à comparaître  devant des cours internationales pour crimes de guerre présumés. Pour sa part, l'un des porte-parole de l'Autorité palestinienne, Ghassan Khatib, a déclaré: "La résolution a reçu un soutien appuyé et c'est le plus important". Alors que, dans une déclaration officielle, le ministère des Affaires étrangères israélien estime que l'adoption de cette résolution " entrave à la fois les efforts en faveur d'un respect effectif des droits de l'homme en conformité avec le droit international, ainsi que toute avancée notoire pour promouvoir la paix au Proche-Orient".
Toujours est-il qu’en renvoyant dos à dos les deux protagonistes du conflit, les Nations Unies banalisent sans le vouloir la notion de crimes de guerre. Déjà fortement malmenée durant la guerre froide (la presse occidentale dénonce les crimes de guerre commis par l’armée américaine au Sud Vietnam par l’affaire du village de Mil Lai mais ne dit quasiment rien sur les milliers d’exécution commises par le Viêt-Cong contre des civils lors de la prise temporaire de la ville de Hué au moment de l’offensive du Têt), la notion de crime de guerre est en train de devenir un champ de guerre cognitive aux retombées juridiques plus qu’incertaines.