La multinationale de Mountain View annonçait la semaine dernière la mise en place d’un système de surveillance du virus A-H1N1... Pur philanthropisme ou calcul stratégique? Google.org, la branche charitable de Google, avait déjà pour habitude de sensibiliser l’opinion sur les grands enjeux environnementaux et sociétaux du XXIème siècle. Alors, cette tendance cache-t-elle un besoin de renforcer une image de marque menacée ? S’agit-il de réduire le risque et les conséquences d’une attaque informationnelle ? Hypothèse plausible, compte tenu d’un leadership insolent qui suscite fatalement une certaine hostilité... Onze ans après sa création, Google ne s’endort pas sur sa position dominante mais continue à innover. En effet, la société américaine propose très régulièrement de nouvelles applications et de nouveaux services à ses internautes, plus que jamais citoyens du monde. C’est ainsi que l’on découvre dans l’édition online de l’International Herald Tribune datée du 1er Mai 2009 que le géant Californien a développé une nouvelle version de son système de suivi de la grippe (« flu tracking »), spécialement customisée pour venir en aide aux autorités dans le cadre de la lutte contre l’épidémie Mexicaine de grippe A qui fait rage depuis quelques semaines. Au moins sur le plan médiatique... Sans préjuger de l’efficacité de l’outil face à l’épidémie actuelle, déjà déclarée, on peut cependant rappeler l’intérêt du concept, qui ouvre la voie à des cartographies en quasi temps réel sur la propagation de la grippe. Le moteur utilise le nombre d’occurrences de mots spécifiques entrés par les utilisateurs dans leurs recherches, afin de proposer des visualisations graphiques du phénomène. On est donc en face de « signaux faibles », donnant pourquoi pas la possibilité d’émettre de véritables « early warnings ».
Certains d’entre nous connaissent déjà Google.org, dont la mission clairement affichée consiste à utiliser les pouvoirs combinés de l’information et des technologies pour relever les défis d’ordre planétaire qui sont propres à notre époque (« Google.org aspires to use the power of information and technology to address the global challenges of our age »).
Cette nouvelle release du flux tracker n’est donc pas un acte isolé, mais s’inscrit pleinement dans une stratégie globale de développement d’une image de marque responsable, permettant à Google de surfer intelligemment sur les préoccupations de nos concitoyens. Google.org privilégie trois grands axes. Le premier concerne les énergies propres (« Clean energy »), le deuxième est centré sur la santé planétaire (« Global health »), et le dernier s’attache à promouvoir l’échange d’informations, la responsabilisation et la participation des internautes dans le but d’améliorer les services publics (« Inform & empower »). Ces trois approches débouchent sur des actions relativement concrètes et des services aussi gratuits que réels, même si leur impact reste très limité. Cela semble au passage démontrer que l’on peut être une multinationale made-in-USA dégageant un bénéfice net de 1,42 milliards de dollars sur 3 mois, sans pour autant être l’ultime incarnation de Satan. Cette démarche prouve aussi que l’on peut être un citoyen responsable, soucieux de préserver à la fois sa planète et la santé de ses congénères, sans pour autant devenir éleveur de chèvres dans le Larzac, ni accompagner M. Bové dans des opérations plus médiatiques et illégales qu’efficaces et constructives.
On peut néanmoins s’interroger sur le pourquoi d’un tel humanisme, et proposer quelques pistes de réflexions.
Une idée simple nous amène à considérer Google comme une cible potentielle d’attaques informationnelles en tout genre, le leader étant par essence toujours plus exposé que les autres.
Il n’est en effet pas totalement invraisemblable d’envisager une campagne de dénigrement s’appuyant par exemple sur le système de ranking mis au point par Google, souvent critiqué, car totalement opaque. Il ne serait pas davantage chimérique d’imaginer une tentative de déstabilisation s’articulant autour de la mise en doute des intentions réelles de Google, ou critiquant sa gouvernance : un groupe aussi puissant est forcément suivi de très près par le gouvernement Américain… il est donc évidemment susceptible de défendre les intérêts des Etats-Unis plutôt que ceux des citoyens du Monde...
Bref, sans dresser de liste exhaustive des risques, on peut aisément concevoir qu’à terme, de telles attaques pourraient affaiblir l’image de Google, et par conséquent limiter son monopole dans le domaine de la recherche d’informations ouvertes sur le web. En effet, cette menace virtuelle pourrait devenir une réalité si une sensibilisation de l’opinion publique est bien orchestrée, et si une caisse de résonance est trouvée dans des médias bien ciblés. Il est donc tout à fait raisonnable de penser que c’est pour faire face à de telles éventualités que Google cherche à renforcer son image.
Or, en se positionnant comme un serviteur altruiste de l’Humanité, le moteur de recherche de la Silicon Valley répond parfaitement à cette nécessité. En procédant de la sorte, il tente d’accentuer sa légitimité aux yeux de la planète, espérant ainsi anticiper, couper court aux critiques, et discréditer par avance toute mise en cause condamnant sa façon de fonctionner, ou fustigeant ses véritables objectifs (peut-être) inavoués, car (peut-être) inavouables.
On peut toutefois nuancer ce diagnostic, en faisant valoir que cette « contre-attaque par anticipation », ou ce « bouclier préventif », établi par Google ne réduit pas forcément le risque, dans la mesure où les détracteurs du moteur de recherche pourront toujours trouver de nouveaux angles d’attaques adaptés à ce positionnement. Un appel au boycott pourrait en effet toujours naître, justifié cette fois par une théorie expliquant que tous les services de Google labellisés « responsables » et « citoyens » ne sont en fait que l’expression d’une stratégie proactive, offensive, et indirecte, destinée à positionner sur le devant de la scène médiatique l’ensemble des sociétés « green » dans lesquelles Google a décidé d’investir plusieurs millions de dollars. Ces sociétés sont clairement listées sur le site www.google.org.
Pour conclure, il ne s’agit bien sûr pas de tomber dans la paranoïa, mais simplement d’éviter une naïveté excessive. L’objet de ce post n’est nullement de juger, et encore moins de mettre en cause le bien fondé de la démarche de Google, mais plutôt de rappeler l’utilité de conserver un regard critique vis-à-vis de la façade « bien pensante » élaborée et dessinée par notre moteur de recherche préféré. Les justifications de certains actes sont parfois plus sombres qu’il n’y paraît. Certaines ONG – soi-disant inattaquables – l’ont démontré par le passé…
Autrement dit, dans la guerre de l’information comme dans la guerre de l’image, il est indispensable d’observer toute situation via des prismes divers et variés. En utilisant différentes grilles de lecture, on est alors en mesure de mieux démasquer certaines manœuvres d’influence, qui sont le corollaire des jeux de pouvoir, eux-mêmes sous-jacents à la guerre économique et à la globalisation.
Jean-Christophe MARCOUX
Sources :
http://www.nytimes.com/2009/05/01/technology/internet/01google.html?_r=1&ref=technology
http://www.google.org
http://www.01net.com/editorial/501201/google-le-chiffre-daffaires-recule-pour-la-premiere-fois
Certains d’entre nous connaissent déjà Google.org, dont la mission clairement affichée consiste à utiliser les pouvoirs combinés de l’information et des technologies pour relever les défis d’ordre planétaire qui sont propres à notre époque (« Google.org aspires to use the power of information and technology to address the global challenges of our age »).
Cette nouvelle release du flux tracker n’est donc pas un acte isolé, mais s’inscrit pleinement dans une stratégie globale de développement d’une image de marque responsable, permettant à Google de surfer intelligemment sur les préoccupations de nos concitoyens. Google.org privilégie trois grands axes. Le premier concerne les énergies propres (« Clean energy »), le deuxième est centré sur la santé planétaire (« Global health »), et le dernier s’attache à promouvoir l’échange d’informations, la responsabilisation et la participation des internautes dans le but d’améliorer les services publics (« Inform & empower »). Ces trois approches débouchent sur des actions relativement concrètes et des services aussi gratuits que réels, même si leur impact reste très limité. Cela semble au passage démontrer que l’on peut être une multinationale made-in-USA dégageant un bénéfice net de 1,42 milliards de dollars sur 3 mois, sans pour autant être l’ultime incarnation de Satan. Cette démarche prouve aussi que l’on peut être un citoyen responsable, soucieux de préserver à la fois sa planète et la santé de ses congénères, sans pour autant devenir éleveur de chèvres dans le Larzac, ni accompagner M. Bové dans des opérations plus médiatiques et illégales qu’efficaces et constructives.
On peut néanmoins s’interroger sur le pourquoi d’un tel humanisme, et proposer quelques pistes de réflexions.
Une idée simple nous amène à considérer Google comme une cible potentielle d’attaques informationnelles en tout genre, le leader étant par essence toujours plus exposé que les autres.
Il n’est en effet pas totalement invraisemblable d’envisager une campagne de dénigrement s’appuyant par exemple sur le système de ranking mis au point par Google, souvent critiqué, car totalement opaque. Il ne serait pas davantage chimérique d’imaginer une tentative de déstabilisation s’articulant autour de la mise en doute des intentions réelles de Google, ou critiquant sa gouvernance : un groupe aussi puissant est forcément suivi de très près par le gouvernement Américain… il est donc évidemment susceptible de défendre les intérêts des Etats-Unis plutôt que ceux des citoyens du Monde...
Bref, sans dresser de liste exhaustive des risques, on peut aisément concevoir qu’à terme, de telles attaques pourraient affaiblir l’image de Google, et par conséquent limiter son monopole dans le domaine de la recherche d’informations ouvertes sur le web. En effet, cette menace virtuelle pourrait devenir une réalité si une sensibilisation de l’opinion publique est bien orchestrée, et si une caisse de résonance est trouvée dans des médias bien ciblés. Il est donc tout à fait raisonnable de penser que c’est pour faire face à de telles éventualités que Google cherche à renforcer son image.
Or, en se positionnant comme un serviteur altruiste de l’Humanité, le moteur de recherche de la Silicon Valley répond parfaitement à cette nécessité. En procédant de la sorte, il tente d’accentuer sa légitimité aux yeux de la planète, espérant ainsi anticiper, couper court aux critiques, et discréditer par avance toute mise en cause condamnant sa façon de fonctionner, ou fustigeant ses véritables objectifs (peut-être) inavoués, car (peut-être) inavouables.
On peut toutefois nuancer ce diagnostic, en faisant valoir que cette « contre-attaque par anticipation », ou ce « bouclier préventif », établi par Google ne réduit pas forcément le risque, dans la mesure où les détracteurs du moteur de recherche pourront toujours trouver de nouveaux angles d’attaques adaptés à ce positionnement. Un appel au boycott pourrait en effet toujours naître, justifié cette fois par une théorie expliquant que tous les services de Google labellisés « responsables » et « citoyens » ne sont en fait que l’expression d’une stratégie proactive, offensive, et indirecte, destinée à positionner sur le devant de la scène médiatique l’ensemble des sociétés « green » dans lesquelles Google a décidé d’investir plusieurs millions de dollars. Ces sociétés sont clairement listées sur le site www.google.org.
Pour conclure, il ne s’agit bien sûr pas de tomber dans la paranoïa, mais simplement d’éviter une naïveté excessive. L’objet de ce post n’est nullement de juger, et encore moins de mettre en cause le bien fondé de la démarche de Google, mais plutôt de rappeler l’utilité de conserver un regard critique vis-à-vis de la façade « bien pensante » élaborée et dessinée par notre moteur de recherche préféré. Les justifications de certains actes sont parfois plus sombres qu’il n’y paraît. Certaines ONG – soi-disant inattaquables – l’ont démontré par le passé…
Autrement dit, dans la guerre de l’information comme dans la guerre de l’image, il est indispensable d’observer toute situation via des prismes divers et variés. En utilisant différentes grilles de lecture, on est alors en mesure de mieux démasquer certaines manœuvres d’influence, qui sont le corollaire des jeux de pouvoir, eux-mêmes sous-jacents à la guerre économique et à la globalisation.
Jean-Christophe MARCOUX
Sources :
http://www.nytimes.com/2009/05/01/technology/internet/01google.html?_r=1&ref=technology
http://www.google.org
http://www.01net.com/editorial/501201/google-le-chiffre-daffaires-recule-pour-la-premiere-fois