Comment Nicolas Sarkozy laisse l’opposition s’enfoncer dans ses contradictions

Point de vue : Knowckers.org ouvre ses colonnes à des internautes qui prennent position sur des faits politiques.

À l’heure d’un remaniement ministériel donnant comme toujours lieu à de multiples commentaires, on constate sans surprise que l’élément le plus polémique concerne l’arrivée de Frédéric Mitterrand à la tête du Ministère de la Culture. Si cette poursuite de l’ouverture était fort prévisible, la gauche dans son ensemble semble pourtant toujours aussi désemparée face à ce phénomène, et rien dans ses réactions n’indique qu’elle parviendra à se repositionner rapidement, et de façon claire, sur l’échiquier politique national. Cette incapacité chronique à réagir lui est chaque jour un peu plus dommageable dans le rapport de force qui l’oppose à un « animal communiquant » fort doué : le président Sarkozy. Alors on peut s’interroger sur les raisons de cet échec endémique, et une façon non-partisane de le faire est d’aborder la problématique sous l’angle des contradictions qui plombent régulièrement le discours de l’opposition. Attardons nous sur quelques-unes d’entre elles, que nous classerons en deux familles.

Les contradictions liées à un anti-Sarkozysme primaire, qui éloigne la gauche du monde des idées
Une première faiblesse de l’opposition réside dans son réflexe quasi-pavlovien visant à systématiquement attaquer le président sur sa personne. Les anecdotes type café du commerce – moqueries sur les tics ou la petite taille de Nicolas Sarkozy, exploitation outrancière du « Casse toi pauv‘con » ou du côté bling-bling – sont non seulement loin d’enrichir le débat, mais sont en outre assez loin du concept de tolérance cher à la gauche. Les Français ne sont pas dupes, et si dans l’imaginaire collectif l’idée s’était depuis longtemps propagée que la gauche était le camp des intellectuels, alors on est forcé de constater que ce genre d’attaque fragilise nettement cette conception. Le citoyen qui attend qu’on le protège, qu’on le défende, et qu’on porte haut des idées nobles, nouvelles et sincères n’y trouve rien qui soit à la mesure de ses ambitions pour son pays. Quelle alternative est proposée en termes de vision stratégique pour la France sur l’économie, l’environnement, ou le rayonnement culturel ? Aucune qui ne paraisse audible, tant le discours est brouillé par les bruit périphériques générés.
Quand l’opposition tente d’éviter ce mode d’action et de bannir ce type de caricature simpliste, elle a néanmoins du mal à sortir de ce registre et joue alors souvent la carte de la diabolisation en présentant Nicolas Sarkozy sous les traits d’un manipulateur rusé et beau parleur, ou en le dépeignant comme un « hyper-président » omniprésent qui change les codes et s’agite. Là encore, rien qui ne permette de véritablement d’élever le débat. Ces tentatives de cristallisation de l’attention sur quelques facettes de la personnalité présidentielle sont sans grand rapport avec les préoccupations des Français. Elles sont d’autant plus inefficaces que les traits de personnalité décriés sont en général plutôt utiles dans le contexte hyperconcurrentiel et instable caractérisant le monde d’aujourd’hui. La gauche, qui n’a par ailleurs pas cessé de critiquer une certaine forme d’immobilisme et de conservatisme chez le président Chirac, ne se prend-elle pas tout simplement les pieds dans sa propre logique en tentant de faire passer une action présidentielle forte et visible pour de l’agitation désordonnée ? Il est certes indispensable de faire la distinction entre ces deux notions. Mais nier la valeur de l’exemple, et nier la puissance d’une image médiatique dynamique, revient à plaider pour une forme d’immobilisme. Et refuser le combat n’est pas concevable lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes d’une complexité extrême dont les enjeux sont capitaux pour la France et l’Europe.
Enfin, là où l’opposition continue à s’enfermer dans ses contradictions, c’est lorsqu’en dernier recours, elle choisit de critiquer la double capacité de Nicolas Sarkozy à observer les tendances sociétales, et à parler simplement, « comme les gens ». C’est pourtant ce qui lui permet de réagir médiatiquement et de s’inscrire dans l’air du temps. Alors ne soyons pas naïfs, d’un point de vue politique, cela peut être considéré comme une forme d’opportunisme potentiellement malsain. Il n’en est pas moins vrai qu’en termes de guerre de l’information, et sur le fond, la gauche finit par s’y perdre totalement. En stigmatisant le chef de l’Etat de la sorte, elle réfute en même temps l’importance de la notion de "proximité avec le peuple" qui lui est pourtant si chère, et elle nous renvoie l’image de cette fameuse gauche caviar fonctionnant sur la posture et l’attitude plus que sur l’action.

Les contradictions de la gauche sur ses propres thèmes de prédilection
Quittons le président un instant, et observons comment l’opposition se positionne sur quelques thèmes classiques, en essayant de comprendre au passage les limites d’un argumentaire parfois paradoxal, voire incohérent.
Sur les retraites
Comment peut-on espérer convaincre les Français que l’on va préserver l’âge de la retraite à 60 ans, quand le nombre de naissances diminue, quand la durée de vie s’allonge, quand on s’interdit d’augmenter les cotisations, quand on exclut de remettre en cause les régimes spéciaux, et quand on refuse d'envisager l’alignement des règles du secteur public sur celles du secteur privé ? Se voiler la face, quand nos voisins européens – même de gauche – font preuve d’un certain courage sur le sujet, est une attitude irresponsable qui viole les vraies valeurs de gauche. Ces valeurs reposent en effet sur un partage des ressources entre les citoyens, et sur la protection de l’avenir de nos enfants. Refuser de faire des choix dans ce domaine est donc un signe de conservatisme aigu se traduisant par une forme d’hypocrisie qui sous couvert de protéger le peuple le fragilise en fait sur le long terme.
Sur l’immigration
De la même manière, la gauche perd sa crédibilité et s’assoit sur ses principes lorsqu’elle fustige l’idée d’une immigration contrôlée. Tenter – au nom d’une France idéalisée – de faire croire à des populations fragilisées qu’elles peuvent quitter leurs racines, venir sur notre territoire par des moyens risqués et illégaux, sans même savoir parler Français et sans bagage éducationnel solide, puis oser les laisser penser que leur vie sera meilleure ici, relève d’un pur procédé d’intoxication. Pourquoi ? D’abord parce que sur la dimension « intégrité de l’information », le discours est incomplet et biaisé. A cause d’une fierté mal placée et sous le prétexte – même louable – de se poser en défenseur des pauvres et des opprimés, il y a un manque de clairvoyance, de froideur, et de réalisme. Sur la dimension « degré de liberté de la cible » ensuite, on constate que les candidats à l’immigration sont particulièrement vulnérables et poreux face à de telles informations, car leur accès aux sources est autant limité que leurs choix. Les sympathisants de gauche sont donc en fait bien loin de l’idéal qu’ils pensent en toute bonne foi défendre.
Sur l’ouverture aux autres, et sur la tolérance
Qu’a fait Nicolas Sarkozy depuis qu’il a pris le pouvoir ? Il a mené la politique que la gauche a toujours rêvé de mener...mais sans jamais oser aller plus loin. Il a réalisé une quadruple ouverture: aux gens de couleurs (Rachida Dati, Fadela Amara), aux jeunes (Valérie Pecresse, Rama Yade), aux personnalités de l’opposition (Jean-Marie Bockel, Bernard Kouchner), et à la société civile (Alain Hirsch). Comment la gauche peut-elle critiquer aujourd’hui ce qu’elle a défendu hier? Imparable en terme de signal informationnel, même si l’on peut bien sûr toujours relativiser le pouvoir réel de ces nouvelles têtes.
Pour conclure sur ce sujet, et revenir rapidement sur Frédéric Mitterrand qu’on évoquait au début de ce post, on peut même identifier une cinquième dimension dans l’ouverture pratiquée par le chef de l’Etat: celle relative aux homosexuels qui depuis quelques temps font régulièrement partie des équipes gouvernementales (Roger Karoutchi, Jean-Jacques Aillagon, Renaud Donnedieu de Vabres). On est bien loin des vieux complexes de la droite et de ses clichés.

J.C.M.