« Internet est une composante de la liberté d'expression et de consommation ». Ces mots prononcés par le conseil constitutionnel lors de l’adoption mouvementée d’HADOPI confèrent à internet un statut de liberté fondamentale indirecte. Le conseil constitutionnel a d’ailleurs publié le 10 Juin 2009 une décision, consultable ici, renforçant le statut d’internet en tant que liberté. Mais cette liberté est régulée depuis 1998 par l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), société sans but lucratif de droit Californien dépendante du Departement of Commerce (DoC) américain.
En effet c’est le DoC qui délègue à l’ICANN, par le biais de la National Telecommunications and Information Administration (NTIA), la gestion des Domain Name Servers (DNS), véritables annuaires de référence du web, et l’attribution des noms de domaine sur internet.
Le gouvernement américain a donc un réel ascendant sur cette organisation à première vue indépendante. Il fut perceptible lorsque, deux jours avant l’ouverture de l’extension .xxx destinée à identifier les sites à caractère pornographique, l’ICANN a fait marche arrière alors qu’elle subissait de forte pressions des conservateurs américains. La transcription de la réunion du 30 Mars 2007 a abouti à cette décision soudaine témoigne d’un climat politique conflictuel autour de l’attribution de l’extension .xxx. La restriction de l’utilisation, pour son seul gouvernement des extensions, .gov, .mil et .edu en est un autre marqueur. Les seules institutions gouvernementales, militaires et scolaires à pouvoir arborer ce type de domaine sont exclusivement américaines. Il est aussi à noter une attribution du .af à l’Afghanistan juste après la chute du régime taliban.
Avec du recul, le contrôle d’un dispositif, à priori purement technique, se révèle en fait être un formidable instrument de puissance. En cas de conflit, les États-Unis pourraient bloquer l’accès d’un pays ennemi à l’internet mondial et empêcher le reste du monde d’accéder à la partie d’internet qu’il a développé. L’ICANN est indéniablement une arme géopolitique potentielle, capable de rayer un État de la carte du monde de l’information. Mais de manière moins belliqueuse mais non moins stratégique, le droit d’attribuer ou non des extensions de domaine est un instrument de puissance extrêmement controversé par la scène internationale. A titre d’exemple, la ville de Paris se retrouve aujourd’hui dépendante d’une société américaine pour l’obtention hypothétique du .paris. L’Union Européenne et de nombreuses puissances souhaitent, de longue date, briser le monopole de l’ICANN et décider elles aussi de ces attributions.
C’est dans ce contexte conflictuel que l’ICANN vient de prendre, le 30 Septembre 2009, une liste d’engagements mettant notamment un terme au contrat qui la liait au DoC. L’engagement principal qu’elle prend est de garantir sa transparence et d’œuvrer avant tout dans l’intérêt de l’internaute. Les comités mis en place pour garantir ces engagements seront désormais élu par le président de l’ICANN mais aussi par le Comité Consultatif Gouvernemental. Accueillant les représentants des États et des organisations internationales cette décision donnera finalement du poids au reste de la planète dans les décisions.
Même si cette décision est à saluer rien ne garantit pour l’instant un réel partage des décisions concernant l’attribution des extensions de noms de domaines et encore moins une gestion internationale des DNS.
Viviane Reding, commissaire européenne chargée de la société de l'information et des médias a ainsi expressément félicité cette décision « Je salue la décision des autorités américaines de faire évoluer le fonctionnement de l'ICANN, afin d'adapter son rôle, essentiel en matière de gouvernance de l'internet, aux réalités du 21ème siècle et d'un réseau de plus en plus mondial. […] L'ICANN devrait désormais, en théorie, devenir plus indépendant et plus démocratique. Faisons en sorte, tous ensemble, qu'il le devienne vraiment».
En parallèle de cette ouverture ce dossier pourrait permettre aux États-Unis de rester ferme sur celui de l’Internet Assigned Numbers Authority (IANA). Cette composante de l’ICANN possède le contrôle total de l’attribution des adresses IP sur internet. Son pouvoir est tout aussi contesté alors que son renouvèlement en 2011 arrive à grands pas.
L’écrasante majorité de la population n’a connu internet que sous sa forme actuelle mais elle n’est en rien figée. La Chine possède la technologie et pourrait créer son propre réseau totalement opaque depuis l’extérieur et restreignant ses ressortissant à celui-ci. De la même façon, même s’ils ne sont pas dans la même volonté d’autarcie et sont plus dépendants de bonnes relations avec les États-Unis, le Brésil ou l’Inde pourrait aussi créer des réseaux de leurs côtés. Même l’Union Européenne souhaiterait entamer une réflexion sur le sujet.
Encore au stade dans lequel était internet il y a quelques décennies, ne perdons pas de vue les très prometteurs web mobiles et internet des objets qui vont aussi venir complexifier la problématique. Alors que les standards allant régir leur utilisation n’ont pas encore été définis, les enjeux qu’ils représentent vont inévitablement entrainer une nouvelle course à la puissance.
Rama Divedi
En effet c’est le DoC qui délègue à l’ICANN, par le biais de la National Telecommunications and Information Administration (NTIA), la gestion des Domain Name Servers (DNS), véritables annuaires de référence du web, et l’attribution des noms de domaine sur internet.
Le gouvernement américain a donc un réel ascendant sur cette organisation à première vue indépendante. Il fut perceptible lorsque, deux jours avant l’ouverture de l’extension .xxx destinée à identifier les sites à caractère pornographique, l’ICANN a fait marche arrière alors qu’elle subissait de forte pressions des conservateurs américains. La transcription de la réunion du 30 Mars 2007 a abouti à cette décision soudaine témoigne d’un climat politique conflictuel autour de l’attribution de l’extension .xxx. La restriction de l’utilisation, pour son seul gouvernement des extensions, .gov, .mil et .edu en est un autre marqueur. Les seules institutions gouvernementales, militaires et scolaires à pouvoir arborer ce type de domaine sont exclusivement américaines. Il est aussi à noter une attribution du .af à l’Afghanistan juste après la chute du régime taliban.
Avec du recul, le contrôle d’un dispositif, à priori purement technique, se révèle en fait être un formidable instrument de puissance. En cas de conflit, les États-Unis pourraient bloquer l’accès d’un pays ennemi à l’internet mondial et empêcher le reste du monde d’accéder à la partie d’internet qu’il a développé. L’ICANN est indéniablement une arme géopolitique potentielle, capable de rayer un État de la carte du monde de l’information. Mais de manière moins belliqueuse mais non moins stratégique, le droit d’attribuer ou non des extensions de domaine est un instrument de puissance extrêmement controversé par la scène internationale. A titre d’exemple, la ville de Paris se retrouve aujourd’hui dépendante d’une société américaine pour l’obtention hypothétique du .paris. L’Union Européenne et de nombreuses puissances souhaitent, de longue date, briser le monopole de l’ICANN et décider elles aussi de ces attributions.
C’est dans ce contexte conflictuel que l’ICANN vient de prendre, le 30 Septembre 2009, une liste d’engagements mettant notamment un terme au contrat qui la liait au DoC. L’engagement principal qu’elle prend est de garantir sa transparence et d’œuvrer avant tout dans l’intérêt de l’internaute. Les comités mis en place pour garantir ces engagements seront désormais élu par le président de l’ICANN mais aussi par le Comité Consultatif Gouvernemental. Accueillant les représentants des États et des organisations internationales cette décision donnera finalement du poids au reste de la planète dans les décisions.
Même si cette décision est à saluer rien ne garantit pour l’instant un réel partage des décisions concernant l’attribution des extensions de noms de domaines et encore moins une gestion internationale des DNS.
Viviane Reding, commissaire européenne chargée de la société de l'information et des médias a ainsi expressément félicité cette décision « Je salue la décision des autorités américaines de faire évoluer le fonctionnement de l'ICANN, afin d'adapter son rôle, essentiel en matière de gouvernance de l'internet, aux réalités du 21ème siècle et d'un réseau de plus en plus mondial. […] L'ICANN devrait désormais, en théorie, devenir plus indépendant et plus démocratique. Faisons en sorte, tous ensemble, qu'il le devienne vraiment».
En parallèle de cette ouverture ce dossier pourrait permettre aux États-Unis de rester ferme sur celui de l’Internet Assigned Numbers Authority (IANA). Cette composante de l’ICANN possède le contrôle total de l’attribution des adresses IP sur internet. Son pouvoir est tout aussi contesté alors que son renouvèlement en 2011 arrive à grands pas.
L’écrasante majorité de la population n’a connu internet que sous sa forme actuelle mais elle n’est en rien figée. La Chine possède la technologie et pourrait créer son propre réseau totalement opaque depuis l’extérieur et restreignant ses ressortissant à celui-ci. De la même façon, même s’ils ne sont pas dans la même volonté d’autarcie et sont plus dépendants de bonnes relations avec les États-Unis, le Brésil ou l’Inde pourrait aussi créer des réseaux de leurs côtés. Même l’Union Européenne souhaiterait entamer une réflexion sur le sujet.
Encore au stade dans lequel était internet il y a quelques décennies, ne perdons pas de vue les très prometteurs web mobiles et internet des objets qui vont aussi venir complexifier la problématique. Alors que les standards allant régir leur utilisation n’ont pas encore été définis, les enjeux qu’ils représentent vont inévitablement entrainer une nouvelle course à la puissance.
Rama Divedi