Le pétrole angolais : entre prise de contrôle par la Chine et perte d’influence de la France

Le pétrole angolais intéresse tous les pays développés et les grands pays en développement, du fait d’une relative stabilité politique après 27 ans  de guerre civile qui déstabilisait la région et d’une grande liberté d’action pour les Majors, qui quelques fois ne sont que les instruments des gouvernements de leur pays. Dans ce contexte, on a pu remarquer une montée en puissance de la Chine dans le jeu économique angolais parallèlement à une diminution de l’influence de la France, sanctionnée après l’affaire Falcone et la vente d’armes à l’Angola.
L’Angola est devenu en 2009 le premier producteur de pétrole en Afrique avec une production d’environ 2 millions de barils par jour. En effet, le Nigéria, précédent leader de ce classement, connait des difficultés politiques et sécuritaires dans le delta du Niger à cause du MEND (Mouvement d’émancipation du Delta du Niger) ce qui a fait chuter sa production de 25% en deux ans. En plus de cela les Majors présentent sur le territoire ont fait d’importants investissements notamment pour l’exploitation de nappes se trouvant en offshore profond. Entre 2004 et 2009, l’Angola a doublé sa production journalière de pétrole. Plusieurs Majors exploitent le pétrole angolais sous le contrôle de la Sonangol, entreprise publique angolaise chargée de l’exploitation, de la production du pétrole et de la délivrance des concessions. Chevron Texaco produit environ un tiers des deux millions de barils journaliers, la Sinopec (compagnie pétrolière chinoise) près de 23%. Quant à Total, sa part dans la production angolaise est entre 16 ou 17%. Ensuite viennent d’autres compagnies pétrolières moins importantes en termes de production sur le territoire angolais : Eni (Italien), BP (Anglais), Loukoil (Russe), Exxon (USA), Falcon Oil …
Toutefois, on peut dégager plusieurs tendances depuis ces dernières années : l’importance de plus en plus grande de la Chine dans l’économie angolaise, l’émergence de la Russie dans ce pays et la remise en question des intérêts français à travers la compagnie Total.
Tout d’abord, la Chine, par le biais de Sinopec, est devenue en quelques années le deuxième producteur d’or noir en Angola grâce, notamment, à l’attribution en 2005 du bloc 3/80 qui était détenu depuis 1982 par Total (Elf) à hauteur de 50% et qui incluait plusieurs gisements importants. Sinopec a aussi eu l’autorisation d’exploiter le bloc 18 en 2005 mais l’exploitation n’a commencé qu’en 2008 du fait des difficultés techniques liées à l’offshore en grande profondeur. Ce bloc pourrait produire 250 000 barils de pétrole par jour. Cette importante percée des chinois en Angola à plusieurs causes tels que l’accord de prêts par la Chine, à hauteur de 2 milliards de dollars - taux bien plus intéressants que ceux pratiqués par le FMI ou la Banque mondiale. La Chine a aussi financé des projets d’infrastructure et de développement en Angola. Cependant, la Chine n’est pas un nouveau venu sur le territoire angolais. En effet, elle exploite depuis quelques années déjà une partie des diamants et du fer présents sur le territoire ce qui lui a donné un avantage stratégique par rapport à la Russie, nouvel entrant dans le pays.
En 2006, le président angolais, Dos Santos, en visite en Russie avec sa délégation, a signé des accords commerciaux avec la Loukoil  pour exploiter une partie du pétrole et du gaz angolais. Cependant, la Russie reste très minoritaire parmi les producteurs de pétrole en Angola, mais maintenant qu’elle fait partie des producteurs, elle pourra peut être, par jeu d’influence et par accords sur le développement devenir un acteur plus important en Angola.
Enfin, les intérêts français, défendus par Total, ont été un peu malmenés ces dernières années, même si cette dernière garde de bonnes relations avec l’Etat angolais puisqu’elle a obtenu des autorisations pour exploiter certains blocs et qu’elle contribue à la création d’infrastructures dans le pays (écoles, hôpitaux…). L’affaire des ventes d’armes à l’Angola, aussi appelé « Angolagate », déclenchée par la plainte déposée en 2001 par Alain Richard, ministre français de la Défense de l’époque, a détérioré les relations diplomatiques entre la France et l’Angola. Pierre Falcone (franco-brésilien) et Arcadi Gaydamak (russe) ont été accusés d’avoir livré des armes à l’Angola pour plus de 630 millions de dollars en 1993/1994 (pendant la guerre civile). Ils ont armé le pouvoir en place contre le parti Unita qui menait la guerre civile et qui était soutenu par une partie du gouvernement français. En conséquence, l’Angola a retiré à Total le droit d’exploiter un bloc qu’il détenait depuis plus de 20 ans, ce qui rappelait à l’occasion à la France que l’Angola représente plus de 10% de ses importations de pétrole. La perte d’influence de la France en Angola s’explique aussi par le fait qu’en 1998 le gouvernement Jospin a fait fusionner les ministères des Affaires étrangères et de la coopération. Le budget de la coopération a par la même occasion diminué et l’aide financière apportée aux pays de l’Afrique subsaharienne s’est considérablement réduite. La France essaye de se convaincre de « l’amitié éternelle » et des « liens indéfectibles » avec les pays africains mais la forte pression chinoise et certains propos de Nicolas Sarkozy sur l’Afrique font diminuer l’influence française. En effet, ce dernier a déclaré en 2007 que la France n’avait pas besoin économiquement de l’Afrique et, durant son discours à Dakar, que « le drame de l’Afrique » était « que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ». Ces déclarations font que la France perd de son aura dans cette partie du monde, qui sera surement très importante au 21ème siècle.
Ainsi, on a pu voir que la Chine a acquis une place de choix dans le pays en important près de 25% du pétrole angolais. Tandis que la Russie, via Loukoil était entrée sur le marché. Toutefois, les Etats-Unis restent le principal producteur de brut avec Chevron Texaco et Exxon et le pays le plus influent en Angola, d’autant que le président Dos Santos entretenait de bonnes relations avec l’administration Bush. La situation ne devrait pas évoluer dans un autre sens puisque l’administration Obama tient à conserver la diversification de ses approvisionnements. Le voyage, en aout dernier, d’Hillary Clinton en Angola en constitue une illustration probante.

Benjamin Guesdon

Bibliographie :
Géopolitique du pétrole, Philippe Sébille-Lopez, p164/p173
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