A l’heure où la France part en vacances et se contente de jouir sans efforts de ses attraits touristiques, la Chine continue pour sa part à entreprendre des programmes autrement plus ambitieux, destinés à accroître son influence et sa puissance à l’échelle planétaire. Trois exemples récents, pris dans l’actualité, illustrent le réalisme et le pragmatisme chinois lorsqu’il s’agit de traduire en actes une stratégie décidée au sommet de l’Etat. On y retrouve certains marqueurs de la « chinese touch » : moyens importants, absence totale de scrupules.
CCTV, influence médiatique et culturelle
Le moins polémique de ces exemples concerne l’extension de la sphère d’influence chinoise dans les médias. Une nouvelle étape a ainsi été franchie le 24 juillet grâce à l’apparition de CCTV-العربية , chaîne internationale en arabe dont le budget s’approcherait des 6 milliards de dollars. Elle permettra aux dirigeants Chinois de s’adresser aux populations arabes du monde entier, concurrençant donc Al Jazeera, CNN et BBC sur ce terrain hautement stratégique. Cette expansion s'inscrit dans une logique globale de soft-power, illustrée par ailleurs, et par exemple, par les "instituts Confucius".
On peut faire un parallèle avec la stratégie de la France qui, elle, diffuse du contenu en français, en anglais, et en arabe via France 24. Mais quid de notre stratégie d’influence dans les langues les plus parlées au monde comme le mandarin, l’hindoustani, ou l’espagnol ? CCTV, outre ses programmes en mandarin et en anglais, émettait déjà en français et en espagnol, et elle envisage le russe pour la fin de l'année. Comment défendre efficacement notre culture et – même si cela peut paraître paradoxal – notre langue Française, si l’on ne se donne pas nous aussi, dans un premier temps, les moyens de toucher les populations étrangères au plus près ? Le projet France 24 en espagnol semble bien exister, même s’il a visiblement été retardé, mais à quand une version chinoise, indienne, ou russe ?
Des tests ADN pour l’éclosion de futurs talents
Une autre actualité estivale concerne un programme récemment mis en place à Chongqing, en Chine Populaire. Il s’agit de procéder à des tests ADN sur de très jeunes enfants dans le but d’identifier leurs forces et faiblesses futures. De cette façon les parents pourront encourager leurs progénitures dans des voies prometteuses en adéquation avec leur potentiel génétique. Reste bien sûr à analyser l’efficacité de cette approche. Il faudra donc se pencher avec attention sur les résultats concrets en termes d’accomplissement personnel et de valeur apportée à la société, ainsi que sur les dérives possibles. On peut néanmoins d’ores-et-déjà reconnaître à travers cette expérimentation une preuve indéniable du souci d’excellence, de rayonnement, et de puissance qui habite une classe dirigeante chinoise aspirant à créer des élites mondiales dans des domaines aussi variés que le sport, les arts, la politique, l’économie ou la science.
Si là encore on fait un rapprochement avec la France, il est intéressant de constater qu’aujourd’hui, la mise en place de pareils tests, même de manière expérimentale, serait totalement inimaginable sans une rébellion fracassante d’une grande partie de la société, qui assimile sans nuance tout « test ADN » au concept de « dictature ». Socrate lui-même pourrait pourtant porter une attention toute particulière à ce type d’étude. N’est-ce pas là une méthode moderne permettant de se « connaître soi-même » …ou au moins son enfant ? Certes le débat est bien plus complexe, mais cela ne semble pas intéresser les Chinois, et ces questions philosophiques ne semblent de toute façon pas constituer un frein à leurs desseins. Par ailleurs, qui peut aujourd’hui nier qu’au moins une partie de nous-mêmes est directement, ou indirectement, conditionnée par nos gènes ?
Les limites du pragmatisme…
Le dernier exemple qui retiendra notre attention met cependant en évidence les limites de ces approches parfois franches et sans détour pratiquées par les Chinois. Si dans certaines circonstances ceux-ci ne s’embarrassent pas de délicatesse superflue – car à leurs yeux souvent aussi inutile qu'inefficace – cela peut aussi parfois leur nuire, comme en témoignent les difficultés rencontrées depuis quelques semaines par la société Nuctech, spécialisée dans les équipements de sécurité, et dirigée par un certain Hu Haifeng jusqu’en 2008. Ce dernier, fils de l’actuel président Hu Jintao, a su surfer sur les attentats du 11 septembre ainsi que sur l’élection de son père pour créer une multinationale rentable. Mais à force de jouer sur ces deux registres, et en dépit de sa discrétion, ses concurrents ont fini par se sentir menacés et ont semble-t-il commencé à réagir. Il ne serait en effet pas surprenant d’apprendre que ces derniers soient à l’origine des scandales éclaboussant Nuctech depuis quelques temps: indignations concernant la sécurité dans le Port de Los Angeles, ou encore doutes et chahut à propos de dessous de tables supposés aux Philippines et en Namibie.
Sur le thème particulier des malversations et des compromissions au plus haut niveau de l’Etat, la France ne semble de son côté pas trop farouche, au point même d’avoir elle aussi la réputation d’agir souvent à la limite, voire au delà, de l'acceptable. Les exemples en Afrique sont nombreux. Elle serait donc bien inspirée de chercher à asseoir sa puissance autrement, en capitalisant davantage sur son aura culturelle, par exemple. Ce sera d’ailleurs la conclusion de ce billet. La France comme l’Europe doivent investir dans de vraies actions destinées à consolider leur influence à une échelle mondiale. Dans ce domaine, les stratégies positionnées sur un plan culturel sont certes longues à mettre en place, mais s’avèrent généralement plus subtiles, plus puissantes que les autres, et donc terriblement efficaces. Les Etats-Unis l'ont d’ailleurs prouvé après la seconde guerre mondiale.
Jean-Christophe Marcoux
CCTV, influence médiatique et culturelle
Le moins polémique de ces exemples concerne l’extension de la sphère d’influence chinoise dans les médias. Une nouvelle étape a ainsi été franchie le 24 juillet grâce à l’apparition de CCTV-العربية , chaîne internationale en arabe dont le budget s’approcherait des 6 milliards de dollars. Elle permettra aux dirigeants Chinois de s’adresser aux populations arabes du monde entier, concurrençant donc Al Jazeera, CNN et BBC sur ce terrain hautement stratégique. Cette expansion s'inscrit dans une logique globale de soft-power, illustrée par ailleurs, et par exemple, par les "instituts Confucius".
On peut faire un parallèle avec la stratégie de la France qui, elle, diffuse du contenu en français, en anglais, et en arabe via France 24. Mais quid de notre stratégie d’influence dans les langues les plus parlées au monde comme le mandarin, l’hindoustani, ou l’espagnol ? CCTV, outre ses programmes en mandarin et en anglais, émettait déjà en français et en espagnol, et elle envisage le russe pour la fin de l'année. Comment défendre efficacement notre culture et – même si cela peut paraître paradoxal – notre langue Française, si l’on ne se donne pas nous aussi, dans un premier temps, les moyens de toucher les populations étrangères au plus près ? Le projet France 24 en espagnol semble bien exister, même s’il a visiblement été retardé, mais à quand une version chinoise, indienne, ou russe ?
Des tests ADN pour l’éclosion de futurs talents
Une autre actualité estivale concerne un programme récemment mis en place à Chongqing, en Chine Populaire. Il s’agit de procéder à des tests ADN sur de très jeunes enfants dans le but d’identifier leurs forces et faiblesses futures. De cette façon les parents pourront encourager leurs progénitures dans des voies prometteuses en adéquation avec leur potentiel génétique. Reste bien sûr à analyser l’efficacité de cette approche. Il faudra donc se pencher avec attention sur les résultats concrets en termes d’accomplissement personnel et de valeur apportée à la société, ainsi que sur les dérives possibles. On peut néanmoins d’ores-et-déjà reconnaître à travers cette expérimentation une preuve indéniable du souci d’excellence, de rayonnement, et de puissance qui habite une classe dirigeante chinoise aspirant à créer des élites mondiales dans des domaines aussi variés que le sport, les arts, la politique, l’économie ou la science.
Si là encore on fait un rapprochement avec la France, il est intéressant de constater qu’aujourd’hui, la mise en place de pareils tests, même de manière expérimentale, serait totalement inimaginable sans une rébellion fracassante d’une grande partie de la société, qui assimile sans nuance tout « test ADN » au concept de « dictature ». Socrate lui-même pourrait pourtant porter une attention toute particulière à ce type d’étude. N’est-ce pas là une méthode moderne permettant de se « connaître soi-même » …ou au moins son enfant ? Certes le débat est bien plus complexe, mais cela ne semble pas intéresser les Chinois, et ces questions philosophiques ne semblent de toute façon pas constituer un frein à leurs desseins. Par ailleurs, qui peut aujourd’hui nier qu’au moins une partie de nous-mêmes est directement, ou indirectement, conditionnée par nos gènes ?
Les limites du pragmatisme…
Le dernier exemple qui retiendra notre attention met cependant en évidence les limites de ces approches parfois franches et sans détour pratiquées par les Chinois. Si dans certaines circonstances ceux-ci ne s’embarrassent pas de délicatesse superflue – car à leurs yeux souvent aussi inutile qu'inefficace – cela peut aussi parfois leur nuire, comme en témoignent les difficultés rencontrées depuis quelques semaines par la société Nuctech, spécialisée dans les équipements de sécurité, et dirigée par un certain Hu Haifeng jusqu’en 2008. Ce dernier, fils de l’actuel président Hu Jintao, a su surfer sur les attentats du 11 septembre ainsi que sur l’élection de son père pour créer une multinationale rentable. Mais à force de jouer sur ces deux registres, et en dépit de sa discrétion, ses concurrents ont fini par se sentir menacés et ont semble-t-il commencé à réagir. Il ne serait en effet pas surprenant d’apprendre que ces derniers soient à l’origine des scandales éclaboussant Nuctech depuis quelques temps: indignations concernant la sécurité dans le Port de Los Angeles, ou encore doutes et chahut à propos de dessous de tables supposés aux Philippines et en Namibie.
Sur le thème particulier des malversations et des compromissions au plus haut niveau de l’Etat, la France ne semble de son côté pas trop farouche, au point même d’avoir elle aussi la réputation d’agir souvent à la limite, voire au delà, de l'acceptable. Les exemples en Afrique sont nombreux. Elle serait donc bien inspirée de chercher à asseoir sa puissance autrement, en capitalisant davantage sur son aura culturelle, par exemple. Ce sera d’ailleurs la conclusion de ce billet. La France comme l’Europe doivent investir dans de vraies actions destinées à consolider leur influence à une échelle mondiale. Dans ce domaine, les stratégies positionnées sur un plan culturel sont certes longues à mettre en place, mais s’avèrent généralement plus subtiles, plus puissantes que les autres, et donc terriblement efficaces. Les Etats-Unis l'ont d’ailleurs prouvé après la seconde guerre mondiale.
Jean-Christophe Marcoux