Paix froide entre l’Algérie et le Maroc

Le conflit du Sahara-Occidental est le reflet des mauvaises relations politiques et d’un passé agité entre le Maroc et l’Algérie. Depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962 et jusqu’à aujourd’hui, la frontière terrestre entre les deux pays a été le plus souvent fermée. Directement liées au conflit portant sur le Sahara-Occidental, leurs relations diplomatiques demeurent particulièrement tendues. Par ailleurs, les médias ont pris part au conflit, puisque régulièrement, des mises en cause belliqueuses du voisin alimentent les attaques informationnelles qui laissent penser à une constante volonté de déstabilisation.
Après un premier bref conflit en 1963 opposant l’Armée nationale algérienne et les Forces royales marocaines, connu sous le nom de la « guerre des sables », survint un second incident en février 1976. Quelques semaines après le coup d’envoi  de la « Marche verte », plus de 350 000 volontaires, répondant à l’appel du roi Marocain Hassan II, sont partis pour investir l’ex-Sahara espagnol. Ce territoire est occupé et revendiqué par le Maroc qui propose un large plan d’autonomie sous sa souveraineté et refuse toute idée d’indépendance. La République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD), (fondée par le Front Polisario en 1976, soutenu par l’Algérie) réclame un référendum d’autodétermination dans lequel l’indépendance serait une solution. Le statut de ce territoire de 266 000 kilomètres carrés, désormais appelé « Sahara-Occidental ». Les zones sous contrôle du Maroc et du Front Polisario sont séparées par un mur de sable mesurant plus de 2000 km, construit par les marocains.
De plus, en 1994, le Maroc soupçonne les services secrets algériens d’être les commanditaires d’attentats commis à Marrakech par deux jeunes algériens vivant en France. Le Maroc, jusque-là épargné par la vague terroriste qui sévit en Algérie, instaure de façon unilatérale l’obligation d’un visa pour entrer sur son territoire. L’Algérie répond par la réciproque et décrète la fermeture de la frontière terrestre. Depuis, Rabat ne cesse de demander la réouverture des frontières mais l’Algérie subordonne son ouverture à la réalisation d’avancées dans le conflit du Sahara-Occidental et maintient donc le statut quo.
Le journal « Le Quotidien d’Oran » présente le dossier du Sahara-Occidental comme un prétexte pour les deux régimes qui ont intérêt à faire monter la tension. Au Maroc, le conflit saharien et le bras de fer avec l’Algérie aurait très tôt servi à occuper une armée qui, dans les années 1970, avait tenté de renverser la monarchie à au moins deux reprises. Il serait également un thème fédérateur entre le peuple marocain et le pouvoir en place. En Algérie, le soutien au Front Polisario aurait permis de contrecarrer les ambitions régionales du Maroc en les obligeant à livrer une longue bataille au Sahara face au Front Polisario.
Dès lors, si la lutte n’a plus lieu dans le désert, elle se poursuit sur le terrain médiatique, car nombreuses sont les attaques informationnelles envers les dirigeants du pays voisin qui rejette ces arguments à leur encontre. A Rabat, on pense que le Front Polisario serait une « création de l’Algérie », alors qu’à Alger on estime que la question de l’indépendance de la RASD relève de la justice internationale. Le sujet alimente donc les campagnes de presse, dans deux pays qui présentent un tableau contrasté en matière de liberté d’expression.
La radio tangéroise « Médi 1 » fait de propagande anti-algérienne, tandis que son homologue, la radio « Algérie Internationale » réplique en portant des accusations de nature offensive, les Marocains accusent les voisins de s’être « vendus aux généraux », alors que les Algériens répliquent en présentant les Marocains comme des « lèche-bottes du palais royal ».  Journaux et revues ne se gênent pas pour prendre à partie le voisin en montrant ses défauts et en multipliant les accusations afin de provoquer. De là, ils exposent de manière publique des faits qui constituent des failles. Il suffit de lire les littératures quotidiennes, de repérer les non-dits et les omissions pour prendre la température du conflit. Par ailleurs, les circuits de communication traditionnels ne sont plus les mêmes. Puisque internet et  la blogosphère deviennent des lieux où les populations peuvent réagir. En effet, les forums consacrés au sujet du Sahara-Occidental, suscitent beaucoup de réactions et présentent généralement des messages hostiles de la part des internautes.

De son côté, le Front Polisario a récemment lancé sa première chaine de télévision RASD-TV, dont le but serait de « casser l’embargo médiatique imposé par le Maroc et sensibiliser une partie du monde sur ce conflit ». Désormais, il est donc possible d’avoir  une vision différente du conflit.
Mais enfin, s’agirait-t-il de faire diversion pour mobiliser une partie de la population accablée par d’autres problèmes en Algérie et au Maroc ? Quelles sont les motivations des deux élites ?
De là, on peut également s’interroger à l’enjeu d’ordre économique. Le territoire du Sahara-Occidental est certes, désertique, mais très riche en phosphate. Il regorge aussi d’autres minerais tels que le fer, le titane, et des pierres précieuses. La façade atlantique est l’une des plus poissonneuses du monde et la présence des ressources pétrolières au large de cette dernière est probable. Dans cette optique, l’indépendance de la RASD permettrait à l’Algérie (qui ne revendique pas officiellement ce territoire) d’obtenir l’accès à la côte atlantique tant convoitée. Pour le Maroc, l’intégration du Sahara serait un apport économique de grande importance.
Dans un contexte de crise économique mondiale, de regroupement économique et politique, et lorsqu’on connaît le manque économique des deux pays, l’idée de mettre de côté le différend du Sahara et d’ouvrir les frontières pour relancer leurs économies ne serait-t-elle pas plus pertinente ? Pourtant, les spécialisent estiment qu’une union économique génèrerait au moins un point de croissance supplémentaire pour chaque pays.

Sources :
Courrier International N°962 – Dossier Maroc - Algérie « Je t’aime, moi non plus » (Le Quotidien d’Oran, Oran «  Un différend qui n’a que trop duré » ; Al Michaal, Casablanca « Tant de coups tordus ! »)
MarocHebdo International N°839 – « Alger et Rabat préparent la guerre »
http://www.tsa-algerie.com/Sahara-occidental---lancement-officiel-de-la-RASD-TV_7009.html
http://www.tsa-algerie.com/Sahara-occidental---le-spectre-de-la-guerre-refait-surface_6982.html
http://www.maroc-hebdo.press.ma
http://www.rasd-tv.com
http://www.hrw.org/fr/middle-eastn-africa/morocco/western-sahara
http://www.hrw.org/fr/middle-eastn-africa/algeria
http://www.irenees.net/fr/fiches/analyse/fiche-analyse-18.html